vendredi 24 juin 2011

15. The (Fabulous) Wailers : [The Same] the boys from Tacoma, anthology 1961-1969

Un nombre considérable de gens ânonnent qu’ils aiment bien les Sonics, parce que la symbolique garage en est bien établie et mythique, parce que le son est celui de guitares au son pré-punk d’une sauvagerie rare en 65 ou 66, mais parler leur des Wailers et ils sont tous aux abonnés absents. Ils vous diront peut-être pour montrer qu’ils ont de la culture que ce sont les frères aînés des Sonics ou un truc dans le genre. Voir l’incapacité des gens à passer des Sonics aux Wailers, c’est décidément un excellent moyen de cerner les gens auxquels on a affaire.
La seule personne que j’ai jamais su convertir aux Wailers, c’est mon père. Rien à voir avec le groupe de Bob Marley, le chanteur de reggae dont l’intégrité sort hyper compromise de ses rapports conciliants avec la pègre jamaïcaine, les Wailers est un groupe rock fabuleux qu’on appelait parfois The Fabulous Wailers, ce qui coupe court à tout risque de confusion. J’ai connu les Wailers avant les Sonics, et même bien avant la plupart des artistes sixties obscurs que j’écoute aujourd’hui. C’est Tatane, le fondateur de la revue Nineteen, qui m’a mis la compilation décrite ici sous les yeux quand j’étais dans l’antre nommé l’Armadillo de la rue des pharaons à Toulouse. Il s’agit d’un groupe de rock qui fait finalement la transition entre l’âge d’or du rock’n’roll de 55 à 59 aux Etats-Unis et le début de la nouvelle ère rock provoquée par la British Invasion de 63-65. Ce groupe de rock a encore un pied dans les fifties, par le son, le style d’orchestre et la part importante du saxophone. Le son rock du saxophone s’est hélas perdu par la suite. La musique pulse et elle est d’une sauvagerie incomparable dans son respect mélodique et harmonique d’un rock première période non saturé à la guitare. En plus, j’ai une affection particulière pour le son de la guitare de 55 à 65. Il y a bien sûr le son de Chuck Berry, mais j’adore me retrouver dans le son des guitares des Rolling stones sur leurs premiers albums de 64-65. Et j’ai toujours eu l’impression que le rock garage n’avait pas compris, n’avait pas eu d’oreille à ce sujet. Ils sont trop dans la volonté de montrer qu’ils sont des primaires non commerciaux et pas assez dans le plaisir du mélomane du rock. L’album de compilation commence par un instrumental Wailers House Party toutes guitares dehors. Il se poursuit par l’original rock de Louie Louie. Il s’agit d’un titre de la fin des années 40 du bluesman Richard Berry. Ce sont les Wailers qui en ont livré la première version rock et c’est la version qui devrait servir de référence. Dans la foulée, un groupe sans grand intérêt a enregistré le morceau maladroitement, mais leur arrangement a fait mouche et la gloire est venue aux Kingsmen. Louie Louie et Hey Joe sont les deux chansons qui, de manière incompréhensible, vont être massivement reprises par les groupes de rock. J’avoue que le phénomène mouton de Panurge ne manque pas de m’agacer. Je n’ai jamais acheté l’album In person des Kingsmen, car, à part Louie Louie, ils sont radicalement sans intérêt. Mais, la compilation se poursuit avec des morceaux scotchants. Frenzy suit tranquillement Louie Louie, Mashi enchante avec un instrumental savant et soyeux de début sixties, Dirty Robber envoie la sauce rock’n’roll dans l’esprit d’un Little Richard, San-ho-zay nous replonge dans l’instrumental délicieux, l’instrumental Sac O’Woe prend le relais avec sa propre architecture rythmique puissante, juste avant un Limbo twist qui n’a rien à voir avec du Chubby Checker, puis c’est la plongée dans le déchiré Since you been gone, qui se fait relayer par un amusé instrumental Tough walk avec un début pianistique de blues lent à la Chuck Berry puis l’envolée guitare. Tall cool one, instrumental tendu, fait reconverger l’attention au point rock. L’effusion rythmique jouissive s’emballe, en tout bien tout honneur, puis encore une introduction par martèlement à la batterie, le son est mat, les notes de la basse se perdent, puis une mélodie décidée fait partie le morceau entraînant la mélodie du saxophone. Le piano impose ensuite sa mélodie pendant que le rythme tourne, la guitare le relaie avec cette espèce de son creux, sonore et résonant qui fait vague et qui aligne les notes voluptueuses dans le lent contraste des unes et des autres, mais avec toujours ce zest d’accentuation rythmique, et ça repart sur le saxophone, puis un break solo de batterie, puis la basse surfe et le groupe tape des mains dans l’évanouissement final du morceau. Vient alors le grand cri et la parodie folle de voix femelle, et c’est le jouissif Isabella qui absorbe l’auditeur dans la frénésie rock. Et dire que cela s’enchaîne avec l’obsessionnel et hypnotique Zig Zag au rythme accentué qui sautille comme un esprit gamin qu’accompagne la délicatesse d’un solo de guitare plus adulte. Quelques ruptures, le morceau se recadre rythmiquement, mais il revient au relief tête de sa mélodie