lundi 5 février 2024

Nick Waterhouse "Katchi" et The Wailers "Mau Mau"

 On a remarqué la chanson entraînante "Katchi" du duo Ofenbach, il y a six ans environ.

Ofenbach - Katchi

J'ai écouté quelques titres du groupe et c'est clair qu'il y a de la resucée de motifs anciens, mais cette chanson est une reprise de Nick Waterhouse, et donc je passe à la version de celui-ci :

Nick Waterhouse - Katchi

J'aurais à identifier les sources de plusieurs motifs, mais je vais directement référencer le principal ressort dansant et mélodique de la composition. Il est possible que ce soit latin, mais j'ai en tout cas un instrumental de 1959 du groupe The Fabulous Wailers qui m'a tout l'air d'être la source directe reprise ici.

The Wailers - Mau Mau


vendredi 12 janvier 2024

Les petits plagiats de Mc Cartney en 1965 "Yesterday" et "Looking through you"

Paul Mc Cartney se vantait de sa composition "Yesterday" comme un moyen de montrer qu'il était une personne sensible et bizarrement il avait pris les devants en disant qu'il avait cherché si par hasard sa chanson n'était pas flanquée d'une réminiscence involontaire d'une chanson antérieure. Il prétend avoir beaucoup cherché.
Or, quand j'étais adolescent, j'avais reçu une cassette sur laquelle une compilation de chansons de rien moins que Nat King Cole avaient été enregistrées, et l'une d'elles était frappante de ressemblance avec "Yesterday". Il m'est arrivé une deuxième fois de songer à une source possible pour "Yesterday", mais là j'en ai tout oublié. En revanche, de nos jours, quand internet est aussi développé, il m'est aisé de constater que j'avais vu juste au sujet du titre de Nat King Cole et ce lien a été identifié par d'autres, lien qui concerne à la fois la mélodie et les paroles...



Il est évident que Mc Cartney a fredonné une partie de la chanson de Nat King Cole jusqu'à lui donner une nouvelle ampleur mélodique. Peut-être qu'au départ le morceau ne s'était que vaguement incrusté dans la tête du bassiste des Beatles et qu'avec sa sensibilité il a travaillé à transformer une bribe en une chanson complète. C'est une façon de créer des génies à partir de sources d'inspiration.
Mais, ici, il va s'agir d'un plagiat pur et simple. Cela ne concerne pas toute la chanson, mais Mc Cartney reprend clairement une mélodie caractéristique qui fait le prix envoûtant du morceau et il tient compte également de son emploi en déchaînement final.
Il va de soi que c'est à rattacher à l'urgence des compositions en 1965, puisque les Beatles ou les Rolling Stones sortent deux albums par an en 1964 et 1965, ainsi que des titres exclusifs aux 45 tours, et les Rolling Stones sont en train de se détacher des reprises pour des compositions originales, et les Beatles sont déjà plus avancés dans cette évolution vers une production de titres exclusivement originaux. Et il faut ajouter à cela la réalité des concerts, concerts auxquels vont significativement renoncer les Beatles. Et dans un tel contexte, l'influence de chansons sur de nouvelles créations est maximale, et parfois il faut composer dans l'urgence pour compléter un album. Toutes les créations n'ont pas eu le même traitement, le même temps d'attention...
Qui plus est, alors qu'au début des Beatles, il est assez sensible que c'est Mc Cartney qui invente les titres les plus marquants, ce que Lennon ne contrebalancera véritablement qu'à partir du titre A hard day's night, à une époque où comme l'atteste l'album du même nom Mc Cartney compose toujours d'excellents titres, mais très peu en comparaison de l'abondance de créations de Lennon. Mc Cartney redevient plus profus en 1965. Il y a bien un titre charmant qu'on peut penser assez léger de composition : "Tell me what you see". Le titre a été soigné, il est organisé, passe par certains plans, mais il faut avouer que s'il est un peu charmant il a une certaine ligne légère et plate. En revanche, à la fin de 1965, le titre peu connu "Looking through you" qui a un lointain air de ressemblance avec "Tell me what you see" dans l'adresse tendre à une femme est une bombe mélodique méconnue.


Quel étoffement de l'une à l'autre chanson !
On attrape un délicieux vertige en écoutant cela ! Et notez le finale !
Eh bien, ce morceau figure sur l'album Rubber soul, à cheval sur les années 1965 et 1966. Le titre "Looking throug you" est une création de la fin de l'année 1965. Or, au début de l'année 1965, un groupe australien The Seekers a enregistré un morceau "A world of our own" qui semble avoir atteint la troisième place des classements musicaux anglais autour des mois d'avril et mai. C'est de là que vient le motif musical accentué par Mc Cartney en accompagnement de sa création "Looking through you". C'est une reprise mélodique tel quel, et notez l'emploi dans le finale.


Au début de 1966, les Rolling Stones feront un plagiat similaire, ils prendront la séquence mélodique marquante d'ouverture de la chanson des Four Tops "It's the same old song" et en ont fait le riff, le motif musical qui revient tout le temps dans "Under my thumb" en accentuant par les choix sonores son côté entêtant.
C'est moi qui ai découvert ce plagiat il y a des années et qui en ai parlé le premier sur internet (en français et en anglais (sur des forums de discussion spécifiquement rollingstoniens), ce qui fait que maintenant vous pouvez tomber sur des gens qui citent ce lien entre les deux chansons.


...

mercredi 10 janvier 2024

Les sources du Lac du Connemara

Il y a eu un petit émoi cette année autour de cette chanson, mais je vous offre un scoop. Il s'agit d'une reprise et adaptation du célèbre Blue Rondo a la Turk, pièce de jazz de Dave Brubeck, et ils sont partis non de la version originale, mais de la version au synthétiseur du groupe The Nice de 1967...
J'ai identifié la source en écoutant le morceau "Rondo" de The Nice, et je vais vous expliquer cela, mais je vais commencer par vous donner des éléments de contexte qui ont confirmé a posteriori mon jugement.
Pour m'informer de manière élémentaire sur la chanson, je consulte la page "Wikipédia" qui lui est consacrée. La chanson est considérée comme une création originale à part entière avec Michel Sardou et Pierre Delanoë pour les paroles, Jacques Revaux pour la musique. Ce succès date de 1981. En clair, en 1981, étant gosse, je ne me rendais pas compte qu'il s'agissait d'une chanson d'actualité, j'ai toujours cru qu'elle était un peu plus ancienne.
Mais l'important, c'est le contexte. Jacques Revaux jouait sur un synthétiseur usé, ou ayant souffert de l'été comme il est dit, et il a estimé que ce synthétiseur en fin de course donnait un son amusant de cornemuse. Mais le son de la cornemuse, c'est l'enrobage. Revaux devait au préalable jouer une mélodie. En effet, on n'a pas d'abord un son de cornemuse, puis la création d'une mélodie pour en tirer parti, il y avait forcément une mélodie jouée à l'époque par Revaux qui participait à l'identification d'un son de cornemuse. Car, ce qui est célèbre dans "Les Lacs du Connemara", c'est autant la mélodie que le son particulier de cornemuse. Et on nous raconte que la mélodie est venue après tout comme les textes de la chanson pour faire écossais. Ce n'est pas logique. Les textes, oui, ils peuvent venir après, mais il n'existe pas un son de cornemuse amusant dans le ciel pur des idées. C'est évident que c'est un tout : mélodie avec un air de cornemuse qui a séduit Revaux.
Revaux pouvait très bien jouer un morceau de son invention, mais il est évidemment fréquent de jouer des airs à la mode et en particulier des airs à la mode sur l'instrument même sur lequel on les joue.
En fait, il existe un morceau de jazz célèbre qui se joue volontiers au piano et par extension au synthétiseur, il s'agit du rondo du Dave Brubeck Quartet. Le morceau est bien plus classieux mélodiquement que "Les Lacs du Connemara" et certains diront que ça ne se ressemble pas encore trop, sauf que le morceau "Rondo" a été repris par le groupe The Nice en 1967, groupe célèbre pour la reprise au même moment d'un autre morceau de musique classique contemporaine, le titre "America", et nous retrouvons l'emploi cette fois du synthétiseur. Dans leur "Rondo", joué plus primairement, on reconnaît nettement la mélodie du refrain des "Lacs du Connemara". En clair, Revaux jouait le titre de The Nice quand son synthétiseur usé l'a fait penser à un son de cornemuse, le morceau de The Nice favorisant déjà ce glissement de la perception par son rythme syncopé. Bien sûr, Revaux a gardé telle quelle la mélodie pour le refrain mais tout un nouveau morceau a été élaboré autour. Fait remarquable, la chanson de Sardou a la même durée longue de six minutes que le morceau de The Nice.
En-dehors de l'influence de The Nice, Revaux et Sardou ont pu écouter des allusions dans la musique pop au morceau de Dave Brubeck dans une chanson d'un album de Statu Quo, mais il s'agit d'une allusion en fin de chanson sur un album peu connu de 1970, et on constate plutôt que le titre de Statu Quo vient un an après la version de The Nice. La logique est plutôt d'une influence de la version de The Nice, d'un côté sur le groupe Statu Quo, de l'autre sur Jacques Revaux et Michel Sardou. D'ailleurs, le morceau "Rondo" de The Nice a été réédité sur un album compilation "Long player" de 1969 si je ne m'abuse, c'est là que je l'ai entendu pour la première fois d'ailleurs. Et puis, en 1981, la même année que la sortie des "Lacs du Connemara", Al Jarreau a sorti une version vocale sur son album Breakin' away, version qui a reçu des prix à l'époque.







