jeudi 2 janvier 2014

Groupes de rock majeurs que les gens les plus proches de mes goûts n'aiment pas toujours d'aussi près

Les gens les plus proches de mes goûts aiment de manière essentielle la musique sixties, ils se plongent également dans le rock des années 50, le blues, la soul, le funk, le folk, le power pop, le punk et le rock garage. En général, ils n'écoutent pas de rock progressif à l'exception de quelques groupes, ils ne s'intéressent pas au hard rock et pas tellement au rock sudiste. Leur palmarès pour les années 1980 à 2013 est très différent du discours officiel, alors que le discours officiel se reconnaît dans leurs goûts jusqu'en 1980, à l'exception du rock progressif. Les Rolling stones, les Who et les Kinks sont trois grandes références des gens qui ont mon profil. Ils aiment aussi les Beatles, mais la notoriété des Beatles est telle qu'elle touche des publics qui n'écoutent pas forcément beaucoup de musique sixties, même si cela tend à se recouper. L'intérêt pour les Kinks est aussi significatif, car beaucoup de gens qui semblent écouter la musique rock citée ci-dessus ont tendance à ne pas écouter les Kinks, à préférer retenir d'eux "You really got me" et les rock pêchus de leurs débuts, et puis passé cet hommage les compositions de la période 66-72 ne les intéressent pas du tout, ce qui est un non-sens si on dit les aimer, ce qui est aussi la marque d'une perception du rock plus liée à une rage guitaristique. En général, le fait de se détourner des Kinks est plus le fait d'un public dont le goût est à cheval entre les sixties et les seventies, dont le goût est tourné plus volontiers vers les guitar heroes, vers le hard rock, etc., et en même temps le fait d'un public demandeur d'un rock strictement cogneur.

Maintenant, des différences peuvent continuer de s'observer. Il existe différents stades de musique pop ou soul. Les groupes de filles autour de Phil Spector ou Marvin Gaye ne plairont pas à tous les fans de musique sixties qui préfèreront alors une soul plus pêchue du genre Arthur Alexander ou Geno Washington. Les groupes à orientation pop poussée comme The Zombies, Sagittarius, seront eux aussi refoulés par une partie du public pro sixties. Plus c'est doux, plus le chanteur écarte les bras, regarde le ciel et fait "ah!" avec la bouche, plus une partie du public décroche. Mais, l'opposition fondamentale reste entre ce public sixties et les publics qui ont suivi et qui étaient dans le rock progressif, le hard rock, et les tendances plus récentes.
Il me semble aussi observer qu'étrangement le groupe The Grateful Dead ne fait pas l'unanimité. Il ne va pas plaire forcément à ceux qui aiment les pièces montées pop et la soul la plus tendre, sachant que ce public écoute pour du rock bien âpre et que le Grateful Dead n'est pas une musique violente. C'est le savant désordre de la musique du Dead qui semble ne pas passer.
Personnellement, j'écoute The Grateful Dead comme j'écoute les Zombies ou Sagittarius, comme j'écoute le meilleur de la période sixties de Marvin Gaye ou une partie des titres de Stevie Wonder, malgré parfois les sons étranges qu'il peut laisser passer. Je suis à la charnière des deux tendances apparemment.


Maintenant, il y a bien quelques groupes moins souvent cités qui me marquent.
Deux références s'imposent nettement à mon esprit : Fleetwood Mac période Peter Green et Rory Gallagher.

