J’ai
encore de nombreux albums à commenter de Funkadelic,
de Parliament, voire de George
Clinton, de Bootsy Collins, d’Eddie Hazel et aussi des Parliaments. Le CD des titres du premier groupe The Parliaments est quelque peu un
collector pour ne rien de la magie d’Osmium,
premier album de Parliament qui est
en réalité entre Funkadelic et Free your mind le deuxième opus de la
formation Funkadelic dans son âge
d’or. Funladelic, Osmium, Free your mind, Maggot brain,
le live de 71 sorti bien plus tard, c’est la quintessence musicale de
l’univers. Suivront pourtant d’autres sommets America eats its young, Cosmic
slop et Standing on the verge,
d’autres pépites tantôt sous le nom de Funkadelic, tantôt sous le nom de Parliament,
parfois même sous le nom de George Clinton. L’intérêt de faire une rubrique
pour chaque opus, c’est qu’on peut se rendre dans les grands commerces de CD et
découvrir l’absence totale de ces noms sur les étalages funk-soul, même
fournis.
Le
nom Funkadelic est une manière de
concentrer en un seul mot les mots funk, psychedelic et éventuellement la
syllabe « del » qui, paraît-il, semblait revenir au jugement du
groupe dans maints groupes soul de l’époque. Il ne manque plus que l’allusion à
Jimi Hendrix pour avoir une idée de leur musique. Précisons d’ailleurs qu’il
s’agit d’une formation de la ville de Detroit, la ville de la Motown, mais
aussi d’un certain rock endiablé (Stooges
et MC5). Le nom a connu de légères
retouches au départ de The
Funkedelics à Funkadelic. La
formation sixties de Clinton The
Parliaments touchait à sa fin avec l’arrivée de nouveaux musiciens, à
commencer par le prodigieux guitariste Eddie Hazel. Le groupe changea
de look, se défonça par les drogues et explora la folie du rock lourd et
des improvisations guitaristiques, ainsi que la dynamique funk. Le choc de l’habillement,
de la coiffure allait être poussé loin. En revanche, à côté de sa sublime
musique, le groupe ne trouve guère le moyen que de déverser les obscénités
potaches à foison. En 68, suite à un conflit opposant George Clinton à sa
maison de disques, les Parliaments cèdent la place au groupe Funkadelic qui est
signé par Westbound Records. En 69, sortent enfin des 45 tours du groupe sous
son nom nouveau, les excellents Music for
my mother et I’ll bet you. Ce
dernier titre, adaptation d’un plus ancien des Parliaments, sera repris par les
Jackson five. Etrangement, un peu
après, George Clinton a souhaité lancer en parallèle un autre groupe du
nom de Parliament. La distinction
musicale entre les deux formations est réelle, mais assez subtile à définir,
bien que Clinton l’ait résumée ainsi : les guitares en avant dans Funkadelic, les voix dans Parliament. Les choses furent
inévitablement plus compliquées.
L’enregistrement
du premier album au simple nom du groupe n’est pas allé sans difficultés. La
section rythmique a même eu tendance à lâcher Clinton qui dut alors faire appel
à d’autres musiciens parmi lesquels des musiciens de session de la Motown et
surtout l’organiste Berni Worrel qui deviendra un pilier du groupe par la
suite. Bernie Worrell et Eddie Hazel, deux pierres angulaires du Funkadelic, tous deux bien présents sur
le premier opus. L’album n’est pas parfait. Les morceaux longs sont d’une
qualité inégale. Le génie devient forcément latent, tant le groupe privilégie
les engourdissements répétitifs. Ceci dit, les perles s’accumulent tout de
même. Il n’y a pas véritablement de temps faible pour autant. L’album s’ouvre
sur un titre de Clinton tout à fait original Mommy what’s a funkadelic. Un texte parlé obscène, agressif dans
son discours, sensuel dans la voix, lance la chanson de près de dix minutes. Le
titre est très blues et joue de répétitions envoûtantes, rythmées, avec de
l’harmonica, de la distorsion. La rythmique propulse en avant un chant parlé
avec quantité de bruits de bouche, de phrases décalées. Suivent des versions
nouvelles des deux singles I’ll bet you
et Music for my mother. Début d’une
longue série de mots d’ordre aux faux airs de second degré, James Brown est
