jeudi 30 juin 2011

16. Don Covay : Mercy + See-saw (two LP’s on one CD)/ The Platinum collection


Ceci n'est pas la bonne version de "Come see about me", c'est dingue la poisse!

A bas prix, on peut trouver une bonne compilation de Don Covay intitulée The Platinum collection, elle compte 22 plages de trois albums différents, 7 titres sur les 12 du premier album de 65 Mercy, 10 sur les 11 du second de 66 See-saw et 5 du troisième de 69 qui, dans mon souvenir, doit s’intituler Country funk. Une différence saute aux yeux. En plus du changement de style, trois des cinq titres de 69 ne sont pas des compositions de Don Covay. En revanche, les deux premiers albums ont une unité et une classe rhythm’n’blues sublime. Justement, plus difficile d’accès, les deux premiers albums de Don Covay ont connu une réédition sur un seul CD.
Don Covay n’est pas n’importe quel compositeur. Son célèbre Mercy, mercy a été repris peu après sa sortie par les Rolling stones, sur l’album même qui contient Satisfaction : Out of our heads. Le titre s’impose avec suffisamment de force que pour rendre curieux de l’œuvre de Covay. Aretha Franklin a repris les titres See-saw et Chain of fools, Chubby Checker a hérité du titre Pony time, Gladys Knight and the Pips a interprété Letter full of tears, Solomon Burke, autre référence bien présente sur Out of ou heads des Stones, a repris You’re good for me, Jerry Butler s’est intéressé à You can run (but you can’t hide) et Gene Chandler à You threw a lucky punch, le majeur Wilson Pickett a interprété Three time loser, Tommy Tucker Long tall shorty, Etta James Watch dog, Hank Ballard & the Midnighters The Continental walk et Steppenwolf Sookie sookie. Don Covay a même offert un titre à son idole Little Richard I don’t know what you’ve got but it’s got me. Enfin, l’influence a dû être réelle sur Mick Jagger qui semble s’inspirer à quelques reprises des phrases de sermon, des onomatopées au second degré et des phrases à voix forcée en marge du chant qui sont autant de petites caractéristiques de l’art de Don Covay.
En 1957, à 19 ans, Don Covay qui n’avait alors d’expérience musicale qu’au plan de l’Eglise a la révélation de Little Richard. De 57 à 64, nous avons droit à quelques titres épars composés par lui dont Believe it or not, Pony time, The Popeye waddle. Mais, à la fin de l’année 64, le titre Mercy, mercy atteint la 35ème position au Billboard. La face B serait le titre Can’t stay away. Avec son titre religieux, Mercy, mercy est un formidable rhythm ‘n’blues poignant qui révèle une voix grave et chaude, fine en mimiques. A l’évidence, le suivant hit Take this hurt off me exploite les points forts de Mercy, mercy. Les deux morceaux se ressemblent fortement, si ce n’est que l’un est coécrit avec le pianiste Ott et l’autre avec le guitariste Miller du groupe de Don Covay. Un premier album doit enfin suivre. Le second sera sous le nom de Don Covay, le premier l’est sous le nom de Don Covay & the Goodtimers. Un groupe anglais sixties tout à fait secondaire s’en inspirera : Don and the Goodtimes. Les deux succès récents ouvrent les deux faces du 33 tours, Mercy, mercy la face A et Take this hurt off me la face B. Ces deux titres sont présents sur la compilation The Platinum collection. Toutefois, celle-ci ne reprend que sept titres sur les douze que contenait le premier album. Parmi les cinq titres qui passent à l’as, il est des perles précieuses. Voici comment le livret du CD réunissant les deux premiers albums parlent justement des autres plages de Mercy !:

Alongside the two hits were more terrific originals, including the insistent « I’ll be satisfied » and « Can’t fight it baby, » a chunky « Daddy Loves Baby, » and the clever workout « Come on in » […] « You’re good for me » (previously cut by Don for Landa) and « Come see about me » (a holdover from his Columbia days) were splendidly revived, and remakes of the Impressions’ then-current hit « You must believe me, » a blues-tinged « Please don’t let me know, » and Lloyd Price’s’57 hit « Just because » rounded out the album.