J'ai entendu le Rondo de The Nice sur un album compilation intitulé The Long versions.
Fin de ma recension.


dimanche 22 janvier 2023

Un peu de Jeff Beck !

Je ne peux pas dire que j'ai beaucoup écouté de disques de Jeff Beck en solo, mais deux albums font véritablement exception.
Né en 1974 et m'étant plongé dans le rock ancien à partir de 1992, j'ai découvert Jeff Beck par les Yardbirds, puisque mon écoute était tournée de manière essentielle vers la musique sixties, et j'ai adoré. J'ai découvert aussi les albums Truth et Beck-Ola que j'ai pas mal écoutés aussi. J'ai fait l'acquisition d'un CD qui réunissait les deux albums Truth et Beck-Ola, ce qui fait que j'ai toujours considéré naïvement que c'étaient les deux premiers albums du Jeff Beck Group, alors que Truth est signé seulement Jeff Beck, mais c'est un détail puisqu'on a deux albums avec Rod Stewart et Ron Wood, puis deux autres avec des inconnus pour moi. Et, pour moi, Jeff Beck est resté avant tout le génial guitariste des Yardbirds et du Jeff Beck Group avec Rod et Ronnie. J'ai connu le trio Beck Bogert Appice bien plus tard en fait. Et dans ma campagne reculée, je connaissais les albums de la carrière solo du maître, mais seul un a trouvé complètement grâce à mes yeux Blow by blow. C'est clairement celui que j'écoutais le plus. Wired et Guitar's shope venaient après, et There and back ne m'était pas indispensable. Je ne faisais pas attention à la suite de sa carrière, d'autant plus que, même s'il y avait un revival de vieux rockers dans les années 90, on n'avait pas internet, ils étaient censés tous être sortis du circuit quasiment. Même la chanson "Hope for deliverance" de Mc Cartney qui me plaisait à la radio ne marquait personne. Et Beck ne sortait rien. Puis, un jour, je vais dans une grande enseigne regarder les CD et il y a un casque pour écouter le nouveau CD de Jeff Beck. C'était Who else avec sa pochette de prisonnier du désert, bords noirs et un écran avec vue sur le guitariste et sa chaise, belle lumière de projecteur sur lui dans la fente entrouverte.
J'écoute le début dans des conditions pourries et je me dis "Ce disque, il me le faut". Pour des raisons techniques, je ne l'ai pas acheté le jour même.
En 1996, David Bowie avait sorti un album Earthling qui m'avait marqué. Bowie n'a pas le style musical des Stones, il n'est pas très bon en concert. Ses chansons jouent moins sur la qualité du déploiement des instruments que sur des créations d'atmosphère quelque part, mais il est un génie dans ce qu'il fait et il a tenu les années, et il était bon même quand il n'était pas encore trop reconnu, il n'y a que les années 80 qu'il a vraiment passé mollement comme tous les vieux sixties, et il arrivait à faire un bon revival tout d'un coup avec Outside ou Earthling. Earthling avait l'intérêt de présenter un son résolument moderne, cette espèce de musique électronique ensauvagée pour boîte de nuit frappadingue. Les compositions en elle-même suivaient un certain ordre habituel des choses, elles n'étaient pas révolutionnaires, mais les arrangements, les sons, c'était complètement révolutionnaire.
Et j'aime bien un peu l'extase particulière que procurent l'album Earthling et certains titres dont les deux premiers de Who else.
Du coup, en 1999, j'étais à la fois surpris et préparé à la découverte de Who else. Je pense que Beck qui a joué avec lui a dû méditer l'album de Bowie de 96. Beck a joué avec Bowie en concert dès 1973 pour quelques titres ainsi faits à l'occasion. L'intérêt avec Jeff Beck, c'est que c'est quelqu'un qui privilégie l'instrumental au chant, et qui en plus est un virtuose de son instrument et enfin un expérimentateur aguerri. Et je considère que Earthling de Bowie c'est un album jouissif. Le rockeur peut être réfractaire, c'est des sons électroniques, "à quoi tu m'invites ?", etc. Objectivement, il y a une force dynamique favorable à la créativité dans Earthling et qui débride les côtés coincés, et Jeff Beck un côté coincé il y en a un dans sa musique, il y a quelque chose parfois de trop plat. D'ailleurs, il ne compose pas lui-même. Et quand j'ai écouté "Mama said" et "Psycho Sam", j'ai tout de suite pensé à Earthling en me disant "ça c'est inattendu !" Jeff Beck prend la même voie, mais j'ai aussi senti les titres comme puissants, joués avec plaisir et avec une virtuosité et une maestria qui se réinventait et frôlait de nouvelles perfections. Puis, à partir du troisième titre, on revient à quelque chose de moins électronique, un long blues, mais l'ambiance de ce morceau et la précision affolante du jeu guitaristique, et la dimension j'ai envie de dire "acoustique", mais on va penser à guitare acoustique, et c'est pas ce que je veux !, mais cette dimension du son étrange, le décalage avec un son normal de guitare jouant du blues, j'étais émerveillé, le vague-à-l'âme produit. L'album se poursuit, mais tapez-vous les trois premiers titres de Who else, c'est ces trois titres-là qui m'ont marqué, qui m'ont déterminé à acheter le CD. Le suivant album You had it coming est très bon également avec des continuités, mais Who else reste définitivement pour moi le chef-d'oeuvre tardif et à part de l'oeuvre de Jeff Beck, il est au-delà en qualité, au-delà en originalité. Je suis content de constater qu'à l'heure des commémorations, c'est précisément cet album qui est le plus volontiers retenu après Blow by blow, avec la compagnie de Guitar's shop de 89, mais pour moi le truc de dingue récent c'est Who else, le reste est un cran en-dessous. Dans les années 2000, Jeff Beck est à l'honneur encore en tant qu'artiste vétéran qui tire encore des choses nouvelles de son sac, mais il faut arrêter de croire que lors du revival les vieux héros tiennent sans fin. Les Rolling Stones ont eu un revival de 89 à 92 et c'était très en-dessous de leur âge d'or. Bowie a eu un revival dans les années 90, mais c'est aussi en-dessous. Ray Davies a fait des choses prodigieuses, non pas dans les années 90, mais plutôt dans les années 2000, et l'album Workingman's café est fabuleux, et donc Jeff Beck a fait Who else. Cet album m'a convaincu, et à la première écoute. On a d'autres titres forts et originaux Blast from the east, Space for Papa qui fait penser à un autre album de Bowie, Outside, l'étrangeté onirique de Angels (Footsteps), THX138, Hip-notica, le planant Another place, le voyage en paix Declan, etc.


On peut comparer avec les titres de Bowie.


Les chants nous éloignent rapidement, mais les débuts instrumentaux permettent de faire le lien. Il faut privilégier les parties instrumentales pour comprendre comment l'un a pu déterminer l'autre.
Je mets tout de même la chanson finale qui a l'intérêt de ne pas avoir de partie chantée faisant un trop important contraste.


Je reviens à l'album Who else pour sa chanson sublime. La 3ème. Il joue évidemment tout de même sur son terrain du blues.


Et sans le blues, on a ceci, une chanson de relaxation du côté de l'aquarium :


**

Evidemment, c'est la période des Yardbirds qui a mes faveurs avec "Heartful of soul" notamment :


De sa discographie personnelle, Roy Loney a renié l'album Contents under pressure qui avait été amené à quelques concessions New wave, c'est oublier deux reprises fabuleuses au passage une de "Sorry" des Easybeats et cette version de Heartful of soul :


On songe bien sûr à l'envolée finale de "I'm a man". Au moins, une version finale pour aider à s'en faire une idée.


Peu de gens le savent et beaucoup de fans n'ont pas l'air de posséder l'album Having a Rave Up qui contient une face A de titres studio avec Jeff Beck et qui a au moins quatre titres en concert plus anciens avec Clapton sur la face B. La version studio de Jeff Beck fait deux minutes trente et celle en concert de Clapton fait quatre minutes trente.
On voit sur la toile des annonces et vidéos maladroites où la version de Beck est attribuée à Clapton, où on colle la version de Beck sur des vidéos et images du groupe avec Clapton. La version de Clapton est peu mise en avant d'ailleurs et les gens ne se rendent pas du tout compte que le titre studio porte la marque distinctive du génie expérimental de Beck.
La face A de Having a rave up contient plusieurs des titres phares du groupe avec Jeff Beck : outre I'm a man version studio, on a Heartful of soul, Still I'm sad, Evil Hearted you et Train kept a rollin qui sera revue en Stroll on par la suite avec renfort de Jimmy Page. On a aussi l'étrange composition lyrique Your' a better man than I am. Il ne manque que le succès sorti en 45 tours Shapes of things.
Je ne m'étends pas sur des titres aussi réputés que Heartful of soul, Shapes of things, Still I'm sad et Evil hearted you.
Je vais essayer de faire un article bien personnalisé et qui va droit à des informations peu évidentes.
Par exemple, sur le premier album des Yardbirds, bien que Clapton soit présent, on a déjà des interventions de Jeff Beck sur trois titres. Ces trois titres-là ont été faits dans le même esprit que les autres du premier album, ils sont plus blues, puisqu'on sait que sur cet album le succès de "For your love" et son côté pop ont fait fuir Clapton, et pourtant Clapton est déjà parti et ils permettent à Jeff Beck d'immédiatement montrer ses qualités de contributeur : I ain't done wrong, Sloopy Hang on / My Girl sloopy et I'm not talking.
Faisons-nous plaisir en citant deux de ces titres. "I'm not talking" est une reprise, éblouissante à la guitare, de Moses Allison, et I ain't done wrong est encore un morceau explosif à la guitare composé bizarrement par le chanteur Keith Relf, ce qui est un peu suspect, et on n'oublie pas qu'on peut comparer sur l'album avec le titre I ain't got you joué lui avec Clapton.