parodié : « I’m funk and I’m proud ». La guitare d’Eddie Hazel
tend à s’affirmer sur ce dernier morceau avec ses chœurs obsessionnels
indianisants. Les notes de guitare à la fin du titre donnent le frisson. I’ll bet you semble toutefois plus
marquant dans la composition d’ensemble. Le quatrième titre ne dure que quatre
minutes et atteint des sommets : I
got a thing, you got a thing, everybody’s got a thing. C’est une superposition
de merveilles, la guitare courts, les harmoniques sont démentes. Bien que le
début de l’album soit de haute volée, le quatrième titre dépasse les trois
précédents sans aucune espèce de doute à mes oreilles. C’est déjà Osmium. Les chœurs, la rythmique,
l’orgue, la guitare jusqu’à sa distorsion finale terrifiante, les ralentis, les
accélérations, et ce petit bruit chatouillant très particulier qui marque
parfois le rythme, c’est le génie. Ce titre devint inévitablement le troisième
45 tours du groupe, il sortit au cours de l’année 1970. Un titre soul des
Parliaments Good old music est
ensuite revisité en rock funk psyché, pour le meilleur. Le titre s’étend alors
sur huit minutes entre virages soul et virages psychés, parfois brusquement
hendrixiens. Un blues lourd et rock avec envolées guitaristiques suit : Qualify and testify. La rythmique de
plomb fait songer à Mannish boy de
Muddy Waters, et on constate que les motifs mélodiques les plus réussis des
accompagnements de certains rocks lourds sont extraits du mauvais encadrement
heavy ou hard rock pour s’écouler dans du bon blues, avec en prime un orgue qui
défie Jon Lord. Jimi Hendrix n’est pas loin dans le jeu d’Hazel. Certains
diront qu’il faut exiger l’original. Quand même ! Le septième et dernier
titre commence par un discours d’extraterrestres dans les chuintements
électroniques et circulations atmosphériques. Il s’agit de What is soul avec sa superbe introduction guitaristique qui
enchaîne, quelques voix en fond sonore. Le titre se poursuit toutefois par un
chant parlé cumulant des discours idiots maladroites aux rires stupides, ce qui
en brise la dynamique. Le rythme se tient pourtant, l’ambiance se crée. Le jeu
redevient bon quand les paroles creuses se retirent. L’harmonica qu’on peut
dire blues et stonien se met de la partie pour le meilleur. L’harmonica n’est
pas l’un des moindres charmes de cet album.
Le
CD contient plusieurs bonus. La chanson Can’t
shake it loose est une reprise d’une ancienne composition de Clinton jouée
par d’autres (Pat Lewis) : elle a déjà été interprétée par Diana Roos and
the Supremes sur l’album Love child.
Il s’agit d’une chanson au nom des Funkedelics demeurée inédite jusqu’en 1992.
George Clinton donne ainsi l’impression d’avoir piqué aux Supremes sa propre
composition. Suivent les versions singles de I’ll bet you et Music for my
mother. On enchaîne avec un autre inédit des Funkedelics paru en
1992 : As good as I can feel,
titre donc de 69 en réalité. Bons témoins de l’évolution rapide du groupe que
ces deux titres des Funkedelics, l’un très soul tourné vers les Parliaments
sixties, l’autre d’une grande finesse, un instrumental, mais soigné et
classieux dans sa richesse élégante, avec surtout un son clair, pas de stupre
sonore. Le 45 tours I’ll bet you a eu
deux faces B possibles : ou bien le blues Qualify and satisfy de l’album, ou bien le titre Open our eyes ici livré juste avant la
version 45 tours de Qualify and satisfy.
Open our eyes, un titre de crooner,
avec la guitare au loin qui semble dire que Funkadelic est bien là à piaffer en
coulisses dans la magique ambiance du recueillement soul-gospel. Les gens qui
se tiennent bien s’y retrouvent. Qui va donner l’alerte, avec les signes inquiétants
à la fin du morceau ? Une version instrumentale en 45 de Music for my mother est donnée en
dernier bonus. Le titre revient donc trois fois sur le CD. C’est toujours
l’inconvénient des versions alternatives en bonus sur un CD, mais il fallait
bien sauver tous ces chefs-d’œuvre.
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