jeudi 14 décembre 2017

Les sources d'inspiration de chansons des Rolling Stones et des Who (partie 1 Paint it black, Pinball Wizard)

[Edit : je dois corriger quelques coquilles d'ici le 16 décembre, quelques maladresses, mais je conserverai le texte et effacerai cette mention.]

A l'aide de pseudos, je suis intervenu dans des forums sur les Rolling Stones, tantôt en français, tantôt en anglais, notamment sur le forum international It's only rock'n'roll. C'est moi qui ai diffusé sur le net la source de chansons célèbres des Rolling Stones.
J'ai remarqué il y a quelque temps que, dans un livre français récent où il était question des Stones, l'auteur évoquait certaines de mes sources en disant que certains journalistes et certains internautes avaient considéré que "Under my thum" était inspiré par un titre des Four Tops et "Paint it black" par une chanson des Supremes. Cela vient de moi.
Je vais profiter de cet article pour préciser mes découvertes en la matière, découvertes plus anciennes ou plus récentes, découvertes déjà mentionnées pour partie sur ce blog, pour partie sur mon blog littéraire sur Rimbaud.
Dans un premier temps, j'ai découvert l'influence de chansons soul sur les Rolling Stones. Mon premier grand coup a été la chanson Paint it black et une mise en relation avec The Supremes.

Paint it black

Je prétends que "Paint it black", dont un récit à moitié fouillé circule dans bien des livres pour expliquer non pas la composition mais la genèse et l'esprit de l'interprétation définitive, est une composition démarquée de la mélodie du titre "My world is empty without you" des Supremes, ce qui en a convaincu quelques-uns visiblement, les esprits curieux et mélomanes en tout cas.
Pour bien montrer que je vais dire de l'inédit, je prends le livre Les Rolling Stones : La Totale, les 340 chansons expliquées de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon. Ce livre a été publié en 2016 aux éditions E/P/A - Hachette Livre. Le dépôt légal est d'octobre 2016, la fin d'année donc. L'achevé d'imprimer date du mois d'août de la même année. Je prends ces informations à la page 704. Il s'agit d'un épais volume et donc d'un gros projet. Le livre commente l'ensemble des chansons éditées officiellement par les Stones, avec au moins une exception, mais je ne l'ai pas en tête, une chanson de The Rolling Stones, now ! je pense. Les auteurs sont forcément bien informés sur ce qui a déjà pu être écrit, et mon lecteur pourra ainsi mesurer que je suis sérieux quand je revendique avoir fait des découvertes.

Sur "Paint it black", il faut se reporter aux pages 168 à 170, ce qui fait trois pages à remplir avec du texte, deux colonnes par page. Avouons qu'il y a une photo qui prend de la place sur la page 169 et une petite encore sur la page 170.. La première page contient des blancs et des petits encarts du genre un rectangle sur les reprises ou "covers", un autre d'information sur la virgule du titre "pour les stones addicts". Mais bref, on a un article avec une partie "Genèse" et une partie plus longue "Réalisation". La partie "Genèse" est sur deux pages, elle représenterait une colonne d'une page. Elle compte quarante et une lignes. La première comprend 62 signes en comptant les blancs chacun pour un signe. Les signes de ponctuation ne sont pas surabondants, je compte quand même les signes de la première ligne du second paragraphe où figurent une virgule et un point. Cette fois, nous avons soixante-cinq signes, mais j'ai compté outre les blancs une virgule et un point, deux apostrophes et un trait d'union de fin de ligne pour le mot "pre-mière" qui est découpé. Bref, pour la Genèse, nous avons deux pages d'un livre au format in-octavo, au format d'un livre de poche. En réalité, ce chapitre de genèse s'interroge sur le sens des paroles sur une vingtaine des lignes, ce qui n'a rien à avoir avec la genèse, mais on verra que ça va nous intéresser malgré tout. En effet, nos auteurs s'interrogent sur le sens de la chanson.  Ils rejettent des interprétations qui ont pu être proposées : rien à voir avec l'angoisse de la guerre du Vietnam, ni avec une rupture vécue par le chanteur Mick Jagger. Il s'agirait d'une "métaphore sur la mort" ce qui est un peu vague ou bien d'un mauvais trip sous acides, ce qui est résoudre les difficultés à bon compte. Le premier couplet a tout de même l'air de parler d'un amant qui a perdu son amie, nous avoue-t-on. Puis, on a droit à une hypothèse selon laquelle parlerait en 1966, avant le "summer of love", bien avant 1969, d'un "désenchantement" etd'un sentiment d'échec de la contre-culture sixties. Les auteurs pensent par ailleurs que la porte rouge est une métaphore pour le coeur et que le chanteur voudrait peindre du coup son coeur en noir.
Pour moi, j'estime que la porte rouge est ce que le chanteur prétend qu'elle est, d'autant qu'une porte a des valeurs symboliques : "I see a red door and I want it painted black", par son geste le chanteur détruit le caractère accueillant de la porte et dément sa force de vie. "No colors anymore" poursuit-il, toutes les couleurs il veut qu'elles tournent en noir chante-t-il. La chanson parle d'une mort insupportable, et précisément de celle de l'être aimé, d'une femme. Le chanteur est dérangé par les filles qui passent et il doit détourner la tête, car elles ravivent une souffrance qu'on s'expliquerait mal s'il n'était question de la mort de la femme aimée. Je ne suis pas trop doué en anglais, mais je relève la parole suivante avec les fleurs et la mention "my love" : "I see a line of cars and they're all painted black with flowers and my love both never come back". La file de voitures évoque une suite funèbre de corbillards. Les fleurs sont mortes et avec elles il y a l'amour du chanteur "my love" qui ne reviendra jamais.Je relève aussi cette autre ligne de la chanson : "My love will laugh with me before the morning comes". Mon amour rira avec moi afant le lever du jour. Le chanteur semble victime d'une ironie du sort au plan amoureux. Il chante sur un mode absolu, jusqu'à effacer le soleil dans le ciel, parce que sa compagne est morte. Il parle de regarder à l'intérieur de lui-même en se sentant incapable d'accepter les faits et il y a un tutoiement intéressant qui montre que la chanson s'adresse à cette femme par-delà la mort : "I could note foresee this thing happening to you". Je ne pouvais pas prévoir ce qui t'arrive, phrase peu précise, mais dans le contexte elle s'en passera volontiers. Il s'agit d'une adresse impuissante à une défunte qui précipite la fin du chant qui se radicalise avec le voeu d'un ciel noir comme du charbon. En résumé, il s'agit d'un deuil amoureux absolu où le parolier a estompé l'expression plus mièvre du sentiment amoureux, comme l'expression du désir érotique. On verra tout à l'heure un autre développement à ce sujet.
Après s'être intéressés au sens des paroles, Margotin et Guesdon expédient l'idée de sources à la composition : "Quant à la mélodie, elle est de Keith Richards" Une citation de Keith Richards accompagne la remarque où il fait entendre que la chanson a une allure juive et serait un peu une sorte de "Hava Nagila", chanson traditionnelle juive très connue, très populaire et très présente dans les petits concerts, etc., en-dehors même de la communauté juive. En fait, la progression de la chanson ferait penser à une chanson juive, on a déjà parlé de chanson d'allure orientale qui faisait penser à une chanson comme il y en a dans les mariages juifs, ce que je n'ai pas pu vérifier, mais il y a un rythme à la juif bien connu qui consiste à accélérer le rythme. Les Rolling Stones l'exploitent sur la chanson "Cool, calm and collected" qui figure l'année suivante sur l'album Between the buttons. D'après le livre de Margotin et Guesdon, "Paint it black" est une chanson enregistrée entre le 6 et le 9 mars 1966, tandis que "Cool, calm and collected" aurait été enregistré d'abord du 3 au 11 août 1866, puis du 8 novembre au 6 décembre 1966. Pour "Cool, calm and collected", on a avec Glyn Johns, parmi les ingénieurs du son Dave Hassinger et Eddie Kramer. Pour "Paint it black", Dave Hassinger est le seul ingénieur du son référencé. Je ne prêterai aucune initiative à Dave Hassinger. La légende veut qu'il ait été surpris par l'allure juive de la chanson "Paint it black", mais c'est ce que j'ai lu dans l'un ou l'autre livre. Mais, en gros, on comprend que les Rolling Stones avaient eu des occasions d'entendre des chansons traditionnelles juives. Pour "Cool, calm and collected", nos auteurs ne parlent pas de rythme à la juif, ils préfèrent une allusion plus vague à l'influence des Kinks qui auraient poussé les Stones à s'intéresser au music-hall (vaudeville). Une allusion aux Kinks n'est pas faite pour me déplaire, mais je ne crois pas me tromper. Il est évident que "Cool, calm and collected" bascule dans une accélération rythmique vers la fin.


