vendredi 17 juin 2011

5 & 6. Bryan MacLean : ifyoubelievein / Candy’s Waltz

Je n’ai pas répété « Attention chef-d’œuvre » pour Betty Davis, il m’a suffi de préciser qu’elle est une figure majeure du funk. Je ne le répéterai pas non plus pour Bryan MacLean, mais il me faut d’une façon ou d’une autre exprimer que nous avons affaire là à une musique qui bouscule d’émotions le mélomane. Voici la manière dont l’album ifyoubelievein est présenté dans une publicité d’actualité pour le catalogue Sundazed : « tout un album de démos acoustiques inédites de l’autre compositeur/guitariste de Love ; splendide exemple de ce que le psyché-pop californien a donné de meilleur. » Splendide, le mot est lâché.



Les enregistrements des CD ifyoubelievein et Candy’s Waltz sont certainement deux des plus grands trésors de tout ce qui a pu faire un jour naufrage dans l’histoire du rock’n’roll. Bryan MacLean était un compositeur génial, mais il ne laissa que quatre titres qu’il parsema sur les trois premiers albums de Love. Ce qui est incroyable, c’est que ces quatre chansons rivalisent avec les compositions déjà sensationnelles d’Arthur Lee : Softly to me sur l’album éponyme, Orange skies sur Da Capo et surtout le couple Alone again or et Old man sur Love forever changes. Génie prolifique et autoritaire, Arthur Lee a laissé trop peu de place à Bryan MacLean. Les 16 plages de ifyoubelievein furent pourtant toutes composées dans le but de les faire jouer par le groupe Love et elles laissent deviner qu’en un tour de main deux albums supplémentaires auraient pu être enregistrés. Arthur Lee et Bryan MacLean sont l’un des plus grands couples de compositeurs dans un groupe de rock’n’roll, et l’histoire n’aurait pratiquement retenu que le leader charismatique du groupe, n’était le culte voué au titre d’ouverture de Love forever changes. De 17 à 21 ans, Bryan composa l’une des œuvres les plus fortes du rock’n’roll, mais l’essentiel resta sur le côté et ne fut édité que trente ans plus tard (97, puis 2000), paradoxalement au moment où Bryan MacLean s’éteignit brusquement (98).
Plonger dans ifyoubelievein, c’est découvrir quantité de perles. Bryan MacLean, grâce à sa mère et son père, avait une écoute musicale élargie : musique classique, jazz, musique Appalache et flamenco. A 10 ou 11 ans, Bryan MacLean a été auditionné et s’est retrouvé parmi d’autres enfants à chanter dans le film An affair to remember dont Cary Grant et Deborah Kerr étaient les acteurs principaux. A 12 ans, sa mère se laisse séduire par le flamenco qu’elle apprend à danser. La brève initiation guitaristique de Bryan profitera plus tard à son joyau Alone again or. A 17 ans, Bryan est repéré par David Crosby et il devient road manager des Byrds. Fasciné par le break à la guitare de MacGuinn sur le titre The Bells of Rhymney, le jeune et précoce Bryan compose le fabuleux Orange skies qui figurera sur le second album de Love ultérieurement. Les Byrds étant partis en tournée en Europe, Bryan fascine alors Arthur Lee, leader d’un groupe rebaptisé Love. Le gentil Bryan fait contraste dans un groupe de mauvais garnements (plusieurs feront de la prison finalement). Mais, sur le plan musical, deux génies se rencontrent et l’ouverture musicale de Bryan (flamenco, Broadway) a inévitablement influé sur les ambitions de compositeur d’Arthur Lee, ce qui est très net sur Da Capo et Lovez forever changes. Bryan devient membre du groupe et à la fin de l’année 1966 il a déjà composé neuf des titres de ifyoubelievein. La sensibilité romantique et la sensualité hispanisante sont évidentes. Parfois, le chanteur n’a plus besoin de mots dans ses mélodies vocales. Pas encore pris par la foi, il est déjà dans la communion. C’est à travers ces enregistrements qu’Arthur Lee découvrait l’œuvre de Bryan, avant que quatre titres ne soient transformés en titres du groupe Love. Bryan a déjà composé Orange skies sous l’influence de MacGuinn des Byrds. Arthur Lee moqua inévitablement les paroles des chansons de son trop gentil compère de génie : « Why are you always writing about cnadfy, cake and carnivals ? » MacLean a aussi composé le titre à la fois jazz et flamenco Kathleen (« a fragile song of loss ») demeuré inédit et pourtant splendide. Comme le Martha my dear de MacCartney qui fit frémir Lennon, il s’agit d’une chanson sur son chien de compagnie. Il aligne encore la ballade extasiée Fresh hope et cet autre titre qui en est le prolongement hispanisant aigu Strong commitment, et encore des perles telles que Tired of sitting, Blues singer et People, ainsi que le plus feutré She looks good et il inscrit déjà le fabuleux Old man bientôt repris sur le troisième opus du groupe. La version acoustique de 66 ponctue de manière éblouissante la première compilation de l’autre guitariste/compositeur de Love. Je ne peux par ailleurs que citer des extraits du livret pour appuer mes dires sur la qualité artistique de ce qui nous est livré :

By the end of 1966, MacLean had also written and put on tape [with Orange skies] eight of the numbers on ifyoubelievein, including the jazzy, flamenco-flavored « Kathleen », a ballad of sweet, almost childish optimism called « Fresh Hope », the nutty but endearing juvenilia « People » […] and the ravishing « Old Man » - a prodigiously complex song (given the author’s age and experience) with a strange, hypnotic combo of limpid melodic calm and gently jarring, leapfrog-chord progressions. Heard here, in a 1966 demo, « Old Man », already sounds perfect and fully-formed, lacking olny David Angel’s wonderful string arrangement on Forever Changes. […] Blues singer […] was a simple, breezy gem […].