En clair, pour moi, le génie des Yardbirds est plus lié à Jeff Beck qu'à Clapton. Oui, le groupe a eu un succès avec Clapton initialement, mais la discographie est nettement dominée par Jeff Beck, lequel fait des siennes sur le tout premier album déjà.
Il va de soi que le meilleur album des Yardbirds n'est autre que Having a rave up. Il contient une face A de quasi tous les meilleurs titres du groupe et une face B qui reprend quatre titres d'un live paru un peu avant avec Clapton à la guitare. Mais les faiseurs d'anthologie saluent plutôt l'album suivant dont cette fois tous les titres sont inconnus, même le titre de cet album n'est pas clair entre Roger the Engineer, simplement The Yardbirds et le titre d'une des chansons qui y figure Over, Under, Sideways, Down.
On peut se poser la question de la relation avec "the engineer" de l'opéra-rock "A Quick one" des Who sorti la même année (66). Il s'agit du dessin sur la pochette qu'on doit au bassiste Dreja.


Beck s'y taille la part belle, pas de Clapton, toujours pas de Page, et des expérimentations nouvelles et des styles nouveaux.
Beck chante sur le troisième morceaux The Nazz are blue et il joue aussi de la basse sur le morceau éponyme. On voit aussi qu'avant le Beck's bolero il y a eu le Jeff's boogie.
En parlant de basse, celui qui en joue se retire et laisse la place enfin à Jimmy Page, lequel va le remplacer. Page joue un temps de la basse, mais bientôt on se retrouve avec un groupe à deux guitaristes solistes. Malheureusement, au-delà des concerts, trois titres seulement ont été enregistrés.
Pourtant sur l'album studio suivant, le dernier des Yardbirds, dernier studio car il existe une perle rare un live faisant transition avec le style Led Zeppelin, sur l'album suivant disais-je, Little Games, il n'y a aucune présence de Beck et Jimmy Page est seul à la guitare.
Où sont donc ces trois titres ?
En fait, même si ce fut de courte durée, de manière incroyable, une version de Train kept a-rollin' réintitulée Stroll on jouée avec Page et Beck figure dans le film Blow up d'Antonioni. Le réalisateur italien espérait engager les Who pour voir Pete Townshend casser une guitare sur scène. Les Yardbirds remplacent les Who et Jeff Beck se soumet au jeu d'imitation de Townshend. Casser les guitares, c'est le truc de Townshend, un peu de Jimi Hendrix, mais pas du tout de Jeff Beck, mais il s'exécute de bonne grâce en jouant le mec agacé par un problème technique et on a en voix off les autres qui disent de continuer de jouer, une imitation cocasse des Who par lesYardbirds eux-mêmes (quoique maladroite), et du coup Page et Beck ensemble à l'écran dans une prestation du groupe.
En fait, il semble y avoir du débat.
Le titre "Stroll on" est joué en concert avec Page, mais seulement ne signifie pas automatiquement qu'il a joué sur la version studio, tandis que pour le titre The Nazz are blue Jimmy Page est tantôt mentionné, tantôt non.
Les trois titres sur lesquels les deux guitaristes jouent ensemble sont sortis sur deux 45 tours. La face A est la même sur les deux 45 tours, il s'agit d'un titre où l'ajustement des guitaristes innovateurs Page et Beck a la part belle, mais nous sommes à la fin de l'année 66 dans une période particulière. Le public et les critiques commencent à se braquer contre le psychédélisme qui ne fait pourtant que naître, puisqu'il explosera l'année suivante. Le titre avant-gardiste des Stones "Have you seen your mother, standing in the shadow ?" n'a qu'approcher la première place, mais ne l'a pas atteinte. Le titre des Yardbirds va souffrir lui carrément d'un manque de succès et faire un flop : "Happenings ten years time ago". Sa reconnaissance s'est faite a posteriori, bien appuyée par le fait que le titre n'est connu que des connaisseurs sachant que Page et Beck y tiennent pour une quasi unique fois les rôles des deux guitaristes solistes meneurs de la composition.
La première face B était Psycho Daisies, la seconde face B est The Nazz are Blue.
Voilà ! Au moins, je ne vous laisse pas planter le nez en l'air quand je dis qu'il y a trois titres enregistrés avec Page et je vous laisse pas deviner où ils sont parmi la discographie connue du groupe. Deux ne font même pas partie de la discographie accessible des Yardbirds. Grâce à moi, vous savez tout.


Personnellement, je ne trouve pas l'ensemble bien maîtrisé. Je suis marqué par le riff d'attaque, l'espèce de roulement à la guitare en début de morceau, mais j'ai dans la tête un autre morceau d'autres gens qui s'en sont servis, et je n'arrive pas à le retrouver. Je trouve aussi mal intégrés les bruits et paroles. Parfois, c'est réussi, mais ici ce n'est pas le cas, c'est comme un tableau que vous gâcheriez par un phylactère. On peut aussi réussir à bien mélanger le phylactère à un tableau, mais il faut trouver la formule et ici je trouve ça discutable malgré de beaux passages à la guitare et évidemment de la resucée du style de chansons comme "Shapes of things", "Still I'm sad" ou "Evil hearted you".
Honnêtement, je n'écoute pas ce titre régulièrement, et je ne me l'impose pas quand je me fais une session de Yardbirds.
Plutôt prendre son pied avec la face B !


Mieux encore, prendre son pied avec la reprise en concert privé pour un film de "Stroll On", du faux concert truqué bien sûr, mais Stroll on quoi ?


Remarquez qu'il y a pas mal d'extraits de films ou séries sixties où récupérer des extraits de concerts de groupes de l'époque.

L'album qui contient The Nazz are blue, Roger the Engineer dont j'ai parlé plus haut, a été enregistré en juin 66. Les titres Happenings ten years time ago et Psycho Daisies ont été enregistrés avec Page entre juillet et septembre-octobre 1966 selon des témoignages contradictoires. The Nazz are blue existe-t-il dans une seconde version ? Je pense plutôt que comme il a remplacé Psycho Daisies en face B on l'a confondu avec les sessions de Jimmy Page, ce qui n'a pas de sens.
Pour moi, le troisième morceau c'est plutôt Stroll on ou une préfiguration du Beck's bolero, le Jeff's blues. Je n'ai pas encore trop cherché, mais je vais le faire, car je remarque que les informations sont imprécisés au sujet du troisième titre de Beck et Page en duo à la guitare chez les Yardbirds.
Le morceau "Train kept a-rollin'" est une reprise des années cinquante qui figure déjà en reprise sur un magnifique album du Johnnu Burnette trio.


Ce titre rockabilly s'inspire quelque peu de chansons imitant le train du côté du rhythm'n'blues de l'époque, on a un morceau lent imitant le train dans le corpus de Chcuk Berry ou encore dans le corpus de Bo Diddley, et il y en a d'autres, mais la machine rockabilly de Burnette a un enthousiasme de diable contagieux que les Yardbirds vont peaufiner.
En vérité, le morceau de Chuck Berry "Downbound train" est postérieur, 1957 contre 1956, et c'est forcément pareil pour Bo Diddley. Une recherche est à faire sur ce genre de compositions référençant la musique à une allure de train. Blaise Cendrars sort de ce manche... de guitare.


Au passage, dans les années 90, Jeff Beck a fait un album hommage sur le groupe Gene Vincent and the Blue Caps, celui avec une image de pin up sur une guitare.
Le titre "Train kept a-rollin'" figure déjà tel quel sur l'album "Having a rave up" sans Page, la version Stroll on existe en bonus sur des rééditions CD et la corruption du titre n'est liée qu'au fait de vouloir éviter de payer des royalties au compositeur de "A train kept a-rollin'" pour on ne sait quelle raison. Jimmy Page fut très friand de cette reprise qu'il joua régulièrement avec les Yardbirds ensuite, mais aussi avec Led Zeppelin lors des premières tournées en 1969.
Jeff's blues et peut-être Stroll on, on hésite entre trois et quatre titres studios enregistrés avec Page. A votre métier, les journalistes, les reporters !

Les rééditions en CD privilégiant les albums, certains 45 tours passent à la trappe. Nous l'avons vu pour "Happenings ten years time ago", et on a le même problème avec Hi Hoi silver lining, pourtant un hit très connu de Jeff Beck en solo, avec en face B le Beck's bolero. Je me suis permis une rime.


Dieu essaie de m'empêcher de mettre des liens dans mon article, mais moi sur l'air suscité ou sus-cité je chante : "Crèève Dieu, ne fais pas ça quant tu veux, mais accélère un peu / Le plus tôt sera le mieux !"
Je maîtrise même l'orthographe des rimes.
Le titre "Hi Ho silver lining" joué par Beck est une reprise qui a désespéré un groupe inconnu qui comptait décoller avec leur version. Il s'agit d'un groupe méconnu mais excellent The Attack. Ils ont fait aussi une reprise de "Sympathy for the devil", puis ils ont une belle collection de chansons qui permet d'arriver à un CD chargé en titres bien défendables.