La fin du chapitre de genèse parle du succès du titre, nouveau numéro 1, et de l'utilisation du sitar à laquelle les Beatles ont déjà procédé avec le jeu de George Harrison sur "Norwegian wood", mais il conviendrait de parler du style oriental de "Heartful of soul" des Yardbirds si une querelle d'antériorité devait se développer.
Le" chapitre "Réalisation" parle de Jones et du sitar à nouveau, En revanche, il était obligé que nos auteurs parlent de la légende entretenue par les intéressés eux-mêmes selon laquelle, alors que nos artistes peinaient à trouver une interprétation solide pour la composition, Bill Wyman a trouvé la formule et le rythme du morceau en jouant d'un orgue. La chanson serait partie sur des bases "trop funky", ce qui ne veut rien dire de précis à cause de l'espèce d'anachronisme à parler de funk en 1966. Quant au jeu de batterie, Charlie pense qu'il vient d'un titre de la Motown, tiens !, mais il ne parle pas des Supremes, peut-être pour ne pas vendre la mèche, mais du "Going to A Go-Go" de Smokey Robinson and the Miracles. Les parties guitares sont l'oeuvre du génie de Richards pour finri notre revue.
On comprend que tout ce qui est dit là n'a rien négligé des publications sur les stones, notamment en anglais.
Passons maintenant à ce que j'ai à dire personnellement.
"Paint it black" est inspirée de la mélodie du refrain de "My World is empty without you", le "painted painted" martelé vers la fin de la chanson vient du chant "Baby Baby" et "burning burning" de la chanson "Where did our love go" des Supremes, chanson à laquelle les Stones ont également repris le motif particulièrement percutant à la batterie. L'orgue Hammond est présent sur la chanson "My world is empty without you", c'est même une caractéristique importante de la chanson. Si Bill Wyman a joué de l'orgue ainsi que de la basse sur le morceau, ce n'est pas parce qu'il joué par hasard de l'orgue, mais parce que c'était une caractéristique de la chanson qui a servi de modèle. Il est possible que Billl Wyman ait apporté une solution pour l'interprétation, mais si tel doit être le cas ce ne sera jamais que par un souci de revenir au plus près du modèle. Enfin, le style funk n'esdt pas défini en 1966, mais l'expression faisait déjà son chemin puisque les Supremes chantent accompagnées par une formation de studio appelée The Funk Brothers.

Qui sont les Supremes ? C'est le groupe phare de la maison de disques soul située à Detroit, la légendaire Motown, rien que ça ! Il s'agit d'un groupe qui a de nombreux numéros 1 en tête des charts de 1964 à 1966, en pleine Beatlemania. Il s'agit d'un groupe féminin dont le succès est l'un des plus importants qui aient jamais été. Des chansons des Supremes sont joués dans les boîtes de nuit dans les années 2000. Diana Ross est l'une des plus grandes vendeuses de l'histoire du disque, déjà par sa carrière avec les Supremes, puis par ses succès en solo ou en duo qui ont suivi. Elle est au sommet des ventes de disques avec les Beatles, Elvis Presley, Stevie Wonder, Michael Jackson, les Bee Gees et les Rolling Stones. La chanson "My world is empty without you" est un des rares titres à ne pas atteindre la première place des charts américains. Elle fut quand même classée cinquième. En revanche, Where did our love go fut le premier numéro 1 du groupe en 1964, et d'autres numéros 1 ont suivi : Baby love, Stop ! in the name of love, Back in mpy arms again et une reprise de Don Covay Come see about me. Les Stones ont repris "Mercy Mercy" de Don Covay. Nous connaissons tous par ailleurs les chansons "Can't hurry love" ou "You keep me hangin' on" des Supemes. Enfin, "Where did our love go" et "My world is emptu without you" sont deux compositions du légendaire trio Holland-Dozier-Holland qui est derrière un grand nombre titres majeurs de la maison Motown pour d'autres artistes.
La vraie nouveauté est sans doute le style orientalisant : sitar, allure de marche turque de la chanson, sorte de finale en crescendo qui se situe entre le rythme du boléro de Ravel et l'accélération du rythme à la juive comme cela sera plus manifeste sur "Cool, calm and collected".
La chanson "Where did our love go" est un succès de 1964, mais "My world is empty without you" est une chanson enregistrée en 1965 qui a atteint la cinquième place des charts au début de l'année 1966 avec un passage télé au Ed Sullivan show le 20 février 1966, quand la chanson des Stones a été enregistrée au RCA Studios, à Hollywood, du 6 au 9 mars 1966. Le titre est sorti en mai 1966. Pour s'éloigner du modèle, certains ingrédients ont compté : le style oriental, la transformation plus rock d'une chanson d'amour. L'orgue est commun aux deux chansons, mais les stones recourent aussi au sitar, au tambourin, aux bongos, aux castagnettes et à la guitare acoustique, et même au piano.