Les 9 autres titres sont conscienscieusement cités, après la face B Can’t stay away et les deux hits. La compilation a éliminé la reprise de Lloyd Price, un grand ami de Little Richard, mais dans un esprit beaucoup moins rock, plutôt langoureux de roulades amoureuses. Lloyd Price a un succès bien connu avec Personality et Little Richard a repris son Send me some lovin’. Le Just because interprété par Covay est vraiment dans la note de Lloyd Price et donne une note complémentaire, une coloration autre à l’album Mercy ! En revanche, le titre sonore You must believe me (mal transcrit sur Mercy ! « You must believe in me ») est une composition de Curtis Mayfield qui figure sur la compilation. Je possède les premiers albums de Curtis Mayfield qui parurent bien après 1965 (Curtis, Roots et Superfly), mais je me rends compte que je connais mal ce qu’il a fait auparavant. Le morceau au rythme rapide et joyeux Come on in n’est pas oublié et figure en bonne place, troisième plage sur notre compilation. Ceci dit, les autres titres de Mercy ! sont reportés ensuite beaucoup plus loin : 13. Come see about me, 14. You’re good for me et 18. I’ll be satisfied. Tous les trois sont excellents. You’re good for me est un classique rhythm’n’blues d’état de grâce porté par une voix exprimant avec puissance sa gratitude. Je ne peux m’empêcher de citer cette phrase hautement significative de la volupté religieuse et musicale du morceau aux onomatopées triomphales : « Like the sugar is good for the tea, you’re good for me ». I’ll be satisfied, très soigné et significativement coécrit avec le guitariste, a quelque chose à voir avec le rythme de Mercy, mercy, mais sous une forme décalée, plus carrée, plus serrée par le martèlement à la batterie. Quant à Come see about me, c’est mon coup de cœur. Je suis fanatisé par son intro guitare, sa mélodie et la façon saisissante dont la voix est posé tout au long du début de la chanson. C’est le frisson et je repère très vite l’arrivée du titre sur l’album ou sur la compilation. C’est une chanson qui fait de l’effet sur l’âme, qui noie complètement dans l’émotion qu’elle procure, juste que l’émotion n’est pas également répartie. Le début donne le frisson, mais la chanson ne se maintient pas en permanence et ne finit pas sur le frisson initial. Mais, peu importe. Evidemment, j’affectionne aussi pas mal, mais pas avec la même intensité, la chanson Cant fight it baby qui lui ressemble quelque peu par certains côtés. Or, ce titre est cette fois absent de la compilation, tout comme Can’t stay away, Please don’t let me know ou Daddy loves baby, nouvelle variante de Mercy, mercy.
La compilation a toutefois retenu la quasi intégralité du second album. Le seul titre retiré est Everything gonna be everything, rythme toujours typique de Don Covay, chant idem, mais avec des tintements cristallins et une voix d’arrière-plan qui pousse quelques phrases avec les tripes à la Otis Redding, si ceci arrive à donner une idée du morceau.
Le chef-d’œuvre est bien sûr le nouveau hit livré en ouverture de la face, le titre qui donne son nom à l’album See-saw. La chanson The Boomerang a peut-être eu l’ambition d’imposer une nouvelle danse. Le titre Fat man est remarquable, c’est un hommage à Fats Domino, évident par le titre et prenant par la musique rythmée à souhait, digne de Fats Domino, avec cuivres, percussions fouet, petites phrases succulentes « [I do it] like that », notes libres de guitare aux airs désaccordés, etc. Un morceau qui bouge. Precious you revient à une soul plus larmoyante, mais avec en correctif l’âpreté sonore de la voix grave de Covay qui hachure le lyrisme tendre. Le titre Iron out the rough spots est une grande réussite orchestrale composée par Booker T. Jones, Steve Cropper et Dave Porter. Les percussions sotn remarquables et les notes lancinantes de la criarde trompette. Please do something est une réécriture de You must believe me tirée vers Mercy, mercy ou le style Covay. Vient alors avec son piano délicat et ses gentils chœurs la face B de See-saw : I never get enough of your love. On peut préférer les racines plus profondes du suivant The Usual place avec le son particulier de la guitare, ses nappes d’orgue, puis cet arrêt et reprise du chant d’un Covay charismatique. Don Covay n’a pas peur d’imiter une voix féminine éprise et il le montre encore une fois sur le blues lent de A woman’s love. Puis, c’est le rentre-dedans Sookie Sookie qui amène sa touche rock avec une série de superbes effets qui ont inspiré Mitch Ryder. Le second album se refermait sur Mercy, mercy. Le CDF a évité de présenter deux fois le même morceau, mais si on écoute le CD en boucle, Mercy, mercy sera à la fois le premier titre du premier album et le dernier du second. La carrière de Don Covay ne s’est pas arrêtée à ces deux albums, mais ce sont les deux chefs-d’œuvre. Je ne possède pas encore l’album de 1969, mais la compilation en présent cinq titres : Sweet Pea (Covay), Everything I do goin’ be funky (Toussaint), Mad Dog Blues (Covay-Richardson), But I forgive you (Whittaker), Key to the highway (Broonzy-Segar). Je ne les présente pas car il n’est pas toujours facile d’inventer une formule définitoire alléchante, mais cela reste musicalement remarquable.

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