C'est super et ça rivalise sans problème avec le maître.

Pour Jeff Beck, je vais éviter de citer Truth et Beck-Ola, ce sont des albums évidents de lui avec Ron Wood et Rod Stewart.
Ron Wood souffre aujourd'hui d'un relatif discrédit, il est le guitariste de la période moins glorieuse des Stones, mais c'est injuste. Mick Jagger chante moins bien, Keith Richards a bien sûr baissé de niveau, et Ron Wood n'y est pour rien. En plus, avant la venue de Mick Taylor, on a surestimé le rôle créateur de Brian Jones et il était surtout un gars qui jouait de multiples instruments, ce qui est bien, mais ce qui fait qu'il n'a pas été un guitariste clef à temps complet. Mick Taylor est bien sûr le guitariste virtuose du groupe et celui des concerts exceptionnels de 69 à 73, que ce soit dû en partie à sa présence ou au fait que tout le groupe assurait. On rappelle quand même que le déclin progressif des Stones commence si pas en concert au moins en studio avec l'album de 1973 Goats head soup et tend à se confirmer avec It's only rock'n'roll, même si les deux albums sont encore merveilleux à écouter quand on ne les compare pas aux précédents. Notons que Jeff Beck lui-même jouera pas mal en session avec les Stones dans la période de transition de 74 à 76 et donc sur des titres qui finiront par faire les huit de l'album Black and blue avec Ron Wood. Notons que le titre "It's only rock'n'roll" est signalé comme ayant été influencé par Ron Wood. En réalité, c'est un plagiat partiel et une réadaptation du titre "Blues power" de Clapton que celui-ci a joué en janvier 73 en compagnie de plein de grands noms dont Townshend et Ron Wood. Mais ceci est une autre histoire. Ron Wood a donc joué sur scène parmi d'autres grands noms en janvier 73 avec Clapton quand il n'était pas encore un Stone, il n'était donc pas n'importe qui. Ron Wood a d'abord joué quelques titres avec un groupe nommé The Birds, avec la correcte orthographe de nom d'oiseau, les américains The Byrds ayant voulu répliquer au Beat des scarabées ("beetles"). On fait dans le sonnet des voyelles et le rayon de "Ses Yeux". Cela fait un super album réédition collector en CD. Ron Wood est le frère d'un membre d'un très bon groupe du british blues début sixties The Artwoods. Ron Wood est un membre du Jeff Beck Group sur Truth et Beck-Ola, Ron Wood a joué avec Rod Stewart dans ses débuts solos, et les premiers albums de Rod Stewart c'est du bon, c'est sa période fin 70's début 80 glamour, disco et pop qui l'a rendu ridicule ce chanteur à la voix magnifique. Enfin, Rod Stewart et Ron Wood ont été membres le temps de quatre albums et de concerts géniaux du groupe The Faces né de la dissolution des Small Faces. Et dans la carrière solo de Ron Wood, il y a des titres qui s'écoutent, et c'est un bon guitariste. Voilà tout, comme dirait Rimbaud.
Revenons à Jeff Beck, je ne parlerai plus de ses copains artistes parmi lesquels les Rolling Stones, sauf à citer bien sûr sa relation particulière à Stevie Wonder.
Jeff Beck aime les chansons de Stevie Wonder et même s'il n'y a pas d'enregistrements Beck a fait un passage à la Motown en 1970 qui se ressent un peu sur les deux derniers albums dits du Jeff Beck Group. On y relève une première reprise d'un titre de Stevie Wonder. Or, en 1972, sur un rythme de batterie de Beck si j'ai bien compris, Wonder a créé la chanson "Superstition" et le riff, mais il a décidé que la primeur de publier le titre en reviendrait à Beck, sauf que l'intérêt du titre va faire qu'il va figurer sur l'album de 1973 Talking Book de Stevie Wonder, tandis que Beck qui vient de former un trio peine à accélérer la sortie de leur premier album. C'est ainsi que finalement la version originale est bien celle de Stevie Wonder et non celle aussi saluée à l'époque du groupe Beck Bogart Appice. On a un album studio de Beck Bogart Appice en 73 et un Live in Japan en 74, avec parfois des titres en plus si je ne m'abuse sur les rééditions.
Il faut ajouter Stevie Wonder à la liste des musiciens avec lesquels Beck a joué en concert ou enregistré en studio. Voyez les remerciements sur l'album de 76 de Wonder Songs in the key of life...
Du coup, Stevie Wonder offrira un morceau à Beck qui figurera cette fois sur l'album de référence de Beck en solo Blow by blow, album de 1975.
On se met au moins, le "Superstition" de Beck Bogert Appice. Bogert a joué dans Vanilla Fudge. Appice et Bogart étaient ensuite tous deux dans le groupe Cactus.


A cause de Truth, Blow by blow est le second album solo de Jeff Beck, mais en réalité c'est à tout jamais son premier.
La face B contient une belle reprise de Stevie Wonder "Cause we've ended as lovers" et poursuit avec la chanson offerte en primeur "Thelonius". Rappelons qu'à l'époque la ferveur pour Stevie Wonder bat son plein. Au-delà de l'aveugle accumulant les chansons à succès comme Ray Charles, Stevie Wonder, né en 1950, est plus jeune que les autres chanteurs sixties, il a treize ans quand il joue à l'harmonica Fingertips et quinze quand il envoie le fameux Uptight. Il y a toute une première partie de la carrière de Wonder où c'est un adolescent assisté par des adultes, ce qui se voit au plan du crédit pour les compositions. Wonder s'émancipe quelque peu en tant que créateur vers les 18-20 ans et quand il sort notamment en 1970 l'album Signed, sealed, delivered I'm yours. On pourrait discuter peut-être de la qualité de certains des albums, mais de 70 à 75 il a des albums à succès plutôt bien reconnus, dont Innervisions, et en 1976 il sort un double album qui contient plein de titres majeurs dans sa carrière Songs in the key of life. Le déclin n'est amorcé qu'après cet album, avec un derrière grand feu en 1980 et puis quelques 45 tours à succès au début des années 80 "Part-time lover" et "I just called to say I love you" (titre que tous les rockeurs auront à coeur de dauber, forcément !) et même un dernier baroud d'honneur avec un titre d'une grande emphase harmonique et musicale "I'm free" pourtant passé quasi inaperçu en 1987.
Revenons à Blow by blow.
Le deuxième titre de la face A est célèbre. Il s'agit d'une reprise d'un titre de Mc Cartney pour les Beatles "She's a woman" et Beck s'ingénie à montrer qu'il peut jouer la mélodie de la voix à la guitare.
Pour le reste, Beck se fait aider à la composition par Max Middleton, et nous voilà avec un album superbe, moins rock, plus fusion ou jazz ou je ne sais pas comment dire.
Si on aime, on poursuit avec l'album suivant "Wired". Vu que c'est moins ce que je recherche, je privilégie Blow by blow, mais Blow by blow et Wired sont les deux opus majeurs à posséder de sa carrière solo avant Who else en 1999.
L'album de 1980 There and back, mais on lit seulement Jeff Beck en blanc sur fond noir sur la pochette, est moins marquant. L'album de 1989 Jeff Beck's guitar shop est meilleur, il est assez encensé par la critique, il correspond à un revival. Je l'aime bien aussi, mais sa reconnaissance ne vient pas d'un succès visible en 1989, c'est une reconnaissance d'estime. Ce sera le cas aussi pour Who else, mais pour moi la différence, c'est que Who else s'est imposé, tandis que Guitar shop j'ai simplement dire que c'est ce qu'il a fait de mieux depuis Wired. Après Who else en 1999, l'album You had it coming (phrase que je n'arrive pas à traduire naturellement) est très bon également, mais pour moi quelque chose se perd déjà de la fraîcheur particulière à Who else.
Je préfère m'arrêter là. Les albums de Beck et même ses prestations ont une reconnaissance d'estime dans les années 2000, je ne dirais que ce qui se dit déjà avec un peu de retrait prudent par-dessus, donc je m'arrête là. Pour moi, "You had it coming" est plus le dernier album que j'écoute volontiers de Jeff Beck.