Traitons de l'autre idée forte. Les Stones se sont inspirés de deux chansons des Supremes. Pour la fin du morceau, la crise du chanteur est cristallisée par le martèlement du mot "painted". Les Rolling Stones se sont inspirés du chant de Diana Ross qui martèle mais avec douceur le mot "baby" dans "Where did our love go" : "baby baby...". Mick Jagger a repensé cela en une formule plus rock, sans le côté "guimauve" des Supremes. C'est devenu "painted painted..." Je ne veux pas parler péjorativement quand je dis "guimauve", les Stones n'y étaient pas insensibles quand on juge de la première composition créditée Jagger-Richards en 1964 "Tell me (you're comming back to me)". J'aime bien d'écouter une chanson mièvre de qualité ou une pièce montée pleine de tendresse. Ce qui est certain, c'est que les Stones ont voulu donner un 45 tours à image rock et, du coup, les paroles de la chanson ont abouti elles aussi à une surprise. Paint it black est une chanson de deuil assez obscur qui ne se veut pas, du moins pleinement, une chanson d'amour. Ce choix a surpris, on a demandé des explications. Ce deuil est-il d'amour ? Ce deuil cache-t-il un discours de subversion sociale ? En fait, la chanson modèle "My world is empty without you" a imposé par ses paroles le thème du deuil à la musique, et les Stones ont travaillé à éviter le thème du manque amoureux un peu mièvre. L'érotisme latent est évité également pour une radicalisation de l'âme en souffrance.
Ce que je dis est d'une cohérence forte. Les gens évidemment n'ont pas développé mon raisonnement sur les paroles, ici inédit même si j'ai pensé à cela dès que j'ai identifié la source de "Paint it black". Les gens qui ont admis l'influence de "My world is empty without you" n'ont pas intégré l'importance du passage de "Baby Baby" de Diana Ross à "painted painted" de Mick Jagger, peut-être parce que c'est une séquence courte qui du coup doit paraître ou suspecte ou insignifiante, alors qu'elle en dit long sur la méthode de composition des Stones.

J'e peux encore en rajouter. Le morceau "My world is empty without you" commence par quelques secondes de batterie, tandis que "Paint it black" commence par un solo de guitare et se termine par un crescendo genre boléro de Ravel où la batterie a compté.
Je mets donc en lien la chanson modèle.


Puis, je cite donc l'autre modèle pour un extrait de la chanson des Stones, le "painted painted". J'offre ici une interprétation live pour deux raisons. D'abord pour donner de la saveur au lien, mais ensuite parce que le rythme est percutant, syncopé, avec une intro de batterie qui tape sec, ce qui ajoute à la réflexion qu'on peut avoir dans le passage des deux chansons des Surpemes au titre des Stones. Il est encore question de séparation amoureuse dure à vivre. A côté du "baby, baby" remarquez un autre martèlement "I've got his burning, burning" qui conforte l'idée de genèse par cette chanson du "painted painted" stonien.


Ici, un passage par la chanson des Stones s'impose. A vous d'opérer les comparaisons, je vous ai guidé pour ça.


Comparons quelques paroles.

La chanson "My world is empty without you" correspond à la ligne de refrain, moins l'apostrophe "baby" cliché du chant de Diana Ross.  Au début du premier couplet, il est question de solitude "And as I go my way alone", une solitude dure à supporter. Au début du second couplet, nous notons la mention de "this old world". La chanteuse parle alors de cacher son visage "From this old world / I try to hide my face". Il est question d'une maison froide et vide, mais aussi d'une prostration dans l'obscurité dans le ruminement des souvenirs : "Inside this cold and empty house I dwell / In darkness with memories". Le mot "darkness" revient une deuxième fois dans la chanson, il figure à nouveau dans le troisième couplet après un éloquent "Since love between us / No more exist", voici cette ligne "And each time that darkness falls / It finds me alone / With these four walls". La chanson revient au refrain pour finir. Nous sommes encore dans le classique refrain / couplet / refrain / couplet / refrain / couplet / refrain.
Les Rolling Stones ont brouillé la délimitation couplets / refrains, du moins un tout petit peu, et en tout cas ils ont opté pour une espèce de finale. Mais, ils ont reprise la mention "darkness" qui revenait deux fois dans la chanson des Supremes. L'originalité, c'est que l'emprunt aux Supremes est déplacé dans un autre emprunt plus large, puisque la phrase "I have to turn my head until my darkness goes" serait une citation authentique du roman Ulysse de James Joyce. Le double meprunt ne change rien à l'affaire. Les mentions "world" dans la chanson des Supremes ont également été prises en compte, fût-ce involontairement, dans les paroles de "Paint it black" avec la ligne suivante : "It's not easy facing up when your whole world in black". Les expressions rapprochées "facing up" et "face the facts" font écho quelque au "hide my face" de Diana Ross. L'envie d'un enfoncement dans la dépression en peignant tout en noir inverse également l'appel au secours de la fragile Diana Roos, dont j'aurais dû rappeler plus haut que la fragilité de sa voix est un des charmes qui fonde en partie son succès et qui livre une sorte de signature typique de sa part. Or, la chanson "My world is empty without you" se termine malgré l'appel au secours par un abandon apathique énervé par la présence de quatre murs. Il me semble bien significatif que la chanson des Stones commence par mentionner une porte et que le finale soit la négation du soleil et du ciel, situation d'extérieur qui n'empêche un anéantissement dans une sorte de peinture en noir qui s'applique en principe aux murs qu'on peut avoir autour de soi. Ilest clair que la mention finale des quatre murs chez les Supremes explique la métaphore de la peinture appliquée à une porte et au soleil dans "Paint it black". Diana Roos parle de ce qu'elle ressent en elle "inside me" quand Jagger regarde en lui-même "inside myself". Tout se répond entre les deux chansons, ou peu s'en faut.
La chanson "Where did our love go" a inspiré une variante rythmique du chant : on passe du délicat "baby baby" à l'agressivité sombre et masochiste du "painted painted". A noter que la chanson "My world is empty without you" d'un album intitulé "I hear a symphony", la chanson "I hear a symphony" ravive l'espoir et joue elle aussi sur la répétition "baby, baby". Mais dans "Where did our love go", il est question de rupture. Un homme est venu dans le coeur de la chanson, mais il ne veut plus d'elle désormais. Et Diana martèle ainsi un autre mot significatif "burning burning". "I've got this burning, burning". D'ailleurs, je dirais que les Stones jouent rythmiquement sur une rallonge d'une syllabe. La phrase "I wanna it painted painted" a la longueur de "I've got this burning burning", mais alors que Diana Ross passe à la ligne suivante du chant, Micdk Jagger casse le rythme, crée l'excroissance d'une syllabe pour une phrase qu'il faut bien finir, et il ajoute "black". On ne le voit très bien dans le chant le détachement du mot "black". Parfois, cela peut s'exprimer par la triplette de "painted". "I wanna it painted painted... painted black".
Enfin, dans "My world is empty without you", nous avons une ligne "No more exist", dans "Where did our love go" une ligne "Don't you want me no more" et la deuxième ligne de "Paint it black" est "No colors anymore, I want them to turn black".
Voilà, j'en ai assez rassemblé pour asséner que les Rolling Stones se sont inspirés d'au moins deux chansons des Supremes pour composer "Paint it black", "My world is empty without you" et "Where did our love go", deux chansons sorties en 45 tours, l'une célèbre numéro 1 de 64, l'autre interprétée moins de vingt jours, voire quinze jours avant l'enregistrement stonien.
D'autres révélations vont suivre. Au passage, une idée inédite : les percussions de "Sympathy for the devil", il se trouve que deux chansons m'y font automatiquement songer, les débuts de deux chansons sur l'album Love child des Supremes. Les chansons sont strictement contemporaines "Honey bee", "He's my sunny boy" et "Sympathy for the devil". Quelque chose pour l'instant m'échappe. L'album Love child. L'album Love child a été enregistré du 17 février au 2 octobre 1968 et il est sorti le 13 novembre 1968. La chanson "Sympathy for the devil" a été enregistrée du 4 au 10 juin 1968, et la sortie sous forme de 45 tours a eu lieu le 6 décembre 1968. "He's my sunny boy" est une chanson de Smokey Robinson and the Miracles, un autre artiste Motown majeur très prisé et suivi par les Stones. Sur "Honey bee", je manque d'informations. En gros, je pense que les percussions sur "Sympathy for the devil" s'inspirent du travail des musiciens studio de la Motown à l'époque. Ils ont dû jouer un rôle déclencheur, mais je ne sais pas encore comment l'établir. Cela n'a pas l'air de venir de sorties anticipées des 45 tours, il doit y avoir une explication, mais pour l'instant ça m'échappe.