Une recherche sur le net tend à le montrer. Google privilégie les titres de la seconde époque à succès du groupe. On tape le nom du groupe et vous avez des hits des années 70 qui surgissent. Quant au public sixties, s'il cite un album de la première période, c'est nettement le premier album très blues. Or, la formation Fleetwood Mac a deux époques distinctes, une d'inspiration blues, une autre avec une grandiloquence orchestrale pop, et cette seconde période très brève est celle d'un accomplissement guitaristique étonnant qui fait de Fleetwood Mac la réalisation de ce qu'on peut rêver de voir sur scène comme classe, créativité et virtuosité d'un leader et d'un groupe, dans une dimension blues, rock, pop, où l'instrumental prend la bonne part dans une oeuvre qui reste mélodique et profonde.
La méconnaissance de l'oeuvre de Fleetwood Mac est pour moi l'une des plus grandes énigmes de l'histoire du rock. Il est toutefois certain que la seconde période du groupe est marquée par une dimension guitar hero et par des changements mélodiques incessants. Mais c'est pour moi la bonne version. On sent aussi par les titres comme "Man of the world" ou "Albatross" que des universaux nous sont livrés. Enfin, la deuxième version du titre rallongé jusqu'à 25 minutes Rattlesnake shake du Live in Boston en 1970 (volume 2 d'une édition 3 CD) n'a aucun mal à concourir au titre d'une des plus grandes performances scéniques rock de tous les temps, une des plus dévastatrices avec un sommet à la guitare et un climax fou de par l'unité orchestrale d'un groupe. Etonnamment, la reprise de "Black magic woman" par Santana est plus connue que l'original.
Peter Green est l'un des plus grands guitaristes sixties, un génie de la composition, sa voix est superbe et je donne ci-dessous l'évidence intense de premiers titres blues. Il a fait partie de la formation de John Mayall and the Bluesbreakers. C'est assez étrange de ne pas l'associer à la gloire des guitaristes anglais Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page et Mick Taylor, quand on sait que deux noms de groupes suffisent à les réunir sur le papier (Yardbirds et Bluesbreakers de John Mayall) . La drogue a eu raison de Peter Green, je donne encore pour comparaison deux titres du groupe qui a repris en conservant le même nom, dans la mesure où des membres comme le batteur et le bassiste se sont maintenus. Je ne me suis pas intéressé au second groupe dont je n'ai qu'un album et des titres sur compilation.



Rory Gallagher est sans aucun doute pour partie réputé auprès de ceux qui ont vécu dans les années 70 et qui privilégient les guitar heroes. J'ai remarqué qu'un pro sixties peut préférer la première époque de Gallagher sous la forme du groupe Taste, alors qu'en général la légende est celle de l'artiste en solo. Deuxième note particulière, dans l'encyclopédie des groupes de rock sixties anglais à laquelle Mick Farren des Deviants a participé, il est reproché à Gallagher d'avoir dissout sans raison le groupe Taste puisqu'il a continué à faire le même style de blues et rock, ce qui, sans rien juger de la qualité, sans dire ce qu'on pense des chansons, n'est clairement pas un jugement favorable. Pour moi, Rory Gallagher est quelqu'un de simple, tout simple, humainement. J'adore les albums avec le groupe Taste, puissamment orgiaques, mais ce qui me marque plus encore c'est l'accomplissement de la période solo qui va jusqu'à l'Irish Tour. La classe intime des premiers albums solos s'intériorisent fortement : Rory Gallagher et Deuce dont je ne mets ici que deux titres pourtant, les deux lives officiels sont exceptionnels : Live in Europe et Irish Tour 74. Format rock évident pour tous, l'album Tattoo est un classique, mais je suis toujours étonné de la difficulté qu'il y a à rencontrer l'album Blueprint dans les bacs malgré la légende de perfection qui entoure la prestation live de Walk on hot coals au cours de l'Irish Tour, d'autant que je trouve qu'il y a eu une rupture nette après l'Irish Tour. L'album Calling Card est le dernier grand album en 76, sinon même si j'aime bien Against the grain, Photo finish, Top Priority, et même jusqu'au dernier album, je trouve qu'il y a vraiment une différence sensible de génie, de volupté et finesse musicale des compositions, exécutions. La magie réelle va pour moi jusqu'en 74 avec un immense compositeur, un guitariste exceptionnel qui n'a rien à envier au groupes des guitar heroes sixties qu'il rejoint, avec aussi des créations qui sont voluptueusement fines et fortement intériorisables sans jamais être un effet de manche d'un lieu commun attaquant nos viscères.