"Get out of my cloud" son inspiration venue de Out of our tree et Louie Louie

 "Get out of my cloud" n'est pas le titre le plus souvent cité dans la carrière des Stones. Pourtant, c'est un titre entraînant de leur grande époque, grande époque désignant ici plus spécifiquement la période où ils ont eu le plus de succès auprès du grand public, par opposition à la grande époque de la maîtrise artistique, 68-72 par exemple dans leur cas. Le fait est tout de même étonnant, il s'agit de leur troisième chanson et composition personnelle numéro 1 après The Last time et Satisfaction. "19th nervous breakdown" ne sera même pas numéro, ni "Have your seen, your mother, standing in the shadow ?" ni même les titres aujourd'hui bien connus "Out of time", "Under my thumb" ou "Mother's little helper". "Paint it black" sera le dernier numéro 1 un certain temps, jusqu'à ce que "Jumpin' Jack Flash" reprenne le flambeau.
Je l'ai montré sur ce blog. "Paint it black" s'inspire de deux chansons des Supremes, tandis que "Jupin' Jack Flash" reprend énormément et doit immensément au titre "Before it's too late" de Jackee O'Day. The Last time est depuis longtemps connu pour les paroles et certains aspects mélodiques en tant que plagiat partiel d'un titre "Maybe the last time" des Staple Singers. Le titre "I'm free" de l'album December's children lié à "Get out of my cloud" est lui aussi un plagiat d'un jerk d'époque, et "Surprise, surprise", autre titre 65 des Stones est un plagiat d'un petit hit d'un groupe anglais obscur de 63. Cette même année 65, Paul Mc Cartney sortait Yesterday en disant avoir bien fouillé partout pour voir s'il ne s'était pas involontairement inspiré de quelqu'un, alors qu'il plagiait partiellement un titre de rien moins que Nat King Cole. Et avec "The Last time" comme avec "Yesterday" ou le refrain de "Jumpin' Jack Flash", un fait frappant est la reprise nonchalante de paroles à la chanson d'origine.
J'en arrive alors à "Get out of my cloud", le morceau ne ressemble à rien de connu, mais en réalité sa formule rythmique est réputée être démarquée du célèbre titre "Louie Louie". L'histoire de la pop music est jalonnée de reprises de "Louie Louie" ou bien de titres qui démarquent sa formule rythmique, et il y a de ce dernier fait deux titres emblématiques "Get out of my cloud" et la chanson "Summer nights" de la comédie musicale "Grease" de la fin des années 70. C'est de l'archiconnu, je n'invente rien.
Mais, étant gosse, quand je découvrais le répertoire stonien, les paroles "Hey you ! get out of my cloud" ("Hé toi descends de mon nuage") m'interpellaient. Le titre ne fait pas thème stonien, il ne fait pas discours sexe rentre-dedans ni rien.
J'ai trouvé un autre titre qui fait penser à "Get out of my cloud", le titre "Out of our tree" des Wailers. Je n'ai jamais fait le rapprochement jusqu'il y a peu. Au début, je ne savais même pas que "Out of our tree" datait de 1965 même. En plus, le titre des Wailers n'est pas une phrase injonctive lancée par un verbe à première vue. Mais la comparaison a fini par me frapper l'esprit entre "Descends de mon nuage" et "Hors de mon arbre", sachant que ce possessif "our" rend le titre des Wailers un peu étonnant et finalement encore plus proche du titre stonien "my cloud" versus "our tree".
Cela a l'air assez vain comme rapprochement, mais pas du tout.
Reprenons la piste "Louie Louie".
Richard Berry est un musicien de rhythm'n'blues qui a quelques premiers  beaux faits d'armes méconnus. Bien qu'il ne fasse pas partie du groupe des Robins, c'est lui qui chante en 1954 sur le titre "Riot in Cell Block Number 9" composé par Jerry Leiber et Mike Stoller (compositeurs pour Elvis et les Coasters notamment), chanson qui a eu un rôle dans l'évolution vers le rock dans les années cinquante. En 1955, il entoure Etta James sur son album "Wallflower". Et enfin en 57, il compose "Louie Louie" avec son groupe The Pharaohs, puis en 59 le titre "Have love, will travel", son autre titre un tant soit peu repris et connu. Mais ce qui a explosé, c'est bien sûr "Louie Louie". Pourtant, elle n'est sortie qu'en face B de "You are my sunshine".
Pour composer "Louie Louie", Richard Berry s'est inspiré surtout pour le début de la chanson cubaine de René Touzet "El Loco cha cha cha" et quelque peu du titre "Havana Moon" de Chuck Berry, deux sources d'inspiration toutes récentes à l'époque. Il a ajouté une touche Calypso.


L'influence du début du titre de René Touzet est flagrante et le riff de "Louie Louie" lui doit tout, mais j'observe que sa prégnance est sonorement atténuée dans la version originale de Richard Berry, alors que les reprises des années soixante en accentuant le riff rehausse le lien sonore et rythmique avec l'attaque du titre cubain.
Profitons-en au passage pour rappeler d'autres faits intéressants et convergents. La chanson "Riot in Cell Block number 9" reprend le riff dit "stop time" utilisé sur les titres "Hoochie coochie man" de Willie Dixon, Mannish boys de Muddy Waters et I'm a man de Bo Diddley, riff guitare qui vient d'un riff de piano des blues des années trente en réalité, mais personne à part moi ne semble s'en être rendu compte. Or, dans l'histoire du riff de guitare simple et comme envoûtant on connaît tous celui de Deep Purple sur "Smoke on the water", sauf que c'est encore l'un des nombreux plagiats de Deep Purple et que le riff de "Smoke on the water" est un plagiat d'une séquence mélodique typiquement brésilienne. Deep Purple a pris son riff à la chanson "Maria Quiet" d'Astrud Gilberto, il me semble par ailleurs avoir entendu la séquence dans d'autres chansons latines, soit brésilienne, soit hispanique, mais quand vous travaillez dans un endroit vous n'osez pas toujours demander qui joue sur la playlist qui passe. Astrud Gilberto est connue aussi par ailleurs pour le superbe titre de 65 "Agua de beber" qui a des chances de vous être connu.
Astrud Gilberto, née Weinert en 1940, est contemporaine des grands noms sixties Lennon, Mc Cartney, Jagger, Richards, etc. Elle est devenue célèbre aux Etats-Unis même en 1963 pour son enregistrement avec Stan Getz de la chanson de bossa nova "The Girl from Ipanema", et Astrud est alors l'épouse du célèbre Joao Gilberto dont elle porte donc le nom, lequel est aussi impliqué dans l'enregistrement de 63. "Agua de beber" est sorti sur le premier album de la chanteuse en 1965, et "Maria Quiet" est sorti en 66 sur l'album "Look out the rainbow", album qui doit être postérieur au divorce avec Joao Gilberto et la composition de "Maria Quiet" est créditée (Mario Moite) apparemment. Peu importe qu'il y ait d'autres emplois de cette mélodie dans la musique d'Amérique latine, les musiciens de Deep Purple connaissaient obligatoirement et Joao Gilberto et Astrud Gilberto. Le plagiat est indiscutable. Deep Purple et Led Zeppelin dépassent de loin les Rolling Stones en plagiats avérés.


Après le détour par l'influence latine "bodybuildée" en riff guitare rock, et je rappelle que je plaide pour qu'on constate que le morceau rock lourd jouissif réussit mieux quand il s'inspire de la soul plutôt que quand il part directement de références aux morceaux rock lourds antérieurs, je reviens à "Louie Louie". Parlons cette fois des reprises. La chanson va exploser dans les années soixante.
Face B, le titre est passé inaperçu. Mais, en 1961, un groupe américain, mais d'une région qui ne déversait pas une foule de grands noms reconnus, The Fabulous Wailers, s'intéresse à ce titre et le reprenne. Les Fabulous Wailers sont très bons, mais ils ne cartonnent pas, et s'ils sont si célèbres aujourd'hui c'est surtout pour l'explosion de "Out of our tree" en 65 qui annonce les titres déchaînés de leurs successeurs The Sonics, groupe lui aussi resté obscur à l'époque, mais devenu culte ensuite.
Après les Fabulous Wailers ou Wailers (à ne pas prendre pour le groupe de reggae bien sûr), les reprises s'enchaînent avec une de Paul Revere and the Raiuders, qui ne sont pas des inconnus, puisqu'ils avaient l'honneur de jouer dans des émissions télé, et même si on les a oubliés, ils sont très bons sur plusieurs albums avec un remarquable répertoire de bons titres. Et puis il y a ce groupe obscur "The Kingsmen" qui ne sera jamais connu pour rien d'autre que leur reprise de "Louie Louie", mais il se trouve qu'elle a cartonné. L'enregistrement amateur et sale des Kingsmen, quelque peu involontaire, fait mouche et devient une marque de fabrique en matière de son sale. On observe toutefois qu'après les jeux de bouche plus bon enfant mais déconcertant de la version originale, les versions des Wailers et des Raiders avaient déjà quelque chose de plus âpre, avec des effets un peu propres au live ou au cri hors chant. Les Kingsmen articulent mal les paroles, ont un drôle de micro pour enregistrer leurs instruments, et c'est eux qui trouvent du coup la formule. C'est de là que partent toutes les reprises quasi automatiques de "Louie Louie" à partir donc de 1963 : The Beach Boys, Otis Redding, The Kinks (nom qui ressemble à The Kingsmen au passage), The Ventures, Jan and Dean, The Leaves (groupe obscur connu pour avoir lancé la fortune du titre traditionnel "Hey Joe"), Bobby Fuller four, The Sonics (sorte de relais des Wailers et ils reprendront aussi Have love, will travel), The Troggs, et ça continuer longtemps avec The Flamin Groovies, Johnny Thunders, The Feelies, etc.
La production sonore sale des Kingsmen va faire école, mais le morceau était aussi un rock lié à un autre horizon culturel, le cubain, le calypso, le jamaïcain (pays anglophone je sais), et finalement ça a du sens que certains reprennent "Louie Louie" en lui donnant une autre touche, en insistant sur le balancé moins habituel au rock plutôt que sur le son sale. C'est "Get ouf ot my cloud" des Stones ou le son plutôt bon enfant des coquets coquins de "Summer nights".