instrumentale sautillante. Le vertige revient alors avec le puissant Shakedown qui donne l’impression d’importance et d’invulnérabilité avant d’offrir un solo guitare de plus dans la note veloutée. On voit nettement comment un groupe joue rythmiquement le morceau et laisse différents instruments prendre tour à tour le devant, avec les retours de motifs. La guitare et la batterie tapent l’harmonie et le morceau s’évanouit dans sa brièveté classique pour l’époque. La batterie propulse une reprise aisément identifiable, Holland-Dozier-Holland travaillé rock avant les Who avec un excellent Baby don’t you do it superbement chanté. Une espèce de chant grave hyper puissant qui suppose du gosier et en même temps un effet de retenue à l’intérieur de la cage thoracique. Il y a bien des cris, mais ce n’est pas un chant qui jette tout vers l’extérieur. Le saxo surfe heureux comme un dieu et charmeur. Le morceau s’arrête sur le rythme bondissant de la batterie, comme un bœuf où on attend le sens du vent et ça repart sans hésitation, on sait aprfaitement ce qu’on doit jouer. Le saxophone crée une belle résonance qui met le morceau en gloire. L’instrumental suivant introduit une rupture dans l’enchaînement comme un retour à la veine du titre initial, il porte d’ailleurs le nom du groupe au singulier The Wailer. C’est guitaristiquement comme j’aime, orchestralement comme j’aime. On enchaîne avec blues lent aux notes étirées de guitare qui font écho à d’autres plages du groupe Soul long. Puis vient un chant qui enchaîne trop bien en contrepoint du précédent. Le titre décrit sans doute pas mal ce qui se dégage musicalement You weren’t using your head. Quelle âpreté du chant magnifiquement soutenue et mise en vedette par l’instrumentation. Une autre chanson enchaîne et il s’agit du titre le plus près de l’esprit gentille pop des Beatles You better believe it. C’est un peu merseybeat, mais le chant reste âpre dans l’intonation. La touche magique reste là dans cette incursion merseybeat. Puis, c’est l’oriental Bad trip. En douceur, on a changé d’époque rock et cette violence contenue scotche avec son refrain court tue-tête et son motif instrumental, son solo de guitare à résonance étrange et ses murmures de la voix. Le morceau tourne et pulse, et il y a toujours ce don de rendre un peu dingue. Evidemment, le morceau de la terreur déboule Out of our tree, le seul retenu sur le coffret Nuggets ce qui est insuffisant, mais quel titre. Le refrain obsessionnel appelle le chant en chœur du public laminé. Les lignes descendantes vertigineuses des couplets recentrent l’attention sur l’oreille et empêchent les débordements. La musique s’intériorise et rayonne, tandis quez la guitare et la batterie explosent et expurgent, pour que ça reparte. La tension du morceau est désirée pour une nuit. On n’enchaîne pas avec Hang up comme écrit sur la pochette, mais avec une reprise d’un titre de McCartney pour les Beatles, le rock endiablé I’m down qui a inévitablement le style rengainant et rond des Beatles, un côté primitif de la batterie. Mais cela reste entraînant et s’intègre à peu près à cet ensemble de performances fines des Wailers. Heureusement, le morceau suivant nous replonge dans ce que les Wailers font de plus sauvage avec Hang up. Oubliés les Beatles, c’est tellement mieux ce qui leur suit. Un rythme de brontosaure, une voix dérangée inquiétante, ça chuinte. Un solo lent et débridé de guitare dans ce son si pur du milieu des sixties. Après ça, on ne peut plus qu’écouter les Rolling stones ou les Pretty things. Nouveau virage pop avec It’s you alone, voix voluptueuse hyper posée. C’est un bonheur que ces contrepoints d’ambiance dans cette compilation. La nostalgie déchire. Puis, cette instrumentation qui fut aussi l’esprit instrumental stonien en 64-65. On enchaîne alors avec la reprise du Smokestack lightnin’ d’Howlin’ Wolf étendu sur cinq minutes. Quelques effets particuliers sont recherchés, la reprise est très très bonne, bien que sans être la quintessence de l’interprétation, le morceau étant plus tenu, mais on passe par diverses richesses. Et il faut une fin avec un vingt-septième titre Walk thru the people dont la mélodie amenée par l’accordéon déconcerte après tout ce qu’on a pu entendre sans qu’on ne s’éloigne réellement des repères musicaux des titres les plus pop du groupe. Le morceau a un effet de finale réussi avec son jeu bref de guitare note par note subtilement travaillé. Le morceau s’impose comme une longue retombée de tout ce que la cervelle a amassé pendant l’écoute de cet opus vitaminé.
Certains titres sont enregistrés différemment des albums, mais je reviendrai sur les albums séparément, je ne vais pas lâcher si vite mes Wailers. Ici, je me suis éloigné du parapet des reprises d’informations publiques pour improviser au fur et à mesure de mon écoute un texte notant mes impressions et premières idées. Toujours ce souci de trouver des formules d’un discours sur la musique rock, sans en être un spécialiste, sans avoir la moindre formation de musicien.

