Je
n’ai pas commencé ma collection par les albums des Easybeats. Un jour, j’accompagne
un ami dans ses achats et je le vois se tâter pour un ou deux CD de ce groupe.
Il se retrouve alors sous le feu croisé des conseils de deux vendeurs
réellement avisés, sauf que le premier déconseille les albums du groupe et
considère qu’une bonne compilation peut suffire, pendant que le second proteste
et dit que les albums sont très bons, que les Easybeats ont produit plusieurs
morceaux du calibre de leur classique universellement connu Friday on my mind. Deux albums sont dans
les rayons et mon ami est reparti avec. L’un s’intitulait Friday on my mind. Il contenait des titres forts, mais, s’il
semblait s’agir d’un best of, il était vrai que l’on pouvait rester sur sa
faim, bien que ce fût très bon dans l’ensemble. Sans parler d’autres titres
majeurs qui figurent à leurs places sur d’autres albums, cet album en partie de
compilation offre tout de même le titre parfait de 45 tours Friday on my mind et aussi un génialissime
Heaven and hell méconnu. L’autre
album s’intitulait Friends. Il devait
s’agir de l’œuvre finale du groupe sans aucun titre phare. L’album Friends ne s’écoute pas vraiment et
d’ailleurs, alors qu’il possédait un brillant compositeur avec Young (tantôt
assisté par Wright, tantôt par Vanda), le groupe jouait ici les compositions de
quelqu’un d’autre. Je n’ai jamais acheté l’album Friends par la suite. Mais, quand à mon tour j’ai acheté un album
des Easybeats, j’ai commencé par leur troisième album intitulé Volume 3 et j’ai découvert une superbe
suite de morceaux, notamment cette ouverture Sorry à une époque où je ne connaissais pas encore sa reprise par
Roy Loney. J’ai rapidement enchaîné avec les deux premiers albums : Easy et It’s 2 easy. Le premier est pas mal, le deuxième m’a marqué par une
fameuse accumulation de temps forts. Mon CD It’s
2 easy, en provenance de Russie, m’est arrivé tout gondolé dans la boîte
aux lettres. Puis, j’ai découvert que circulait en Australie un coffret de
l’intrégrale des Easybeats en six CD. J’ai foncé. J’ai retrouvé les trois
premiers albums avec les mêmes bonus tracks, ainsi que l’album particulier Friday on my mind dont je comprenais
bien dès lors qu’il n’était pas un best of en tant que tel. Le coffret
contenait encore le cinquième album du groupe, le chef-d’œuvre méconnu Vigil et un super album encore d’inédits
The shame just drained (previously
unreleased tracks). L’album Friends
avait été intelligemment exclu de ce qui se présentait comme The Complete Easybeats (6 CD Box Set. The
Ultimate collection). Par rapport à l’achat séparé des albums à bonus
tracks, il n’y a que deux légers changements. Les boîtiers sont plus fins et le
pressage du papier est à peine retouché. Le coffret tend à la sobriété pour
chaque CD, mais l’essentiel est dans le livret bleu qui accompagne le tout. Le
texte est sommaire, mais le scrupule est mis sur les détails qui font les
différences entre plusieurs versions d’un même titre, ce qui reste assez
sympathique.
Le
cas des Easybeats est un peu particulier. Durant leur courte carrière, ils
furent prolifiques et il existe malheurusement plusieurs déchets, plusieurs
chansons qui n’en valent guère la peine, ce qui fait que l’écoute complète d’un
album n’est pas évidente à cause des inégalités qui peuvent se faire ressentir.
Je dirais que, pour moi, le plus prenant que j’écoute parfois en boucle n’est
autre que it’s 2 easy, bonus compris.
Volume 3 et Vigil ne m’en imposent pas autant pour ce qui est de l’écoute en
boucle, bien que, selon moi, le déchet ne soit pas prégnant sur ces deux autres
opus. La présence de déchets, c’est en ce sens que l’idée de privilégier une
compilation peut se comprendre. Ceci dit, dans la quantité, il y a beaucoup de
perles et au final de très grands groupes n’ont pas vraiment produit autant de
titres géniaux que les Easybeats, et ce paradoxe fait qu’une compilation risque
de priver l’amateur de beaucoup de perles de la part du groupe. En tout cas,
trois albums sont d’une force évidente. It’s
too easy et Volume 3 sont les
chefs-d’œuvre de la période à succès du groupe, le sommet de l’époque
jouissive. Ils ne contiennent pas Friday
on my mind, mais d’autres perles. L’autre chef-d’œuvre est Vigil, un album beaucoup moins
rentre-dedans au niveau commercial, mais une œuvre ambitieuse, soignée, aux
très belles compositions, avec des participations vocales notables de la jeune
Olivia Newton-John et de Steve Marriott des Small Faces. Quel dommage que ce
soit la dernière œuvre créée par la paire de compositeurs Vanda et Young.