He's my sunny boy des Surpemes (composition de Smokey Robinson.



Par ailleurs, le titre "You'll keep me hangin' on" a un début remarquable. La chanson est inévitablement célèbre, tant elle a été reprise, tant elle passe à la radio.


Ce procédé du son qui donne l'impression d'une roue à la guitare, ou si vous l'entendez différemment qui correspond à une syncope sautillante, a été repris par Billy Nicholls sur son unique album demeuré inédit à l'époque. Nous l'avons, nous public, découvert dans les années quatre-vingt-dix. Je cite juste le titre suivant...


Or, non seulement Billy Nicholls est devenu un producteur des Who dans les années soixante-dix, mais Pete Townshend, le leader et guitariste des Who fit partie des rares à posséder un exemplaire de l'album Would you believe de Billy Nicholls en 1968. Les Who n'ont pas sorti d'album en 1968, mais en 1969 il fallait sortir l'album concept Tommy, une erreur prétentieuse, un opéra rock avec une histoire liant les chansons entre elles, une erreur qui a contaminé les Kinks, d'autres également. Malgré l'erreur d'approche, le double album Tommy passe encore bien, mais comme il le raconte dans sa biographie la chanson "Pinball Wizard" a été composée tout à la fin, parce qu'il manquait un titre rock pour accrocher le public et faire un hit à ce double album. Or, "Pinball Wizard" est la troisième phase de développement du procédé guitare en intro après la chanson des Supremes, après la chanson de Billy Nicholls. Pete Townshend est autant fan des Surpemes que les Stones, il reprend par exemple une composition Holland-Dozier-Holland pour un autre groupe féminin de la Motown. La chanson "Heatwave" de Martha Reeves and the Vandelals figure sur l'album de 1966 des Who "A quick one". Il y a certes tout un déploiement intelligent, mais la base du procédé est là.


Je vais commenter d'autres emprunts dans les autres parties de cet article, puisque j'ai des sources pour "Under my thumb", "Satisfaction", "Jumpin' Jack Flash", "It's only rock and roll" des Stones, d'autres encore d'ailleurs, j'ai des sources pour "Magic bus" des Who ou pour "Headin' for the Texas border" des Flamin' Groovies.
Après, mon approche n'est pas pour fustiger. Je suis passionné par la musique des Stones, je vois du génie dans la façon dont les modèles sont revisités, et de toute façon la part de plagiat me renforce dans la conviction que je n'aime décidément pas pour rien ces chansons, car elles ont des origines, il s'agit de choses excellentes peaufinées, revues, recombinées.

A suivre donc...

mercredi 18 juin 2014

Rock sudiste

On peut recommander trois groupes, après ça devient lourd.

The Allman Brothers Band est remarquable à l'époque des deux frères et surtout en live. Cela reste très bon au moins jusqu'à l'album de 72 avec une pêche énorme sur un camion, après ça décline.

Le live Fillmore est un classique, mais je ne saurais trop vous recommander le double CD de deux concerts à Atlanta.

At Fillmore east
Atlanta 1970 (extrait)

Autre grand groupe de rock sudiste Lynyrd Skynyrd

Free bird
Sweet home Alabama

Enfin, le groupe Point blank, moins connu, légèrement plus tardif que les deux groupes précédents.

Deux albums : Point blank / Second season

Lou Reed Velvet underground

On entend souvent parler de Berlin de Lou Reed, mais entre Berlin de lui et Loaded du Velvet underground, il n'y a pas à choisir, Loaded est bien supérieur.
Dans l'oeuvre solo de Lou Reed, les deux grands albums sont Transformer et Coney Island Baby.
Si vous voulez étonner tout le monde, misez clairement sur Coney Island Baby.
Je vous mets le lien d'un mix sur youtube.
Sinon, un autre très bon album Sally can't dance.
Les premiers disques de Lou Reed n'ont malheureusement jamais été réunis sur un seul support que je sache.
The Primitives : The Ostrich
The All night workers : Why don't you smile now

Les trois albums de référence du Velvet undergroud.
Le premier avec Nico , White light / White heat et Loaded.