On remarquera que nous n’avons pas d’enregistrement acoustique du titre de Love, Softly to me. En revanche, une nouvelle perle apparaît en 1967, le titre remarquable Barber John choisi pour ouvrir la compilation ifyoubelievein. C’est la fin des enregistrements contemporains du groupe Love. Même s’il est question de compositions plus anciennes, les autres enregistrements qui nous sont parvenus datent de 72 ou 82 sur ifyoubelievein et 71, 82, 76-77, 80, 83, 84 sur Candy’s Waltz. Ainsi, les deux versions de Alone again or sur ifyoubelievein ont été enregistrées en 72 et 82. Une seconde version d’Orange skies de 82 est elle aussi incluse dans la compilation. Le titre qui donne son nom à la compilation (If you believe in) et deux autres Claudia et l’encore surprenant Friday’s party sont eux aussi enregistrés en 82.
En réalité, après trois albums avec Love, Bryan quitte le groupe, mais échoue à deux reprises à monter un projet d’album en solo. En 70-71, il renonce à une carrière musicale et se laisse bouleverser par la foi. Il continuera pourtant de jouer ses compositions à l’occasion et certaines ont été conservées sur cassette. La compilation Candy’s Waltz récupère ainsi de précieux enregistrements à New York en 1971, deux autres du Nouvel An de l’année 77. Bryan a également composé un titre country à succès pour Patty Loveless, Don’t toss us away,  mais il n’apparaît pas sur Candy’s Waltz. Enfin, au début des années 80, Bryan a formé un groupe The Bryan MacLean 1981-1982 qui inclut rien moins que Charles Connor, jadis batteur pour Little Richard ! Cinq prises figurent donc sur ifyoubelievein et plusieurs autres sur Candy’s Waltz. C’est la soeur et surtout la mère de Bryan MacLean, Maria et Elisabeth McKee qui ont sauvé tout cela.
La compilation Candy’s Waltz nous plonge dans une série de titres plus rares, pas une seule des quatre compositions de Love. Cette dernière compilation a le mérite de préciser et les dates de composition et les dates d’enregistrement des morceaux, avec une anomalie pour la reprise live de Kathleen le nouvel An 77, puisque la composition de 66 devient une création de 69. Cette nuit de passage de l’année 76 à 77, Bryan a joué en live le titre Kathleen déjà remarqué sur la compilation ifyoubelievein et le nouveau titre Candy’s Waltz qui donne son nom à la seconde compilation. Candy’s Waltz est même le seul titre à avoir deux versions sur cette compilation. Le titre Claudia qui apparaissait déjà sur ifyoubelievein est présenté toutefois lui aussi dans une seconde version sur cette nouvelle fournée.
Les 14 titres distincts sur les 16 plages de ifyoubelievein sont présentés par Bryan lui-même comme autant de compositions de son époque avec Love (anomalie donc pour deux titres Kathleen et Claudia datés de 69 sur la nouvelle compilation). D’après le détail, voici les autres créations de l’époque Love de la nouvelle compilation : I can’t remember (écrit en 66 et enregistré en 71), Special joy, Love will be here, Claudine’s samba (écrits en 67 et enregistrés en 82), Castle Waltz (écrit en 66 et enregistré en 82), Always I wanted (écrit en 68 et enregistré en 82). A part Claudia et Kathleen, quelques titres présentés comme écrits en 69 et enregistrés à New York en 71 : Most of us, Hip-hip hooray, Husband and father, If this is love. Le titre Candy’s Waltz aurait été créé en 1970 seulement, avedc une version en 71 et une autre le premier de l’an en 77. Deux titres de 77 résument le moment où Bryan fut près de se marier. La chanson Darlin’ écrite pour sa promise cède la place au dépassement de la rupture avec We’ll be together again, les prises étant de 84. Bryan a composé et enregistré en 80 la chanson Soon. Il compose encore deux titres en 81, l’un You could be here enregistré en 83, l’autre Love in the end enregistré en 84. Voilà qui donne une idée de l’échelonnement dans le temps des compositions. La seconde compilation se ponctue par une interview de Bryan MacLean le 13 janvier 1998 suite à la réalisation de la première formidable compilation ifyoubelievein, mais l’année même du décès de l’artiste (25 décembre 98, jour de Noël).
Cette seconde compilation plus intime contient des textes d’une ancienne amie sixties de Bryan Pamela Des Barres, d’un membre du groupe de 81-82 Robert Leslie Dean et un autre encore, final, cosigné par la mère et la sœur.
On ne peut que revenir sur l’inlassable splendeur de Alone again or pour terminer en citant les extraits de livret qui suggère la confrontation à la performance du groupe Love :

« What you’re actually hearing on the record, » MacLean points out, « isn’t the melody. You hear Arthur’s harmony, the third, sort of drone-y harmony. No one has actually heard how pretty that melody actually is. It’s a much nicer melody than you think. But he did not have the confidence that my voice was strong enough to carry the song » With the two MacLean solo versions of « Alone again or » on ifyoubelievein, you can decide for yourself whether Lee was right – or wrong.
But MacLean did bring his love and understanding of classical music to hear, with sumptuous success, to the orchestral setting of « Alone again or ». In discussions with string arranger David Angel, MacLean recalls, « I made reference to Rimsky-Korsakov and Capriccio Espagnol. He was one of the great orchestrators. And I said, that if you could get the baroque-like strings of Franz Josef Hayden [sic !] going on under that trumpet… I didn’t give David the actual notes. Those trumpet notes were his. But that was my contribution, blending those two concepts. And that was the happiest I ever was with anything we ever did as a band – the orchestral arrangement of that song. »

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