Je vous fais une liste de liens à écouter ci-dessous, mais évidemment j'ai cité The Fabulous Wailers comme les premiers repreneurs de la chanson, ceux qui lui ont fait son identité rock sans la production sale ! "Out of our tree" est sorti également en 65 pour info. Il faudrait vérifier si c'est avant ou après le titre des Rolling Stones.
En revanche, en 66, après la sortie et du single "Get out of my cloud" et de l'album "December's children" des Stones, les Wailers ont sorti un album au titre de la chanson qui est placée en ouverture. Peu de temps après sur l'album, on a la reprise du "Have mercy on me" de Solomon Burke que les Stones avaient eux-mêmes repris avant de faire "December's children" sur le précédent album de l'année 65 où figurait "Satisfaction", puis on a le "I'm down" fraîchement repris à Mc Cartney des Beatles, rock très rentre-dedans un peu comme le "I wanna be your man" dont les Stones ont eu la primeur en 63.
Tout se tient !


Bon on passe aux deux titres qui s'en inspirent.


Et pour le titre des Stones, rien à voir avec le calypso si réellement le titre suivant a eu une influence phrastique :


Je n'arrive pas à avoir (il est vrai que je ne perds pas trop de temps à chercher) la date de sortie du single "Out of our tree" lui-même, sans parler des prestations en concert antérieures éventuelles. Le titre "Get out of my cloud", je dois avoir sa date quelque part, et il est de toute façon plutôt de la fin de l'année 65. L'influence pourrait s'envisager en sens inverse. Les deux titres sont contemporains.
En 1966, les Fabulous Wailers ont sorti un album portant le titre de cette chanson. La face A commence par "Out of our tree", se poursuit par "Mercy, Mercy", "Hang on sloopy" et la reprise du titre tout récent des Beatles "I'm down". "Mercy, Mercy" est précisément un titre joué par les Rolling Stones l'année précédente sur l'album "Out of our heads", ce qui conforterait l'idée d'une influence finalement des Stones sur les Wailers.


Don Covay fait lien entre les Stones et les Supremes dont les Stones et Who se sont inspirés sans qu'on ne se rende compte de rien...
Je termine sur l'autre point commun entre les Stones et les Wailers du coup, les Stones ont eu pour leur deuxième single la primeur d'une chanson de Mc Cartney "I wanna be your man" formatée rock basique, et les Wailers ont repris un des rares titres rock basique de Mc Cartney pour les Beatles, "I'm down".

( le mélange des Stones et des Beatles comme jamais, objectivement on ne comprend pas même si c'est de peu que la place de numéro 1 leur ait échappé en 63 ! Peut-être les sortes de "tirettes" trop appuyées à la guitare dans le refrain-titre et le son trop en suspens de la basse ? L'attaque est géniale avec les notes éthérées de guitare, le chant beatlesien de Jagger c'est de la confiture, il y a un bruitisme harmonieux, c'est du bon!)



Pour ceux qui veulent allonger le plaisir

jeudi 14 décembre 2017

Les sources d'inspiration de chansons des Rolling Stones et des Who (partie 1 Paint it black, Pinball Wizard)

[Edit : je dois corriger quelques coquilles d'ici le 16 décembre, quelques maladresses, mais je conserverai le texte et effacerai cette mention.]

A l'aide de pseudos, je suis intervenu dans des forums sur les Rolling Stones, tantôt en français, tantôt en anglais, notamment sur le forum international It's only rock'n'roll. C'est moi qui ai diffusé sur le net la source de chansons célèbres des Rolling Stones.
J'ai remarqué il y a quelque temps que, dans un livre français récent où il était question des Stones, l'auteur évoquait certaines de mes sources en disant que certains journalistes et certains internautes avaient considéré que "Under my thum" était inspiré par un titre des Four Tops et "Paint it black" par une chanson des Supremes. Cela vient de moi.
Je vais profiter de cet article pour préciser mes découvertes en la matière, découvertes plus anciennes ou plus récentes, découvertes déjà mentionnées pour partie sur ce blog, pour partie sur mon blog littéraire sur Rimbaud.
Dans un premier temps, j'ai découvert l'influence de chansons soul sur les Rolling Stones. Mon premier grand coup a été la chanson Paint it black et une mise en relation avec The Supremes.

Paint it black

Je prétends que "Paint it black", dont un récit à moitié fouillé circule dans bien des livres pour expliquer non pas la composition mais la genèse et l'esprit de l'interprétation définitive, est une composition démarquée de la mélodie du titre "My world is empty without you" des Supremes, ce qui en a convaincu quelques-uns visiblement, les esprits curieux et mélomanes en tout cas.
Pour bien montrer que je vais dire de l'inédit, je prends le livre Les Rolling Stones : La Totale, les 340 chansons expliquées de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon. Ce livre a été publié en 2016 aux éditions E/P/A - Hachette Livre. Le dépôt légal est d'octobre 2016, la fin d'année donc. L'achevé d'imprimer date du mois d'août de la même année. Je prends ces informations à la page 704. Il s'agit d'un épais volume et donc d'un gros projet. Le livre commente l'ensemble des chansons éditées officiellement par les Stones, avec au moins une exception, mais je ne l'ai pas en tête, une chanson de The Rolling Stones, now ! je pense. Les auteurs sont forcément bien informés sur ce qui a déjà pu être écrit, et mon lecteur pourra ainsi mesurer que je suis sérieux quand je revendique avoir fait des découvertes.

Sur "Paint it black", il faut se reporter aux pages 168 à 170, ce qui fait trois pages à remplir avec du texte, deux colonnes par page. Avouons qu'il y a une photo qui prend de la place sur la page 169 et une petite encore sur la page 170.. La première page contient des blancs et des petits encarts du genre un rectangle sur les reprises ou "covers", un autre d'information sur la virgule du titre "pour les stones addicts". Mais bref, on a un article avec une partie "Genèse" et une partie plus longue "Réalisation". La partie "Genèse" est sur deux pages, elle représenterait une colonne d'une page. Elle compte quarante et une lignes. La première comprend 62 signes en comptant les blancs chacun pour un signe. Les signes de ponctuation ne sont pas surabondants, je compte quand même les signes de la première ligne du second paragraphe où figurent une virgule et un point. Cette fois, nous avons soixante-cinq signes, mais j'ai compté outre les blancs une virgule et un point, deux apostrophes et un trait d'union de fin de ligne pour le mot "pre-mière" qui est découpé. Bref, pour la Genèse, nous avons deux pages d'un livre au format in-octavo, au format d'un livre de poche. En réalité, ce chapitre de genèse s'interroge sur le sens des paroles sur une vingtaine des lignes, ce qui n'a rien à avoir avec la genèse, mais on verra que ça va nous intéresser malgré tout. En effet, nos auteurs s'interrogent sur le sens de la chanson.  Ils rejettent des interprétations qui ont pu être proposées : rien à voir avec l'angoisse de la guerre du Vietnam, ni avec une rupture vécue par le chanteur Mick Jagger. Il s'agirait d'une "métaphore sur la mort" ce qui est un peu vague ou bien d'un mauvais trip sous acides, ce qui est résoudre les difficultés à bon compte. Le premier couplet a tout de même l'air de parler d'un amant qui a perdu son amie, nous avoue-t-on. Puis, on a droit à une hypothèse selon laquelle parlerait en 1966, avant le "summer of love", bien avant 1969, d'un "désenchantement" etd'un sentiment d'échec de la contre-culture sixties. Les auteurs pensent par ailleurs que la porte rouge est une métaphore pour le coeur et que le chanteur voudrait peindre du coup son coeur en noir.
Pour moi, j'estime que la porte rouge est ce que le chanteur prétend qu'elle est, d'autant qu'une porte a des valeurs symboliques : "I see a red door and I want it painted black", par son geste le chanteur détruit le caractère accueillant de la porte et dément sa force de vie. "No colors anymore" poursuit-il, toutes les couleurs il veut qu'elles tournent en noir chante-t-il. La chanson parle d'une mort insupportable, et précisément de celle de l'être aimé, d'une femme. Le chanteur est dérangé par les filles qui passent et il doit détourner la tête, car elles ravivent une souffrance qu'on s'expliquerait mal s'il n'était question de la mort de la femme aimée. Je ne suis pas trop doué en anglais, mais je relève la parole suivante avec les fleurs et la mention "my love" : "I see a line of cars and they're all painted black with flowers and my love both never come back". La file de voitures évoque une suite funèbre de corbillards. Les fleurs sont mortes et avec elles il y a l'amour du chanteur "my love" qui ne reviendra jamais.Je relève aussi cette autre ligne de la chanson : "My love will laugh with me before the morning comes". Mon amour rira avec moi afant le lever du jour. Le chanteur semble victime d'une ironie du sort au plan amoureux. Il chante sur un mode absolu, jusqu'à effacer le soleil dans le ciel, parce que sa compagne est morte. Il parle de regarder à l'intérieur de lui-même en se sentant incapable d'accepter les faits et il y a un tutoiement intéressant qui montre que la chanson s'adresse à cette femme par-delà la mort : "I could note foresee this thing happening to you". Je ne pouvais pas prévoir ce qui t'arrive, phrase peu précise, mais dans le contexte elle s'en passera volontiers. Il s'agit d'une adresse impuissante à une défunte qui précipite la fin du chant qui se radicalise avec le voeu d'un ciel noir comme du charbon. En résumé, il s'agit d'un deuil amoureux absolu où le parolier a estompé l'expression plus mièvre du sentiment amoureux, comme l'expression du désir érotique. On verra tout à l'heure un autre développement à ce sujet.
Après s'être intéressés au sens des paroles, Margotin et Guesdon expédient l'idée de sources à la composition : "Quant à la mélodie, elle est de Keith Richards" Une citation de Keith Richards accompagne la remarque où il fait entendre que la chanson a une allure juive et serait un peu une sorte de "Hava Nagila", chanson traditionnelle juive très connue, très populaire et très présente dans les petits concerts, etc., en-dehors même de la communauté juive. En fait, la progression de la chanson ferait penser à une chanson juive, on a déjà parlé de chanson d'allure orientale qui faisait penser à une chanson comme il y en a dans les mariages juifs, ce que je n'ai pas pu vérifier, mais il y a un rythme à la juif bien connu qui consiste à accélérer le rythme. Les Rolling Stones l'exploitent sur la chanson "Cool, calm and collected" qui figure l'année suivante sur l'album Between the buttons. D'après le livre de Margotin et Guesdon, "Paint it black" est une chanson enregistrée entre le 6 et le 9 mars 1966, tandis que "Cool, calm and collected" aurait été enregistré d'abord du 3 au 11 août 1866, puis du 8 novembre au 6 décembre 1966. Pour "Cool, calm and collected", on a avec Glyn Johns, parmi les ingénieurs du son Dave Hassinger et Eddie Kramer. Pour "Paint it black", Dave Hassinger est le seul ingénieur du son référencé. Je ne prêterai aucune initiative à Dave Hassinger. La légende veut qu'il ait été surpris par l'allure juive de la chanson "Paint it black", mais c'est ce que j'ai lu dans l'un ou l'autre livre. Mais, en gros, on comprend que les Rolling Stones avaient eu des occasions d'entendre des chansons traditionnelles juives. Pour "Cool, calm and collected", nos auteurs ne parlent pas de rythme à la juif, ils préfèrent une allusion plus vague à l'influence des Kinks qui auraient poussé les Stones à s'intéresser au music-hall (vaudeville). Une allusion aux Kinks n'est pas faite pour me déplaire, mais je ne crois pas me tromper. Il est évident que "Cool, calm and collected" bascule dans une accélération rythmique vers la fin.