lundi 3 mars 2014

Revue de groupes psychédéliques à partir d'une vidéo de fan sur youtube


Liste proposée, non exhaustive ni épurée

Afterglow – Morning Bof
The Animated Egg -- A Love Built On Sand Bof
The Art Of Lovin' -- What The Young Minds Say Ecoutable
Beacon Street Union -- Pack Up Très bon deux albums, je n’arrive pas à dénicher le troisième sous le nom de groupe Eagle
Bow Street Runners -- American Talking Blues Très bon, je ne l’ai pas, mais déjà écouté
Bread, Love And Dreams – Masquerade connais pas
The Chocolate Watchband – Medication Génial
Clear Light -- Street Singer Bon, j’ai le vinyle, même si ici l’extrait choisi n’est pas engageant
Creation of Sunlight -- Seven Times Infinity Bof
Dantalian's Chariot -- Coffee Song Bon, mais je préfère avant Zoot Money très bon
December's Children --Sweet Talkin' Woman Correct
The Deep Six -- Paint It Black Bof
The Electric Prunes -- I Had Too Much To Dream (Last Night) Génial
Elizabeth -- Mary-Anne Bof
Faine Jade -- Cold Winter Sun Symphony in D Major Très bon, vraiment
The Fallen Angels -- Introspective Looking Glass Bof
Flat Earth Society -- Feeling Much Better Bof
The Growing Concern -- Sit Down, I Think I Love You Bof
H.P. Lovecraft -- Mobius Trip Bon
Iron Butterfly -- In-A-Gadda-Da-Vida Moyen, très surestimé à cause de la mélodie de leur unique succès et le solo de batterie sur un long morceau
July -- Dandelion Seeds Pas mal, mais je ne connais pas
Kaleidoscope -- The Sky Children Génial, mais sur un versant Bee Gees sixties
The Leathercoated Minds – Kicks Bof, écoutable
The Litter -- Soul Searchin' Très bon
Love -- Signed D.C. Sublime
The Maze -- I'm So Sad Bon
The Misunderstood -- Children of the Sun Très bon
Morgen – Purple Bof
The Moving Sidewalks -- Crimson Witch Moyen
Mystic Siva -- Keep Your Head Bof
N.S.U. -- Turn On, Or Turn Me Down Bof
Nova Local -- Tobacco Road Bof, titre connu par ailleurs
The Open Mind -- Soul And My Will Bon, sans plus
Pearls Before Swine -- Another Time Très bon
Phluph -- Love Eyes Connais pas
The Pretty Things -- Balloon Burning Très bon, mais son spécial sur SF BSorrow, je préfère les premiers albums géniaux
Quicksilver Messenger Service -- Fresh Air Génial, mais pour des albums antérieurs à ce titre
Scrugg -- Wish I Was Five Bof
Second Hand – Mainliner Bof
The Serpent Power -- Flying Away Pas trop mal
The Smoke -- The Hobbit Symphony Bon, mais je ne l’ai pas, j’ai le groupe homonyme
Spirits And Worm -- Spirits And Worm Bof
Strawberry Alarm Clock -- The World Is On Fire Très bon
The Tea Company -- Make Love Not War Bof
Tomorrow – Hallucinations Très bon
The Travel Agency -- Lonely Seabird Bof
Ultimate Spinach -- Plastic Raincoating Moyen, bof
The Underground -- The Warper connais pas
Womb -- Conceptions of Reality II bof
The 13th Floor Elevators – Reverberation très bon, 3 albums m

#51 Children Of The Mushroom connais pas
#52 Chrysalis bon, je n’ai pas
#53 The Human Beinz très bon
#54 Iota connais pas
#55 It's A Beautiful Day bon, le premier album
#56 The Lollipop Shoppe très bon
#57 Morning Dew me rappelle plus, moyen ou assez bon
#58 The Music Machine Génial
#59 The Sacred Mushroom connais pas
#60 Them Sublime période Van Morrison, mais là ça doit être autre chose.
#61 Toad Hall connais pas
#62 The United States Of America connais encore trop vaguement
#63 Quintessence connais pas
#64 The Grass Roots très bons débuts folk, période hippie et pop à succès bof
#65 Skip Bifferty moyen ou assez bon
#66 Twink me rappelle plus, moyen ou assez bon
#67 The Other Half Bon, prestation guitaristique
#68 The Zoo Connais pas
#69 The Illusion Connais pas
#70 Liquid Smoke Connais pas
#71 The Hunger Connais pas
#72 Sweet Smoke Me rappelle plus, moyen ou assez bon
#73 Electric Toilet Connais pas
#74 Gong Très bon, mais progressif franco-anglais seventies plutôt, 3 albums
#75 Wilde Flowers Connais pas
#76 Soft Machine Très bon, voire génial, les deux premiers albums et puis encore le troisième
#77 Five Day Week Straw People Me rappelle plus, bof
#78 The West Coast Pop Art Experimental Band Très bon, deux premiers albums et puis deux suivants
#79 Country Joe & The Fish Génial
#80 The Red Krayola Bon
#81 The Storybook Connais pas
#82 Kenny & the Casuals Bon
#83 The Human Expression Connais pas
#84 The Third Bardo très bon, un unique maxi 45 tours 4 titres
#85 The Third Ear Band Connais pas
#86 The Hook Connais pas
#87 Colours Connais pas

Sod the numbering!

The Outsiders Bof
Blossom Toes Bon deux albums
C.A. Quintet Très bon
The Churchills Connais pas
The Hangmen Connais pas
Ars Nova Connais pas
The Comfortable Chair Assez bon ou moyen
T*I*M*E Connais pas
Mourning Dayze Connais pas
The Hatchers Connais pas
Fever Tree Connais pas
Neon Pearl Connais pas
The Byrds Génial évidemment
Andwella's Dream Bof
Mandrake Memorial Bof
The Deviants Très intéressant, bon 3 albums
The Incredible String Band Bon
Savage Resurrection Bon
Fifty Foot Hose Assez bon
White Noise connais pas
Blues Magoos Bon, deux albums sinon un troisième, mais épouvantablement surestimés
Kak Génial (voir aussi mais rhythm’n’blues auparavant The Oxford circle)
Music Emporium connais pas
Fenwyk connais pas
Supersister connais pas
Bubble Puppy Très bon (voir aussi le second album sous le nom Demian)
Bad Seeds Me rappelle plus
Thursday's Children Me rappelle plus, bof
American Blues Bof, me rappelle plus
Zakary Thaks Bon
Mouse and the Traps Très bon
Shivas Headband Connais pas
The Wig Connais pas
Conqueroo Me rappelle plus
The Children Connais pas
The Great Society Très bon, les début de Grace Slick
The Leaves Bon, deux albums
The Castaways Je connais juste un titre
Marmalade Cas particulier, écouter les vrais titres de valeur compilation Kaleidoscope, pas les best of, et là génial.
The End Génial pour deux chansons écrites par Bill Wyman des Stones, reste de l’album mitigé
Family Bof
The Mystic Tide Connais pas
Lothar and The Hand People Bof
Mind Garage Connais pas
Asphalt Mother Connais pas
Catharsis Connais pas
The Monks Bon, j’ai deux CD, mais un peu surestimé
Bo Grumpus Bof
Aum Bof, une jolie stylisation pochette d’album
We The People Génial
The Collectors Connais pas
Grass and Wild Strawberries Connais pas
Amboy Dukes Moyen, à la limite le premier album
The Turtles très bon, « Happy together » et « Ellenore » pop ou surf music, premier album
Cold Sun Bof, me rappelle plus
Silver Apples Bof
Listening Assez bon, mais pas plus
Mint Tattoo Me rappelle plus, bof
Eden's Children Me rappelle plus, bof
The Hobbits Connais pas
The Marshmallow Steamshovel Connais pas

dimanche 16 février 2014

C'était il y a 50 ans, la prise d'élan du rock anglais !

