Etant donné la quantité d’albums à référencer entre The Parliaments, Parliament et Funkadelic, autant que je ne perde pas de temps et que je m’y mette tout de suite. J’aurais pu commencer par la compilation CD sixties du premier groupe The Parliaments, véritable rareté, mais je vais la faire attendre. J’aurais pu commencer par maquer le coup avec le magistral Osmium d’une première mouture de Parliament qui correspond plus au groupe Funkadelic. Enfin, j’aurais pu commencer par citer un album de Funkadelic, je n’avais que l’embarras du choix. J’ai décidé de commencer par Up for the down stroke, second album de Parliament, mais le premier dans sa mouture définitive si on peut dire. Les albums de Parliament correspondent, Osmium à part, à une période d’activité plus tardive d’une partie des musiciens et en tout cas du leader George Clinton. En effet, la mouture Parliament décisive apparaît donc en 1975, au moment même où s’entame le déclin pour Clinton. Après autant d’albums à se rouler par terre, Osmium, Funkadelic, Free your mind and your ass will follow, Maggot brain, America eats its young, le single Cosmic slop voire quand même l’album homonyme, George Clinton a profité d’un retour en forme d’Eddie Hazel pour livrer un éblouissant Standing on the verge of getting it on. Ni Parliament ni Funkadelic ne retrouveront un tel niveau, et pourtant des albums magistraux sont encore à venir : Up for the down stroke (Parliament), Let’s take it to the stage (Funkadelic), Mothership connection (Parliament), Hardcore Jollies (Funkadelic), Motor booty affair (Parliament), One nation under a groove (Funkadelic), et on pourrait ajouter quelques autres comme Uncle Jam (Funkadelic en 79) et Funkentelechy VS The Placebo Syndrome qui valut un single numéro 1 à Parliament en 77 : Flashlight. J’ai acheté également les albums de raretés de Funkadelic, leur dernier album en 81, et les divers albums de Parliament jusqu’en 79, ce qui inclut Chocolate City, The Clones of Dr Funkenstein, Live/P.Funk Earth Tour et Gloryhallastoopid. En dix-onze ans, c’est énorme comme quantité.
Up for the down stroke inaugure la bipartition en deux groupes distincts de l’entreprise musicale de George Clinton, en reprenant le nom initial de Funkadelic qui était une forme impersonnel au singulier du premier groupe sixties The Parliaments. Cela va permettre à Clinton d’explorer d’autres ambiances musicales, mais aussi de voir tourner le sens du vent. Le groupe Funkadelic jouait un funk-rock, plus rarement suivi par la population noire-américaine que par la population blanche. Or, Parliament va intéresser une population, moins sensible au rock, mais beaucoup à la soul, à la disco et aux tendances jazzy, ce qui va avoir une incidence sur les choix musicaux pour les concerts qui présentaient les deux groupes en même temps. Le succès de Parliament va être sensible également, tandis que la veine rock est forcément entravée par la perte inestimable d’Eddie Hazel. La drogue et la prison l’ont écarté du groupe et il n’y reviendra jamais au premier plan. La relève est assurée par un virtuose lui aussi recruté à dix-sept ans Michael Hampton, mais le génie n’est pas le même, qui plus est en fait de contribution aux compositions. Eddie Hazel participe ainsi un peu en retrait aux enregistrements des deux groupes et aux concerts par la suite. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais là il est temps de présenter Up for the down stroke, album qui a encore l’intérêt de préparer la voie à une production musicale moins sulfureuse, moins effrayante de la part d’un Clinton qui restera tout de même redoutablement subversif et marbré. Il est habillé en gladiateur à cape rouge sur la pochette et s’est entouré de trois présences féminines en transe qui chacune font songer différemment à un rituel de la fécondité ou de la jeune femme promise en mariage, sans que la pudeur ne soit à l’ordre du jour.
L’album est composé de 8 titres. La réédition CD contient trois bonus tracks, deux « alternate mix » des deux premiers titres et un inédit Singing another song. Des cuivres apparaissent, mais aussi pour la première fois dans notre double formation funk une boîte à rythme. On note que plusieurs titres des Parliaments sont retravaillés en fonction d’une nouvelle carrosserie de funk dansante, lascive et addictive : Testify (le classique des Parliaments qui a dû inspiré le cri de ralliement des MC5 de la même ville de Detroit), The Goose et All your goodies are gone. Sur le précédent album de Funkadelic Standing on the verge of getting it on, I’ll stay était déjà une réécriture du titre I’ll wait des Parliaments et un autre titre du groupe sixties, l’excellent gospel Baby I owe you something good, sera réenregistré sur le suivant Funkadelic Let’s take it to the stage. Ceci aide à comprendre le caractère tout de même ambitieux de l’album Up for the down stroke. Repompons dans les phrases suivantes quelques remarques d’un article paru dans Dig it numéro 42. Le synthé joue un rôle important, les voix sont envoûtantes (Presence of a brain) et le titre dansant éponyme qui ouvre l’album Up for the down stroke sera l’un de leurs plus grands succès. La guitare revient sur un titre cosigné Hazel Whatever makes my baby feel good. Tout cet éclectisme nous vaut un top ten.
Enfin, j’en arrive au titre qui m’a imposé l’idée de commencer ma revue « collector’s » des albums Parliament – Funkadelic, je suis complètement pris par la chanson originale de Peter Chase. Il semble avoir offert un titre incroyable au groupe et je n’ai pas encore cerné qui il était. J’ai constaté qu’un Peter Chase réalisait des musiques de film, mais je n’en sais pas trop pour l’instant. Je cite l’article Dig it, en laissant bien sûr penser que la protestation féminine dont il fait part est pire qu’incongrue.
L’ensemble est beaucoup moins éclectique que tout ce qu’ils ont fait jusqu’alors, si l’on excepte l’étrange perle psychédélico-orchestrale « Just got back… », signée Peter Chase, qui intervient en personne en poussant des sifflotements enjoués… Attendez, y’a ma copine Nathalie qui me parle : « Hé, ce morceau, il est chiant… » Euh, bon d’accord…
Je n’aurais jamais pu penser qu’une oreille quelconque s’ennuierait à l’écoute d’un tel morceau. Aimer ou ne pas aimer, c’est autre chose. L’insulte laisse amer, elle a du mal à passer. Tant pis ! En tout cas, c’est maladroit de parler de sifflotements. En fait, une mélodie très élaborée, suave et chargée de profondeur est longuement sifflée sans l’aide d’aucun instrument. Un sifflet pareil, je n’avais jamais entendu ça de ma vie. Le morceau laisse l’impression d’avoir déjà entendu, de surgir de la mémoire de l’enfance parmi des sortes de référence classique, ce qui, dans mon cas, reste improbable, mais j’ai cette sensation-là, car inévitablement il y a une force intemporelle du brio, un aboutissement de quelque chose d’unique. Mais, comme ce journaliste avec sa copine, je n’ai encore jamais convaincu qui que ce soit au monde de l’intérêt immense de ce morceau. J’avais acheté l’album bien avant de lire cet article et je me sens moins seul tout de même. Je ne comprends pas tout au monde d’humains dans lequel on m’a plongé. Je ne comprends pas tout.
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