14. The Fraternity of man : Get it on !

Evidemment, je me sers d’ouvrages spécialisés pour découvrir de nouveaux groupes. Ainsi, j’exploite le livre Le rock psychédélique américain 1966-1973 de Philippe Thieyre. Il s’agit de divers groupes américains qui approchent de plus ou moins près de la question du psychédélisme. Il y a des choses très obscures que je connaissais et possédais avant de consulter ce livre : Autosalvage, Bohemian vendetta, Bubble Puppy / Demian, Clearlight (pas le groupe progressif français), Faine Jade, Fire escape, Godz (pas le groupe de hard rock), Lost and found, H.P. Lovecraft, Insect trust, pour ne citer que du très obscur absent des compilations de référence Nuggets, Pebbles, etc. J’ai découvert des groupes excellents : Beacon street union (deux albums), Black pearl (deux albums sur un seul CD), Blue mountain eagle (un album), Blue things (un vinyle), C.A. Quintet (le CD Trip thru hell), et d’autres œuvres intéressantes : un album tardif de Creme soda (au-delà de 73) qui fait partie des bons trucs cachés de la boîte obscure Radioactive records avec Timbercreeks et quelques autres, un album de Love exchange, un autre de The David qui s’intitule Another day, another lifetime. J’ai connu deux déceptions. J’ai deux albums de Corporation sur un seul CD. Ceux qui liront le commentaire de ce dictionnaire psychédélique seront jaloux, je les rassure, il n’y a pas de quoi ! Pareil pour Brimstone et son album extrêmement rare dont le prix s’envole, couru qu’il est par les collectionneurs. J’ai acheté le CD de cet album Paper winged dreams Brimstone, et j’ai trouvé cela complètement nul et insipide. J’ai aussi découvert les deux albums de Fraternity of man. Evidemment, je suis un homo economicus, j’ai acheté le second album en CD et le premier en vinyle d’occasion. La pochette du second album Get it on me rappelle qu’on peut dire The Fraternity of man (eh oui ! c’est toujours aussi subtil !).
Je parlerai du premier album au nom du groupe une prochaine fois, je peux juste signaler qu’il est sorti en 1968. Ce sera l’occasion aussi de présenter le groupe. Là, je suis un peu paresseux, puis je veux profiter de ce que, parmi mes collectors, il en est qui ne se rencontre pas du tout sur youtube ou si peu. De 69, le second album Get it on est encore meilleur que le premier. C’est essentiellement du blues-rock sans gros son pour moi, avec une délicatesse de jeu et d’orchestration superbe, et une force prenante tranquille. L’album, qui n’a connu que le succès d’estime, donne l’impression d’être très court. Les 10 titres font tous entre 2 minutes 37 et 3 minutes 40. On peut souhaiter trouver les dix titres suivants sur le net pour pouvoir se faire une idée, vu qu’il s’agit d’un album dont le prix ne souffre pas la moindre crise.