De quand dater les débuts de la British Invasion dans le rock ? Les Beatles enregistrent dès 1962 le single Love me do et leur année d'explosion c'est déjà 1963 Ils alignent alors plusieurs hits et deux premiers albums Ils sont d'ores et déjà lancés Avec un an de décalage, les Rolling stones enregistrent leurs premiers 45 tours en 1963, mais leur explosion date de 1964
J'ai choisi l'année 1964 car c'est l'année où le format british prend ses véritables contours, et d'ailleurs parmi les plus grands groupes de rock anglais des sixties peu sont en activité ou en tout cas à l'affiche en 1964
Je commence par un titre époustouflant, la reprise du titre de Buddy Holly "Not fade away", titre qui s'inspire de Bo Diddley, et qui est repris sur un mode incisif particulier par les Stones La chanson est brève, mais marquante dans la carrière des Stones Les deux premiers 45 tours étaient encore de l'ordre du rodage un peu maladroit "Come on" et "I wanna be your man" Là, c'est une pépite, un chef-d'oeuvre d'orfèvrerie bientôt suivi par un album étonnant, et puis un autre

Il faut apprécier l'enchaînement des instruments au début jusqu'à l'arrivée de la voix C'est du grand art, puis ça se poursuit dans une relation extraordinaire entre la voix et soit l'harmonie qui la suit, plus solo de guitare dans une des structures d'appel, mais aussi la relation entre la voix et l'orchestre qui la soutient et lui réserve un espace Hélas, c'est court et ça se termine en "fade up", évanouissement par baisse du volume


Chanson vive, charmeuse et pré-psychédélique, quoiqu'un peu plus amatrice que les Stones dans l'orchestration


En quelque sorte, 1964 a vu les Rolling stones et les Kinks descendre sur Terre, mais, malheureusement pour les Kinks, même si leur succès s'est maintenu jusqu'en 1967, il y a un divorce entre ceux qui les estiment l'un des plus grands groupes de l'histoire du rock et le public, car ce dernier tend à ne pratiquement conserver en mémoire que sa courte première période rock avec les titres rentre-dedans "You really got me", "All day and all of the night", "I need you" Ils sont ramenés à un jalon dans l'histoire de la rage et du gros son, alors qu'ils sont bien plus que cela Les Kinks amènent aussi un chant décontracté, décomplexé, négligé Ils jettent les bases aussi d'un rock désaméricanisé ayant un rythme rock-blues, mais quelque peu dégagé de l'allure des modèles américains Ils amènent aussi un art de la composition, des mélodies anglaises complètement saisissantes Il y a maintenant cinquante ans sortait leur premier 45 tours une reprise de "Long, tall Sally" de évidemment Little Richard, cela fut suivi d'un titre "You still want me" qui n'a pas rencontré le succès et qui mit les Kinks dans une situation délicate Allaient-ils continuer à produire ? Y avait-il pourtant des raisons de s'alarmer ?


Le groupe Them est quelque peu comparable Le très jeune Van Morrisson nous offre du rock particulièrement décapant Il revisite Baby please don't go du bluesman Big Joe Williams et il nous offre sa propre composition machine à cartonner avec le célèbre Gloria que Laurent Voulzy n'a pas manqué d'inclure dans son "Rockollection", ce qui maintient le souvenir de ce hit criant auprès du public français Van Morrisson passera à une oeuvre en solo plus posée qui saura se maintenir d'une très grande qualité au fil des albums, sorte de garantie de qualité que double sa voix magique Gloria serait une composition plus précoce de 63 et son succès date de 1965, mais le titre est sorti en 1964 en face B de Baby please don't go


Autre voix exceptionnelle du rock britannique à l'époque et dans un style blues et rock un tant soit peu comparable au groupe irlandais, Eric Burdon du groupe The Animals, groupe aussi d'Alan Price à l'orgue, lequel fondera Alan Price Set ensuite, et de Chas Chandler Ils ont eu plusieurs hits, mais c'est la reprise d'un vieux traditionnel de blues américain qu'on ne connaît plus aujourd'hui que par eux, malgré des reprises qui avant n'étaient pourtant pas non plus passées inaperçues (Bob Dylan, etc), qui les a mis sur la troisième marche de la notoriété anglaise en 64 derrière les Beatles et les Stones, devant les Kinks, les Them ou les Yardbirds


Le passage de trois "guitar heroes" assure rétrospectivement aux Yardbirds une place de choix aux côtés des Stones et des Beatles dans une histoire officielle du rock qui insistent beaucoup sur le faste, la virtuosité d'exécution et l'évolution vers le gros son Toutefois, ce n'est qu'en 1965 avec l'arrivée de Jeff Beck que les Yardbirds prendront leur pleine dimension La première période avec Eric Clapton est quelque peu mitigée, mais n'empêche pas quelques frappes remarquables On peut noter leurs débuts sur 45 tours avec la reprise de "I wish you would" de Billy Boy Arnold qui nous rapproche du si influent Bo Diddley sur le son des formations sixties anglaises


Des groupes exceptionnels ne sont pas encore présents Les Small Faces déferleront en 1965, même chose pour les Who, mais en 1964 ces derniers sous le nom de High Numbers existent déjà quelque peu et s'essaient au 45 tours avec deux reprises déguisées, leur producteur se faisant passer pour auteur en plagiant gaiement un titre Motown pour l'esprit Mod et un blues de Slim Harpo "Got live if you want it" figurant au répertoire des Kinks avec un chant particulièrement désinvolte


L'intérêt de ces groupes anglais pour le blues et le rock noir américain a bien sûr une incidence sur les artistes repris qui jouissent parfois d'un revival
Jimmy Reed et Slim Harpo sont considérés comme les représentants d'un blues dit "marécageux" Plusieurs titres de ces deux bluesmen furent repris par les formations sixties, et Jimmy Reed donna encore de très bons albums au moins jusqu'en 1967 (The New Jimmy Reed Album / Soulin')
En 1964, même si cela n'apparaît plus dans la même proportion dans la discographie officielle, les Stones enregistraient les titres de Jimmy Reed : Ain't that loving you baby, Honest I do (présent sur le premier album des Stones), Bright Lights Big City Le titre Baby what you want me to do est pour sa part repris par Little Richard et celui I ain't got you est un titre percutant des Yardbirds Hush-Hush, Big Boss man et Shame, shame, shame sont également des chansons connues, les deux dernières étant une source d'inspiration pour les titre Little by Little et Now I've got a witness du premier album des Rolling stones, avec une médiation la reprise d'un titre parent Can I get a witness de Marvin Gaye où la voix de Jagger est impressionnante ! Voilà, profitez de cette coloration blues que vous n'aurez pas souvent mise en vedette sur des radios rock L'importante influence de Jimmy Reed sur le premier album des stones, c'est quelque chose : sur douze titres, une reprise, deux imitations, une reprise d'un titre dérivé de Marvin Gaye et une reprise du comparse Slim Harpo I'm a king bee, puis une majesté guitaristique qui a compté dans la magie des stones en 64-65, bien que pas forcément sur les titres les plus connus Little by little est éblouissant, il ne venait pas de nulle part, une chanson de Jimmy Reed avec une carrosserie refaite façon Stones)


Ce dont je viens de parler est un point majeur de l'histoire du rock : l'importance des compositions de Reed, mais aussi l'importance guitaristique du jeu de Jimmy Reed pour les stones en 64 et 65, la fascinante modernisation stonienne de ce style avec l'accomplissement orchestral et un Jagger qui chantait alors de manière phénoménale, la coloration blues du rock anglais en 64 et 65, les passerelles qui montrent comment de nouvelles techniques accrocheuses se développent, mais aussi combien parallèlement au développement du rock and roll, du rhythm'n'blues, les bluesmen eux-mêmes étaient des cogneurs musicaux