La fin du chapitre de genèse parle du succès du titre, nouveau numéro 1, et de l'utilisation du sitar à laquelle les Beatles ont déjà procédé avec le jeu de George Harrison sur "Norwegian wood", mais il conviendrait de parler du style oriental de "Heartful of soul" des Yardbirds si une querelle d'antériorité devait se développer.
Le" chapitre "Réalisation" parle de Jones et du sitar à nouveau, En revanche, il était obligé que nos auteurs parlent de la légende entretenue par les intéressés eux-mêmes selon laquelle, alors que nos artistes peinaient à trouver une interprétation solide pour la composition, Bill Wyman a trouvé la formule et le rythme du morceau en jouant d'un orgue. La chanson serait partie sur des bases "trop funky", ce qui ne veut rien dire de précis à cause de l'espèce d'anachronisme à parler de funk en 1966. Quant au jeu de batterie, Charlie pense qu'il vient d'un titre de la Motown, tiens !, mais il ne parle pas des Supremes, peut-être pour ne pas vendre la mèche, mais du "Going to A Go-Go" de Smokey Robinson and the Miracles. Les parties guitares sont l'oeuvre du génie de Richards pour finri notre revue.
On comprend que tout ce qui est dit là n'a rien négligé des publications sur les stones, notamment en anglais.
Passons maintenant à ce que j'ai à dire personnellement.
"Paint it black" est inspirée de la mélodie du refrain de "My World is empty without you", le "painted painted" martelé vers la fin de la chanson vient du chant "Baby Baby" et "burning burning" de la chanson "Where did our love go" des Supremes, chanson à laquelle les Stones ont également repris le motif particulièrement percutant à la batterie. L'orgue Hammond est présent sur la chanson "My world is empty without you", c'est même une caractéristique importante de la chanson. Si Bill Wyman a joué de l'orgue ainsi que de la basse sur le morceau, ce n'est pas parce qu'il joué par hasard de l'orgue, mais parce que c'était une caractéristique de la chanson qui a servi de modèle. Il est possible que Billl Wyman ait apporté une solution pour l'interprétation, mais si tel doit être le cas ce ne sera jamais que par un souci de revenir au plus près du modèle. Enfin, le style funk n'esdt pas défini en 1966, mais l'expression faisait déjà son chemin puisque les Supremes chantent accompagnées par une formation de studio appelée The Funk Brothers.

Qui sont les Supremes ? C'est le groupe phare de la maison de disques soul située à Detroit, la légendaire Motown, rien que ça ! Il s'agit d'un groupe qui a de nombreux numéros 1 en tête des charts de 1964 à 1966, en pleine Beatlemania. Il s'agit d'un groupe féminin dont le succès est l'un des plus importants qui aient jamais été. Des chansons des Supremes sont joués dans les boîtes de nuit dans les années 2000. Diana Ross est l'une des plus grandes vendeuses de l'histoire du disque, déjà par sa carrière avec les Supremes, puis par ses succès en solo ou en duo qui ont suivi. Elle est au sommet des ventes de disques avec les Beatles, Elvis Presley, Stevie Wonder, Michael Jackson, les Bee Gees et les Rolling Stones. La chanson "My world is empty without you" est un des rares titres à ne pas atteindre la première place des charts américains. Elle fut quand même classée cinquième. En revanche, Where did our love go fut le premier numéro 1 du groupe en 1964, et d'autres numéros 1 ont suivi : Baby love, Stop ! in the name of love, Back in mpy arms again et une reprise de Don Covay Come see about me. Les Stones ont repris "Mercy Mercy" de Don Covay. Nous connaissons tous par ailleurs les chansons "Can't hurry love" ou "You keep me hangin' on" des Supemes. Enfin, "Where did our love go" et "My world is emptu without you" sont deux compositions du légendaire trio Holland-Dozier-Holland qui est derrière un grand nombre titres majeurs de la maison Motown pour d'autres artistes.
La vraie nouveauté est sans doute le style orientalisant : sitar, allure de marche turque de la chanson, sorte de finale en crescendo qui se situe entre le rythme du boléro de Ravel et l'accélération du rythme à la juive comme cela sera plus manifeste sur "Cool, calm and collected".
La chanson "Where did our love go" est un succès de 1964, mais "My world is empty without you" est une chanson enregistrée en 1965 qui a atteint la cinquième place des charts au début de l'année 1966 avec un passage télé au Ed Sullivan show le 20 février 1966, quand la chanson des Stones a été enregistrée au RCA Studios, à Hollywood, du 6 au 9 mars 1966. Le titre est sorti en mai 1966. Pour s'éloigner du modèle, certains ingrédients ont compté : le style oriental, la transformation plus rock d'une chanson d'amour. L'orgue est commun aux deux chansons, mais les stones recourent aussi au sitar, au tambourin, aux bongos, aux castagnettes et à la guitare acoustique, et même au piano.

Traitons de l'autre idée forte. Les Stones se sont inspirés de deux chansons des Supremes. Pour la fin du morceau, la crise du chanteur est cristallisée par le martèlement du mot "painted". Les Rolling Stones se sont inspirés du chant de Diana Ross qui martèle mais avec douceur le mot "baby" dans "Where did our love go" : "baby baby...". Mick Jagger a repensé cela en une formule plus rock, sans le côté "guimauve" des Supremes. C'est devenu "painted painted..." Je ne veux pas parler péjorativement quand je dis "guimauve", les Stones n'y étaient pas insensibles quand on juge de la première composition créditée Jagger-Richards en 1964 "Tell me (you're comming back to me)". J'aime bien d'écouter une chanson mièvre de qualité ou une pièce montée pleine de tendresse. Ce qui est certain, c'est que les Stones ont voulu donner un 45 tours à image rock et, du coup, les paroles de la chanson ont abouti elles aussi à une surprise. Paint it black est une chanson de deuil assez obscur qui ne se veut pas, du moins pleinement, une chanson d'amour. Ce choix a surpris, on a demandé des explications. Ce deuil est-il d'amour ? Ce deuil cache-t-il un discours de subversion sociale ? En fait, la chanson modèle "My world is empty without you" a imposé par ses paroles le thème du deuil à la musique, et les Stones ont travaillé à éviter le thème du manque amoureux un peu mièvre. L'érotisme latent est évité également pour une radicalisation de l'âme en souffrance.
Ce que je dis est d'une cohérence forte. Les gens évidemment n'ont pas développé mon raisonnement sur les paroles, ici inédit même si j'ai pensé à cela dès que j'ai identifié la source de "Paint it black". Les gens qui ont admis l'influence de "My world is empty without you" n'ont pas intégré l'importance du passage de "Baby Baby" de Diana Ross à "painted painted" de Mick Jagger, peut-être parce que c'est une séquence courte qui du coup doit paraître ou suspecte ou insignifiante, alors qu'elle en dit long sur la méthode de composition des Stones.

J'e peux encore en rajouter. Le morceau "My world is empty without you" commence par quelques secondes de batterie, tandis que "Paint it black" commence par un solo de guitare et se termine par un crescendo genre boléro de Ravel où la batterie a compté.
Je mets donc en lien la chanson modèle.