1. Boo Man 3.12
2. Don’t start me talkin’ 2.37
3. Pool of tears 2.47
4. The Throbber 3.40
5. Cat’s Squirrel 3.16
6. Too high to eat 3.36
7. Forget her 3.32
8. Coco Lollipop 3.01
9. Trick bag 2.39
10. Mellow token 3.28

Le tout est musicalement homogène, bien que la notice annonce un certain mélange de psychédélisme (Too high to eat), de blues, de country (Coco Lollipop et non pas Loco Lollipop, country qui fait jazz d’ambiance dans un salon avec notes espacées de contrebasse et prédominance du piano des gens calmes et reposés derrière un chant de crooner). La diversité blues, country et psychédélisme est vraiment fondue en un. Les titres plus blues sont ceux qui marquent le plus. Cat’s squirrel est celui qui rentre le moins dans le cadre homogène du groupe. C’est un pur blues avec une dynamique d’orchestre rock qui bombarde. Le titre Don’t start me talkin’ fait lui aussi forte impression. C’est une mise en œuvre élaborée d’effets percutants de l’histoire du blues et d’idées personnelles dans les ruptures, etc. Malgré les étirements de la voix, le psychédélisme et la défonce ne ressortent pas en premier sur le titre Too high to eat. Il s’agit d’une musique très blues avec de l’harmonica et un final instrumental intensifié rock qui assure plutôt un collectif dynamique bien posé. Pour moi, le titre psyché, c’est plutôt la crise de Forget her, avec le piano, les breaks de notes de guitare saturée et le chœur jacassant final nappé d’orgue pour achever de nous plonger dans la religieuse rédemption un peu folle. Le titre Pool of tears avec son début de mélodie dansante, puis ses solos planants de flûte introduits par la voix tourmentée du chanteur et de petits sons cristallins, est l’autre titre psyché évident de l’album. Je ne prends pas la peine de décrire les quatre autres titres pour assurer qu’ils sont tous bons.
Le groupe se compose de cinq musiciens et il est renforcé ici du guitariste Lowell George et du pianiste Bill Payne. A la batterie et aux vocaux, Richard Hayward, accompagnateur apprécié par la suite, va faire partie du groupe de country-rock plus connu Little feat avec Lowell George et Bill Payne. Warren Klein qui joue de la guitare, du sitar et du tambourin sera lead guitariste sur l’album I’m bad de Kim Fowley. Il jouera plus tard avec Lou Reed. Le lead guitariste de Fraternity of man, Elliott Ingber, a rejoint Captain Beefheart sous le nom de « Winged Eel Fingerling » (album The Spotlight kid en 72), il deviendra un membre des Grand Mothers en 1980. Avant The Fraternity of man, Elliott Ingber a joué dans les Mothers of Inventions, il a participé à l’album Freak out. Pour d’autres membres du groupe, les débuts se firent dans un groupe de Los Angeles nommé Factory. Mais je garde de quoi raconter pour ma présentation du premier album du groupe une prochaine fois.

Interlude :

A part Betty Davis, voilà que je mélange à mes collector’s de rock des albums de funk qui se sont bien vendus Up for the down stroke ou Stand ! L’important pour moi, c’est que le fan des Rolling stones, Who, Beatles, sinon de rock seventies réalise l’existence du puits sans fonds. J’aurais pu commencer par citer du rock des années 50 : Chuck Berry, Bo Diddley, Little Richard et d’autres, mais la démarche est trop prévisible et j’ai prévu quelque chose de plus radical avec du rockabilly Johnny Powers et Charlie Feathers, plus d’autres idées dont je ne parle pas pour l’instant. J’aurais pu déjà aligner quelques albums de soul, mais là encore c’est trop prévisible. Je pense que mon exploration funk était bien jouée. Il y a maintenant des pointures sixties dont une foule d’albums s’avère de référence que je n’ai pas encore mis en valeur. Il y a énormément de choses à dire sur la scène rock californienne par exemple. Puis, pour beaucoup de gens, les noms des Kinks, des Small faces, des Flamin’ Groovies, des Love ne diront rien du tout, alors qu’ils jaillissent dès qu’on approfondit un peu la musique sixties. Je brûle d’envie de parler des quatre premiers albums de Love, de Supersnazz des Flamin’ Groovies devant leurs Teenage Head, Flamingo et Shake some action. Une page collector’s s’impose sur le difficile d’accès Muswell Hillbillies, sinon sur la réédition trois CDs de Village green preservation society, sans oublier bien d’autres de leurs opus et leur fameux Lost Kinks album en vinyle. J’ai des vinyles officiels de grands artistes interdits à la vente par les artistes mêmes ou purement confinés à un pays, j’y reviendrai. Il s’imposerait de parler de bootlegs des Rolling stones et des Who. Il faudrait une page sur Brussels affair et une sur le concert des Who à Amsterdam en 69. Je peux suivre encore les carrières solos obscurs d’artistes connus dans des groupes. On peut penser aux albums Talk is cheap et Main offender de Keith Richards des stones, voire à Wandering spirit de Mick Jagger. On peut citer McGuinn, Clark ou Crosby des Byrds. Roy Loney est le nom qui s’impose avec évidence à ce petit jeu-là. Je parlerais encore de la série officielle de Dylan qualifiée de Bootleg series. J’en ai encore pour un assez long temps en fait, d’autant que je dois encore parler du rock garage proprement dit, des compilations, de coffrets spéciaux des stones (Get yer ya-ya’s out ou Exile on main street). Il faudra aussi que je présente Butch Hancock ou bien mon coffret 4 CDs (pourquoi ne pas écrire 4 CD pour des abréviations, puisque c’est d’office la bonne orthographe ?) de Townes Van Zandt Texas troubadour.
Il y aurait bien des astuces de présentation pour commencer à parler de tout à la fois. Je numéroterais différemment mes séries, et j’emploierais des techniques pour que les différences soient évidentes entre les articles des diverses séries. Le plus simple serait d’adopter une couleur de texte par série, sinon adopter ici un système nettement distinct et voyant de titrages pour chaque série. Pour l’instant, je vais continuer sur ma lancée. Après tout, j’ai mis le turbo.
Mmh ! je déballe à l’instant un 33 tours qui m’arrive de Suède. Le déballage est laborieux, scotch intégral. La galette noire est en bon état. Salut.