Signalons à l'attention par ailleurs deux autres titres d'époque à rapprocher pour le rythme de notre série autour de Jimmy Reed, Marvin Gaye et les Stones


En 64, une idole des Stones quitte la prison et revient un court instant sur le devant de la scène, sans doute dans la mesure où certaines de ces brillantes compositions venaient de passer une attente de trois ans


Les reprises de Chuck Berry sont légion, même si elles ne tendent pas à concurrencer les originaux sous forme de 45 tours, la reprise de "Memphis, Tennessee" par Johnny Rivers se fait remarquer à l'époque, ce qui ne nous dispensera pas de la splendeur de l'original


En 1963, les Beach Boys ont connu l'un de leurs plus grands succès, et leur premier véritable succès d'ailleurs, avec une métamorphose de rien moins que Sweet little sixteen


Les Beatles s'essaient aussi aux reprises, notamment de Chuck Berry, mais le combat est par trop inégal face au savoir-faire stonien


On lorgne ainsi du côté du bon vieux répertoire de Chuck Berry et si le premier 45 tours des Stones est un échec avec une reprise de "Come on" qui sans être mauvaise ne délivre pas tout le potentiel du groupe, la suite sera sidérale

Reprise pas à l'aise où l'orchestre ne vibre pas à l'unisson malgré un caractère assuré
Sonnant différemment, la version originale de 1961, charmeuse, avec la présence exceptionnelle de la femme de Chuck Berry, je crois, qui assure quelques vocaux

La classe éblouissante maintenant de ces sacrés stones reprenant Chcuk Berry


La fascination de Keith Richards est telle que les Stones reprennent trois chansons parmi les quelques reprises du répertoire de Chuck Berry



Le virus est tel que Keith Richards semble avoir mis un point d'honneur à faire jouer un ou deux titres de Chuck Berry dans les tournées des Rolling stones, jusqu'aux années 70, avec en majesté les versions des reprises Carol et Little queenie sur le mythique album live Get yer ya-ya's out, rendu de la tournée américaine de 69 Cela continuait sur les tournées européenne de 70, anglaise de 71, américaine de 72, océanienne et européenne de 73


Le répertoire non officiel des Rolling stones comportent d'autres titres de Chuck Berry pour la période 63-65, sans parler d'autres reprises en live, ou bien par Keith Richards séparément des Stones, pour ne même pas parler de l'organisation par celui-ci du concert des 60 ans de Chuck Berry en 1986
Les Rolling stones ont d'autres idoles, notamment Bo Diddley, qui est fortement représenté dans le répertoire non officiel des stones en 63-64, moins sur la discographie officielle, malgré la présence de la reprise de Mona sur leur premier album, leur reprise ultérieure de Mannish boy avec et sans Muddy Waters, malgré la présence de Crackin' up sur l'album Love you live de 77, malgré l'imitation électronique Please go home de 67, et malgré ce lancement fulgurant avec Not fade away dont j'ai parlé plus haut Muddy Waters et Willie Dixon font eux aussi partie des idoles stoniennes "I just want to make love to you" en version boostée est repris sur le premier album de 64 et "I can't be satisfied" en 65 Howlin' Wolf demeure quelque peu absent de la discographie officielle
Mais d'autres groupes anglais participent à ce regain d'intérêt pour les bluesmen d'une génération antérieure, et l'un des deux Sonny Boy Williamson (problème d'homonymie) va jouer en live tour à tour avec les Animals et les Yardbirds, précisément et respectivement en 63 et 64, et ce sera sans doute le meilleur de ce que donneront les Yardbirds avec Clapton

Un peu de lui en solo


Mais pour leur second 45 tours, les Yardbirds se tournent du côté de l'homonyme


John Lee est souvent numéroté I, c'est son vrai nom, l'autre s'appelle Miller et est numéroté II

L'année 64, vue du Royaume-Uni, est ainsi une année de confirmation pour les Beatles et une année de consécration pour les Stones, les Kinks, les Yardbirds, les Animals, et quelque peu de tremplin pour les Them ou les Who

Les Beatles et les Kinks se distinguent dans la mesure où ils composent déjà l'essentiel de leur répertoire

très belle plage essentiellement due à Mc Cartney
Une autre du même qui avait déjà donné un All my loving en 63
petite perle de Lennon entre A Hard day's night et Help
Autre variation entre A Hard day's night et Help de Lennon
Composition ambitieuse de Mc Cartney
Deux de leurs grands succès de 64 composés par Mc Cartney, le premier chanté par Lennon
Annonciateur d'autres succès à venir de Mc Cartney
Petite perle rock rentrée de Mc Cartney

Nous avons déjà cité A hard day's night

Face aux Beatles, le génie extrême du compositeur Ray Davies n'entre pas d'emblée en concurrence sur le même registre mélodique que les Beatles et que notamment Mc Cartney, puisque le groupe établit d'abord trois titres purement rock qui jettent les bases d'un son anglais nouveau, quelque peu coupé des racines, avec riff tranchant de guitare au son saturé et interruption de la suite couplets-refrain par un solo débridé


Mais les Kinks proposent déjà la contrepartie mélodique que l'histoire officielle oublie au profit du gros rock, alors qu'elle consacre ce groupe dans nombre de coeurs, déjà ce joyau "Stop your sobbing" ou bien "I've got that feeling"!


Groupe spécialisé dans les reprises, les Animals ont tout de même eu un certain succès avec une de leurs entraînantes compositions Je ne résiste pas au lien live suivant qui témoigne aussi d'une certaine histoire de la libération du corps et du contrôle de l'expression corporelle tout à la fois dans les médias


Le groupe anglais The Animals éclate fin 65 début 66, mais Eric Burdon reformera un groupe américain à ce nom qui laissera quatre bons albums

Maintenant, qu'est-ce que les gens écoutaient d'autre en 1964 ?
Je vais me concentrer sur le cas du Royaume-Uni et en tout cas de la musique d'expression anglaise, même si on peut évoquer le succès en France de Charles Aznavour et de Jacques Brel à cette époque, avec Amsterdam par exemple, c'est l'année de l'album Olympia 64



Je reviens à l'Angleterre et puisque nous en sommes à une musique au format pop, donnons un échantillon de la musique pop de l'année 1964 qui concurrence la "violence" rock sur les ondes, encore qu'il s'immisce du rythme rock dans ce qui suit Les titres restent appréciables en soi, car tout est charmant dans la production musicale sixties, mais l'idée est de donner la toile de fond de cette époque sur laquelle se détache le bouleversement rock anglais, sachant que l'Angleterre avait elle aussi un courant de chansons rétro dans les sixties