Puis, je cite donc l'autre modèle pour un extrait de la chanson des Stones, le "painted painted". J'offre ici une interprétation live pour deux raisons. D'abord pour donner de la saveur au lien, mais ensuite parce que le rythme est percutant, syncopé, avec une intro de batterie qui tape sec, ce qui ajoute à la réflexion qu'on peut avoir dans le passage des deux chansons des Surpemes au titre des Stones. Il est encore question de séparation amoureuse dure à vivre. A côté du "baby, baby" remarquez un autre martèlement "I've got his burning, burning" qui conforte l'idée de genèse par cette chanson du "painted painted" stonien.


Ici, un passage par la chanson des Stones s'impose. A vous d'opérer les comparaisons, je vous ai guidé pour ça.


Comparons quelques paroles.

La chanson "My world is empty without you" correspond à la ligne de refrain, moins l'apostrophe "baby" cliché du chant de Diana Ross.  Au début du premier couplet, il est question de solitude "And as I go my way alone", une solitude dure à supporter. Au début du second couplet, nous notons la mention de "this old world". La chanteuse parle alors de cacher son visage "From this old world / I try to hide my face". Il est question d'une maison froide et vide, mais aussi d'une prostration dans l'obscurité dans le ruminement des souvenirs : "Inside this cold and empty house I dwell / In darkness with memories". Le mot "darkness" revient une deuxième fois dans la chanson, il figure à nouveau dans le troisième couplet après un éloquent "Since love between us / No more exist", voici cette ligne "And each time that darkness falls / It finds me alone / With these four walls". La chanson revient au refrain pour finir. Nous sommes encore dans le classique refrain / couplet / refrain / couplet / refrain / couplet / refrain.
Les Rolling Stones ont brouillé la délimitation couplets / refrains, du moins un tout petit peu, et en tout cas ils ont opté pour une espèce de finale. Mais, ils ont reprise la mention "darkness" qui revenait deux fois dans la chanson des Supremes. L'originalité, c'est que l'emprunt aux Supremes est déplacé dans un autre emprunt plus large, puisque la phrase "I have to turn my head until my darkness goes" serait une citation authentique du roman Ulysse de James Joyce. Le double meprunt ne change rien à l'affaire. Les mentions "world" dans la chanson des Supremes ont également été prises en compte, fût-ce involontairement, dans les paroles de "Paint it black" avec la ligne suivante : "It's not easy facing up when your whole world in black". Les expressions rapprochées "facing up" et "face the facts" font écho quelque au "hide my face" de Diana Ross. L'envie d'un enfoncement dans la dépression en peignant tout en noir inverse également l'appel au secours de la fragile Diana Roos, dont j'aurais dû rappeler plus haut que la fragilité de sa voix est un des charmes qui fonde en partie son succès et qui livre une sorte de signature typique de sa part. Or, la chanson "My world is empty without you" se termine malgré l'appel au secours par un abandon apathique énervé par la présence de quatre murs. Il me semble bien significatif que la chanson des Stones commence par mentionner une porte et que le finale soit la négation du soleil et du ciel, situation d'extérieur qui n'empêche un anéantissement dans une sorte de peinture en noir qui s'applique en principe aux murs qu'on peut avoir autour de soi. Ilest clair que la mention finale des quatre murs chez les Supremes explique la métaphore de la peinture appliquée à une porte et au soleil dans "Paint it black". Diana Roos parle de ce qu'elle ressent en elle "inside me" quand Jagger regarde en lui-même "inside myself". Tout se répond entre les deux chansons, ou peu s'en faut.
La chanson "Where did our love go" a inspiré une variante rythmique du chant : on passe du délicat "baby baby" à l'agressivité sombre et masochiste du "painted painted". A noter que la chanson "My world is empty without you" d'un album intitulé "I hear a symphony", la chanson "I hear a symphony" ravive l'espoir et joue elle aussi sur la répétition "baby, baby". Mais dans "Where did our love go", il est question de rupture. Un homme est venu dans le coeur de la chanson, mais il ne veut plus d'elle désormais. Et Diana martèle ainsi un autre mot significatif "burning burning". "I've got this burning, burning". D'ailleurs, je dirais que les Stones jouent rythmiquement sur une rallonge d'une syllabe. La phrase "I wanna it painted painted" a la longueur de "I've got this burning burning", mais alors que Diana Ross passe à la ligne suivante du chant, Micdk Jagger casse le rythme, crée l'excroissance d'une syllabe pour une phrase qu'il faut bien finir, et il ajoute "black". On ne le voit très bien dans le chant le détachement du mot "black". Parfois, cela peut s'exprimer par la triplette de "painted". "I wanna it painted painted... painted black".
Enfin, dans "My world is empty without you", nous avons une ligne "No more exist", dans "Where did our love go" une ligne "Don't you want me no more" et la deuxième ligne de "Paint it black" est "No colors anymore, I want them to turn black".
Voilà, j'en ai assez rassemblé pour asséner que les Rolling Stones se sont inspirés d'au moins deux chansons des Supremes pour composer "Paint it black", "My world is empty without you" et "Where did our love go", deux chansons sorties en 45 tours, l'une célèbre numéro 1 de 64, l'autre interprétée moins de vingt jours, voire quinze jours avant l'enregistrement stonien.
D'autres révélations vont suivre. Au passage, une idée inédite : les percussions de "Sympathy for the devil", il se trouve que deux chansons m'y font automatiquement songer, les débuts de deux chansons sur l'album Love child des Supremes. Les chansons sont strictement contemporaines "Honey bee", "He's my sunny boy" et "Sympathy for the devil". Quelque chose pour l'instant m'échappe. L'album Love child. L'album Love child a été enregistré du 17 février au 2 octobre 1968 et il est sorti le 13 novembre 1968. La chanson "Sympathy for the devil" a été enregistrée du 4 au 10 juin 1968, et la sortie sous forme de 45 tours a eu lieu le 6 décembre 1968. "He's my sunny boy" est une chanson de Smokey Robinson and the Miracles, un autre artiste Motown majeur très prisé et suivi par les Stones. Sur "Honey bee", je manque d'informations. En gros, je pense que les percussions sur "Sympathy for the devil" s'inspirent du travail des musiciens studio de la Motown à l'époque. Ils ont dû jouer un rôle déclencheur, mais je ne sais pas encore comment l'établir. Cela n'a pas l'air de venir de sorties anticipées des 45 tours, il doit y avoir une explication, mais pour l'instant ça m'échappe.

He's my sunny boy des Surpemes (composition de Smokey Robinson.



Par ailleurs, le titre "You'll keep me hangin' on" a un début remarquable. La chanson est inévitablement célèbre, tant elle a été reprise, tant elle passe à la radio.


Ce procédé du son qui donne l'impression d'une roue à la guitare, ou si vous l'entendez différemment qui correspond à une syncope sautillante, a été repris par Billy Nicholls sur son unique album demeuré inédit à l'époque. Nous l'avons, nous public, découvert dans les années quatre-vingt-dix. Je cite juste le titre suivant...


Or, non seulement Billy Nicholls est devenu un producteur des Who dans les années soixante-dix, mais Pete Townshend, le leader et guitariste des Who fit partie des rares à posséder un exemplaire de l'album Would you believe de Billy Nicholls en 1968. Les Who n'ont pas sorti d'album en 1968, mais en 1969 il fallait sortir l'album concept Tommy, une erreur prétentieuse, un opéra rock avec une histoire liant les chansons entre elles, une erreur qui a contaminé les Kinks, d'autres également. Malgré l'erreur d'approche, le double album Tommy passe encore bien, mais comme il le raconte dans sa biographie la chanson "Pinball Wizard" a été composée tout à la fin, parce qu'il manquait un titre rock pour accrocher le public et faire un hit à ce double album. Or, "Pinball Wizard" est la troisième phase de développement du procédé guitare en intro après la chanson des Supremes, après la chanson de Billy Nicholls. Pete Townshend est autant fan des Surpemes que les Stones, il reprend par exemple une composition Holland-Dozier-Holland pour un autre groupe féminin de la Motown. La chanson "Heatwave" de Martha Reeves and the Vandelals figure sur l'album de 1966 des Who "A quick one". Il y a certes tout un déploiement intelligent, mais la base du procédé est là.


Je vais commenter d'autres emprunts dans les autres parties de cet article, puisque j'ai des sources pour "Under my thumb", "Satisfaction", "Jumpin' Jack Flash", "It's only rock and roll" des Stones, d'autres encore d'ailleurs, j'ai des sources pour "Magic bus" des Who ou pour "Headin' for the Texas border" des Flamin' Groovies.
Après, mon approche n'est pas pour fustiger. Je suis passionné par la musique des Stones, je vois du génie dans la façon dont les modèles sont revisités, et de toute façon la part de plagiat me renforce dans la conviction que je n'aime décidément pas pour rien ces chansons, car elles ont des origines, il s'agit de choses excellentes peaufinées, revues, recombinées.

A suivre donc...

mercredi 18 juin 2014

Rock sudiste

On peut recommander trois groupes, après ça devient lourd.

The Allman Brothers Band est remarquable à l'époque des deux frères et surtout en live. Cela reste très bon au moins jusqu'à l'album de 72 avec une pêche énorme sur un camion, après ça décline.

Le live Fillmore est un classique, mais je ne saurais trop vous recommander le double CD de deux concerts à Atlanta.

At Fillmore east
Atlanta 1970 (extrait)

Autre grand groupe de rock sudiste Lynyrd Skynyrd

Free bird
Sweet home Alabama

Enfin, le groupe Point blank, moins connu, légèrement plus tardif que les deux groupes précédents.

Deux albums : Point blank / Second season