Le
rock semblait être l’affaire des Etats-Unis, du Royaume-Uni, et de l’Irlande
encore pour quelques individualités fortes. Une scène suédoise a fait une
certaine impression dans les années 80 et au début des années 90. Mais,
l’Australie a fini par rejoindre la force des mouvements anglais et américains
avec plusieurs formations talentueuses dès les années 70, que le succès
commercial fût ou non au rendez-vous. Or, le meilleur groupe de rock australien
a devancé cet âge d’or du pays, il s’agit des Easybeats eux-mêmes qui laissèrent
plusieurs plages exceptionnelles dans les années 60, des plages qu’aucun groupe
australien n’a égalées depuis. Les Easybeats sont un grand groupe sixties.
Au
plan des individualités, le groupe n’est pas véritablement australien. Harry
Vanda est néerlandais ainsi que le bassiste Dick Diamonde, George Young est
écossais, Stevie Wright est anglais et Gordon « Snowy » Fleet vient
de Liverpool, mais il laissera la place après le troisième album à un nouveau
batteur Tony Cahill. George Young est le frère des Young qui allaient former
AC-DC et, justement, Harry Vanda et George Young produisirent les six premiers
albums du groupe AC-DC. Evidemment, les naïfs et bourrins ne manqueront pas de
répondre qu’AC-DC est le plus grand groupe de rock australien. Avis impossible
à partager par les connaisseurs qui préfèreront les Saints, voire d’autres
formations encore qui ont autre chose à faire écouter que des voix éraillées et
du son hard rock de gros bébés, et bien sûr ils citeront surtout les Easybeats.
En
CD, notre Volume 3 contient 24
titres. Les 13 premières plages représentent l’album original et cela est suivi
de onze bonus tracks. Sur les treize titres, les perles tombent : Sorry, Funny feelin’ (intro guitare inspirée des Who, mais suite bien
inventive), Say you want me (quelque
chose de grandement Kinks), Going out of my mind (super titre avec
intro guitare s’inspirant d’un titre soul célèbre),
La
merveille absolue Sorry sera reprise
par Roy Loney sur son album Contents
under pressure, tenant compagnie à une autre reprise géniale de Heartful of soul des Yardbirds.
Difficile
de partir à la quête de titres faibles. Sûrement pas You said that, Promised
things, Today, Dance of the lovers, ni même Not in love with you, The Last day of may, My my my, voire Can’t you leave her. A la limite, What do you want babe est un titre moins intéressant pour se faire
plaisir. Peut-être que l’album se ponctue précisément par ces deux titrds les
moins percutants.
Passons
aux 11 bonus tracks. La reprise de Presley Hound
dog vient de l’album Good Friday,
lequel ne fait justement pas partie du coffret de l’intégrale des six albums
pour ceux qui suivent. Nous enchaînons avec deux versions différentes de Do you have a soul ? et Saturday night, titres sur lesquels nous
reviendrons quand nous traiterons de l’album Friday on my mind. Suit un instrumental inédit des mêmes sessions
que les deux titres précédents à l’Olympic studios My old man’s a groovy old man. C’est génial et ça se loge
impeccablement dans un coin du souvenir comme un titre marquant. Je passe sur
le medley Historeasy. Suivent cinq
titres de leurs premières sessions d’enregistrement et ça y va. Beau témoignage
avec Mean old lovin’, I’m happy, Hey babe, I don’t agree
et Keep your hands off my babe. Le
manque de rodage se sent un peu, mais aussi l’enthousiasme fébrile. Mean old lovin’ le fait bien, I’m happy sans être parfait est
appréciable dans son ambition, Hey babe
est touchant, I don’t agree est un
peu juste, Keep youir hands off my babe
a déjà beaucoup en dépit de certaines maladresses, à tel point qu’on peut
regretter que le titre n’ait pas été développé sur un album, surtout son riff
dans les couplets. Nous passons brutalement pour clore cette série de bonus
tracks à un titre de 1968 I’m just trying,
une chute du Central Sound Studio. C’est génial cette façon de poser la voix.
Mais pourquoi ce ne sont pas plutôt les musiciens d’AC-DC qui ont continué à
produire les albums du génial frère aîné ? C’est pas poh-ssible.