13. Parliament : Up for the down stroke :

Etant donné la quantité d’albums à référencer entre The Parliaments, Parliament et Funkadelic, autant que je ne perde pas de temps et que je m’y mette tout de suite. J’aurais pu commencer par la compilation CD sixties du premier groupe The Parliaments, véritable rareté, mais je vais la faire attendre. J’aurais pu commencer par maquer le coup avec le magistral Osmium d’une première mouture de Parliament qui correspond plus au groupe Funkadelic. Enfin, j’aurais pu commencer par citer un album de Funkadelic, je n’avais que l’embarras du choix. J’ai décidé de commencer par Up for the down stroke, second album de Parliament, mais le premier dans sa mouture définitive si on peut dire. Les albums de Parliament correspondent, Osmium à part, à une période d’activité plus tardive d’une partie des musiciens et en tout cas du leader George Clinton. En effet, la mouture Parliament décisive apparaît donc en 1975, au moment même où s’entame le déclin pour Clinton. Après autant d’albums à se rouler par terre, Osmium, Funkadelic, Free your mind and your ass will follow, Maggot brain, America eats its young, le single Cosmic slop voire quand même l’album homonyme, George Clinton a profité d’un retour en forme d’Eddie Hazel pour livrer un éblouissant Standing on the verge of getting it on. Ni Parliament ni Funkadelic ne retrouveront un tel niveau, et pourtant des albums magistraux sont encore à venir : Up for the down stroke (Parliament), Let’s take it to the stage (Funkadelic), Mothership connection (Parliament), Hardcore Jollies (Funkadelic), Motor booty affair (Parliament), One nation under a groove (Funkadelic), et on pourrait ajouter quelques autres comme Uncle Jam (Funkadelic en 79) et Funkentelechy VS The Placebo Syndrome qui valut un single numéro 1 à Parliament en 77 : Flashlight. J’ai acheté également les albums de raretés de Funkadelic, leur dernier album en 81, et les divers albums de Parliament jusqu’en 79, ce qui inclut Chocolate City, The Clones of Dr Funkenstein, Live/P.Funk Earth Tour et Gloryhallastoopid. En dix-onze ans, c’est énorme comme quantité.
Up for the down stroke inaugure la bipartition en deux groupes distincts de l’entreprise musicale de George Clinton, en reprenant le nom initial de Funkadelic qui était une forme impersonnel au singulier du premier groupe sixties The Parliaments. Cela va permettre à Clinton d’explorer d’autres ambiances musicales, mais aussi de voir tourner le sens du vent. Le groupe Funkadelic jouait un funk-rock, plus rarement suivi par la population noire-américaine que par la population blanche. Or, Parliament va intéresser une population, moins sensible au rock, mais beaucoup à la soul, à la disco et aux tendances jazzy, ce qui va avoir une incidence sur les choix musicaux pour les concerts qui présentaient les deux groupes en même temps. Le succès de Parliament va être sensible également, tandis que la veine rock est forcément entravée par la perte inestimable d’Eddie Hazel. La drogue et la prison l’ont écarté du groupe et il n’y reviendra jamais au premier plan. La relève est assurée par un virtuose lui aussi recruté à dix-sept ans Michael Hampton, mais le génie n’est pas le même, qui plus est en fait de contribution aux compositions. Eddie Hazel participe ainsi un peu en retrait aux enregistrements des deux groupes et aux concerts par la suite. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais là il est temps de présenter Up for the down stroke, album qui a encore l’intérêt de préparer la voie à une production musicale moins sulfureuse, moins effrayante de la part d’un Clinton qui restera tout de même redoutablement subversif et marbré. Il est habillé en gladiateur à cape rouge sur la pochette et s’est entouré de trois présences féminines en transe qui chacune font songer différemment à un rituel de la fécondité ou de la jeune femme promise en mariage, sans que la pudeur ne soit à l’ordre du jour.