Il ne faut pas perdre de vue que les grands noms du rock and roll sont peu nombreux à avoir passer le cap de 1960 Il existe une certaine période de transition de 1960 à 1963 où certes le rock continue de s'affirmer, mais doit prendre un nouveau souffle, tandis que prédominent pas mal de productions pop, de chanteuses ou groupes de filles tirant plutôt vers la pop et les slows, prédominent aussi les instrumentaux On pense en 64 à Dusty Springfiled (fort impressionnante comme interprète), Sandie Shaw, Cilla Black, Petula Clark ou Dionne Warwick L'ère Spector se poursuit avec des groupes de filles, ou parfois d'hommes The Righteous Brothers La Motown est en train de s'imposer avec Marvelettes, Supremes, Mary Wells, Martha & the Vandellas et aussi Four Tops, Miracles, Marvin Gaye, Temptations, sans oublier quelques autres hits "Money", "Every little bit hurts", "Do you love me" Et s'il y a la Motown, il y a aussi la Stax La soul a déjà pas mal bourgeonné Les lives de Sam Cooke s'imposent Curtis Mayfield anime le groupe The Impressions en parallèle En Angleterre, Joe Meek est un équivalent particulier à Phil Spector, en nettement plus obscur, mais aussi en nettement original au plan technique, qui expérimente avec des chanteuses ou chanteurs Roy Orbison connaît alors de beaux succès Quant aux Beatles, s'ils devancent d'un an ou deux les autres groupes majeurs de l'histoire du rock sixties anglais, ils font partie d'un premier courant rock anglais le merseybeat dont ils sont paradoxalement la seule réalisation exceptionnelle C'est ainsi l'époque de Gerry and the Pacemakers, des Searchers Apparitions précoces, The Hollies et Manfred Mann ne sont pas demeurés des inconnus Le groupe Dave Clark Five connaît lui aussi la consécration, mais au-delà de Glad all over rien d'impressionnant toutefois, même remarque avec le Hippy Hippy Shake des Swinging Blue Jeans Les Beatles offriront quelques compositions à de tels groupes, comme les stones d'ailleurs offrent aussi plusieurs de leurs tout premiers essais à d'autres artistes C'est une époque aussi marquée par Frankie Valli and the Four seasons C'est l'époque du Surfin' Bird des Trashmen, en réalité un plagiat pas trop bien avoué, mais le titre figure sur un album instrumental de bonne facture Un titre GTO fleurit aussi à ce moment-là avec son cachet kitsch qui revivra fin des années 70 Un rock âpre parmi mille autres influences déterminantes du rock anglais vibre bien en Ampérique, avec la Louie Louie mania, et puis c'est l'époque où en fait de gros répondant aux Beatles, les Etats-Unis connaissent une période de son clair de guitare et plus précisément de surf music avec les Beach Boys, principal rival américain des Beatles pour l'orgueil d'une nation, les Stones n'étant pas sur le même plan, surf music où s'illustrent Jan and Dean qui ne sont pas des sous Beach Boys Il y aurait à puiser encore dans la richesse de l'Amérique, car ces richesses sont sous-représentées (folk, rhythm'n'blues, country, rockabilly, rock plus diffus, etc) sur les ondes, bien évidemment, mais là la toile de fond est donnée sur laquelle a proliféré l'impact social des groupes de la British Invasion J'ai ajouté The Ronettes et The Chrystals pour souligner l'influence de Spector à l'époque, ainsi que le classique des Shirelles

Même Ray Davie semble s'être inspiré de "Long live love" avec son "Come dancing" de 83, époque où les Kinks ne son plus l'immense groupe qu'ils ont été, mais témoignent d'une sorte de bonne santé ultime

Gene Pitney est dans la pop, mais il est proche des stones au début de l'année 64

Conflit de génération sensible dans ce tournant qu'est l'année 1964, année phare de la British Invasion
(les deux chansons des Rivingtons sont la source de Surfin' Bird)
The Fabulous Wailers, immense groupe rock du début des années soixante, reprise de Louie Louie qui a amorcé l'engouement pour cette chanson, l'engouement sera consacré par la reprise d'un groupe pourtant peu compétent The Kingsmen qui eut la chance dans sa maladresse de trouver une formule
Version originale par le compositeur
Autre titre marquant de Richard Berry
Les Rolling stones réussirent le tour de transformer Louie Louie en un titre qui sonnait différemment et qui fut le troisième numéro 1 anglais des stones pour la seule année 1965 Summer Nights avec Travolta et Newton-John présentera une autre forme de travestissement du titre Louie Louie, cette fois dans une gentille comédie musicale
Encore une fois les Beatles souffrent de la comparaison
Les Drifters, mais les membres changeaient sans arrêt, sont connus aussi pour Save the last dance for me, Sweet for my sweet (connu en français "Biche oh ma biche"), et d'autres titres encore

Passons à une série Motown à laquelle j'ai annexé Don Covay

Mick Jagger voulait sans doute récupérer quelque chose de la voix de Don Covay, et sur ce titre elle est vertigineuse
La même chanson avec la célèbre voix fragile de Diana Ross

Beatles comme Rolling stones s'inspiraient de la musique Motown, et la pop sucrée des filles n'était pas étrangère non plus à leurs goûts La production Motown offrait aussi d'excellents appuis pour développer une mélodie revisitée dans le cadre du rock ensuite, la création rock gagnant beaucoup à sortir d'elle-même Illustrations! Toutefois, je n'ai jamais vu effectué par personne les deux rapprochements suivants



Quelques groupes anglais déjà en place qui eurent un devenir


Les Hollies sont un des plus célèbres groupes anglais sixties, il y a du bon, mais je ne les mets pas parmi les plus grands Graham Nash fera partie ensuite en Amérique de Crosby, Stills, Nash and Young

On se plaît bien avec l'entraînant Glad All over, mais si le Dave Clark Five fait partie des groupes ayant eu un bon succès commercial sixties, jugez de leur faiblesse par les autres titres au moins

Passons donc à la production merseybeat qui est assez mitigée, mais qui est le début du bourgeonnement anglais avec au moins les Beatles

(plus laborieux encore que les Beatles dans le style)
(celle-là, tout le monde connaît quand même)
Celle-là je la confonds un peu parfois avec cette suivante
Un petit joyau par une moitié du groupe The Merseybeats qui se réunira d'ailleurs à nouveau pour la rejouer dans une autre version, Bowie a eu le coup de coeur pour ce titre qu'il inclut dans son album de reprises Pin ups en 1973

Début plus dans la lignée d'une British Blues, The Artwoods, groupe qui aura un relatif succès tout en restant obscur vers 65, le groupe comprend le frère aîné de Ron Wood et Jon Lord, futur Deep Purple


Mais revenons à l'esprit du merseybeat
La chanson suivante est à rapprocher pour un certain air d'apparentement de titres des Beatles All my loving ou And I love her

Enfin, en 64, si les reprises prédominent dans le répertoire des Stones Leurs deux premiers numéros 1 en sont : It's all over now de Bobby Womack and the Valentions et Little red rooster composition de Willie Dixon pour Howlin' Wolf, les premières compositions voient le jour

Splendide dans le mièvre

Les grands titres des Who en 65 Can't explain, Anyhow anyway anywhere ou My generation s'inspirent des Kinks et des stones
Et j'en ai gardé assez sous le pied, n'ayant pas parlé de certains noms, etc, pour fêter 1965, car nous n'allons pas attendre 2015 pour fêter leurs 50 ans maintenant que nous sommes en si bon chemin