Remontons
encore dans le temps. Le second album It’s
2 easy comporte en principe 14 titres. Un nombre élevé de chefs-d’œuvre
s’en détachent : Women (make you
feel alright) (titre repris par les Plimsouls sur leur premier album), Come and see her (grande élaboration
musicale à climax avec cette prise de risque pour la ligne de titre répétée
avec une voix bien grave exagérée), Easy
as can be, I can see, Somethin’ wrong. Ces titres aux beautés
vertigineuses sont ceux d’un tout grand groupe. Fascination oblige !, les
Easybeats subissent alors une très nette influence des Beatles (un très bon Someway, somewhere, Then I’ll tell you godbye, la composition très courte de leur
membre liverpoolien Gordon Fleet What
about our love), on pense aux Beatles première époque forcément, mais je ne
vois pas les titres faibles. Tout le reste demeure de haute volée : Let me be, You are the light, Sad and
lonely and blue, excellente ballade rhythm’n’blues sucrée, déchirée In my book, fin d’album réussie avec le
dynamique Wedding ring, un des hits
australiens du groupe. Même le titre qui mérite une réserve a sa particularité
et n’est pas faible à proprement parler : I’ll find somebody to take your place. Pour acheter un album, il
faut que les trois quarts soient à la hauteur. Ici, tout est remarquable et il
y a cinq titres géniaux. Aucun déchet à mes yeux dans le second album des
Easybeats, ce que les marqueurs n’ont pas assez observé. Bien sûr, il y a
maintenant les 11 bonus tracks. Eh bien, ces bonsu sont géniaux. Je suis dingue
de cette balalde en marge du rock Me or
you, face B de je ne sais quel titre majeur de ce second album sorti en
single. Il y a même quelqu’un qui siffle. J’adore cette mélancolie et ce style,
ça rejoint même les cinq titres majeurs de l’album pour moi. Et je dois encore
parler de Mandy, le dernier bonus
tracks, la queue de comète du CD, carrément tripant. Ce titre des Abbey Road
sessions rejoint implacablement pour moi les titres majeurs de ce second CD. Je
suis fanatisé et je note su’il s’agit d’une composition de George Young seul.
Normalement, sur les trois premiers albums, il coécrit avec Stevie Wright,
avant la relève d’Harry Vanda. Evidemment, la version mono du single Friday on my mind n’appelle aucun
commentaire, pouisque c’est le sommet des Easybeats. Les fans des Easybeats ont
raison de ne pas vouloir limiter le groupe à ce seul titre, tant ils ont aligné
les trucs géniaux, mais quand même là c’est le chef-d’œuvre sans contredit
possible.
Parmi
les bonus, Happy is the man et Made my bed (Gonna lie in it) dans des
versions alternatives anticipent sur l’union des compositeurs Vanda et Young
pour le quatrième album. Les deux chansons sont excellentes dans tous les cas.
Un inédit très Beatles apparaît aussi : How you doing now. Toujours pas de temps faible. Le titre All gone boy (Million dollar baby)
provient du Good friday album. J’ai
oublié ce qu’il était, sans doute une œuvre australienne à part. Le titre est
par endroits suffisamment rehaussé que pour ne toujours pas être faible.
Enfin,
en bonus, nous avons droit aux quatre titres d’un EP. Too much est un peu gentil pour rester mémorable, il est tout de
même bien torché. I’ll make you happy
relève le niveau. Son amorce vocale fait songer à l’un des rares succès de
Billie Davis. Il s’agit encore d’un très bon morceau entraînant. Les Easybeats
s’abandonnet au plaisir, peu importe comment ils seront perçus. De toute façon,
ils seront bien difficiles encore une fois à critiquer. On comprendra qu’un
morceau des Easybeats ne se commente pas ainsi. Le titre A very special man est lui encore très bon, aisément identifiable
dans son originalité comme du Easybeats. Pour Tryin’ so hard, j’en connais qui ont mis les Kinks du début sur
leurs platines, l’intro… Encore un bon titre. Victoire totale des Easybeats,
ils ont réussi l’album sans la moindre rogne qui s’attend au coin du tour. 25
titres et pas un déchet, comme le veut la légende, et ça swingue. Peut-être que
certains n’aimeront pas ce swing, cette façon de tout contrôler dans des
morceaux qui poussent au vertige. Pourtant, c’est le plus grand groupe de rock
australien, le seul à aligner les chefs-d’œuvre. Moi, ce second album
m’enthousiasme.
La
prochaine fois, je traiterai des deux albums où il y a effectivement de bonnes
inégalités et donc des compositions plus faibles, le premier et le quatrième.
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