L’album est composé de 8 titres. La réédition CD contient trois bonus tracks, deux « alternate mix » des deux premiers titres et un inédit Singing another song. Des cuivres apparaissent, mais aussi pour la première fois dans notre double formation funk une boîte à rythme. On note que plusieurs titres des Parliaments sont retravaillés en fonction d’une nouvelle carrosserie de funk dansante, lascive et addictive : Testify (le classique des Parliaments qui a dû inspiré le cri de ralliement des MC5 de la même ville de Detroit), The Goose et All your goodies are gone. Sur le précédent album de Funkadelic Standing on the verge of getting it on, I’ll stay était déjà une réécriture du titre I’ll wait des Parliaments et un autre titre du groupe sixties, l’excellent gospel Baby I owe you something good, sera réenregistré sur le suivant Funkadelic Let’s take it to the stage. Ceci aide à comprendre le caractère tout de même ambitieux de l’album Up for the down stroke. Repompons dans les phrases suivantes quelques remarques d’un article paru dans Dig it numéro 42. Le synthé joue un rôle important, les voix sont envoûtantes (Presence of a brain) et le titre dansant éponyme qui ouvre l’album Up for the down stroke sera l’un de leurs plus grands succès. La guitare revient sur un titre cosigné Hazel Whatever makes my baby feel good. Tout cet éclectisme nous vaut un top ten.
Enfin, j’en arrive au titre qui m’a imposé l’idée de commencer ma revue « collector’s » des albums ParliamentFunkadelic, je suis complètement pris par la chanson originale de Peter Chase. Il semble avoir offert un titre incroyable au groupe et je n’ai pas encore cerné qui il était. J’ai constaté qu’un Peter Chase réalisait des musiques de film, mais je n’en sais pas trop pour l’instant. Je cite l’article Dig it, en laissant bien sûr penser que la protestation féminine dont il fait part est pire qu’incongrue.

L’ensemble est beaucoup moins éclectique que tout ce qu’ils ont fait jusqu’alors, si l’on excepte l’étrange perle psychédélico-orchestrale « Just got back… », signée Peter Chase, qui intervient en personne en poussant des sifflotements enjoués… Attendez, y’a ma copine Nathalie qui me parle : « Hé, ce morceau, il est chiant… » Euh, bon d’accord…

Je n’aurais jamais pu penser qu’une oreille quelconque s’ennuierait à l’écoute d’un tel morceau. Aimer ou ne pas aimer, c’est autre chose. L’insulte laisse amer, elle a du mal à passer. Tant pis ! En tout cas, c’est maladroit de parler de sifflotements. En fait, une mélodie très élaborée, suave et chargée de profondeur est longuement sifflée sans l’aide d’aucun instrument. Un sifflet pareil, je n’avais jamais entendu ça de ma vie. Le morceau laisse l’impression d’avoir déjà entendu, de surgir de la mémoire de l’enfance parmi des sortes de référence classique, ce qui, dans mon cas, reste improbable, mais j’ai cette sensation-là, car inévitablement il y a une force intemporelle du brio, un aboutissement de quelque chose d’unique. Mais, comme ce journaliste avec sa copine, je n’ai encore jamais convaincu qui que ce soit au monde de l’intérêt immense de ce morceau. J’avais acheté l’album bien avant de lire cet article et je me sens moins seul tout de même. Je ne comprends pas tout au monde d’humains dans lequel on m’a plongé. Je ne comprends pas tout.