Evidemment, à côté des groupes anglais qui tendent à faire l'unanimité, les pro sixties peuvent préférer globalement l'idée de la musique américaine à celle de la musique anglaise, ce qui se fonde sur le fait qu'on peut fouiller sans arrêt l'Amérique, et qu'elle a une plus grande longévité en ayant constamment fourni du bon rock des années 40-50 à aujourd'hui, constance qui ne semble pas comparable en Angleterre où si des groupes à succès ont continué de fleurir, c'est parfois en fonction de styles et influences dans lesquels ne se reconnaissent pas toujours les pro sixties.
Mais, parmi les groupes américains célèbres à l'époque, deux ne font pas forcément l'unanimité : The Grateful Dead comme je l'ai dit plus haut qui peut plaire sans plus et Creedence Clearwater Revival.
Personnellement, le génie du Grateful Dead relève de l'évidence quand on n'écoute ne fût-ce qu'un best of, Skeletons from the closet, puisqu'au-delà le rapport aux albums peut plus impliquer les aspirations personnelles de chacun. Encore qu'à mon sens, les chansons de trois minutes des deux albums majeurs Workingman's dead et American Beauty ont toutes les raisons de faire l'unanimité, de produire du plaisir entraînant (Workingman's dead) ou du vertige (American Beauty). Je vous souhaite tout de même d'apprécier aussi Dark Star ou Aoxomoxoa qui ont précédé. Dans les lives officiels de la grande époque, j'adore Live / Dead, The grateful Dead de 1970 qui pourtant ne fait pas l'unanimité, The Bear's choice et le Live in Europe est déjà un peu du déclin. J'ai bien sûr pas mal de concerts de 67 à 72, soit des bootlegs, soit des dick's picks, la fameuse série lancée par les fans.
La drogue a visiblement terrassé le groupe à partir de 1972, puisque passé ce seuil il faut trier les lives pour ne rien dire de la baisse de régime des albums studios. Mais on restera sur ce qui a précédé et la vaste collection de performances lives accessibles. Le guitariste Jerry Garcia a parfois joué avec d'autres grands noms californiens comme Jefferson Airplane ou David Crosby, mais notamment le groupe country rock New riders of the purple sage dont je retiens ici la reprise d'Honky Tonk Women des Stones.


Pour ce qui concerne Creedence Clearwater Revival, il y a bien parfois une manière d'interprétation qui donne l'impression d'une musique tracée au cordeau, mais cela reste un grand groupe et il y a, malgré la sévère critique précédente, de la magie, notamment avec leur version psychédélique de onze minutes de I heard it through the grapewine. Proud Mary a tout de même marqué Bob Dylan comme Ike and Tina Turner. Le leader John Fogerty est à la fois un compositeur et une voix exceptionnelle. Le groupe s'est séparé dans la haine, avec des rancunes insurmontables, et la carrière solo de Fogerty n'est guère marquante malgré tout de même deux, trois albums tardifs qui le font, en tout cas Revival en 2007. Deux lives circulent, l'un à quatre The Concert, l'autre réduit à trois Live in Europe, et je préfère ce dernier plus vif.


Qu'est-ce qui d'autre ne fait pas l'unanimité chez les pro sixties ? Je dirais David Bowie, Tom Waits ou le rock sudiste dont font partie quelque peu Lynnyrd Skynnyrd ou The Allman Brothers Band.
Pour David Bowie, il est incontestable qu'il a pas mal passé les décennies à l'exception des années 80 du moins au plan des albums et à l'exception de son groupe Tin Machine. Ce moindre intérêt pour Bowie peut s'expliquer par un moindre profil sixties en général et sans doute au plan d'une moindre inscription dans les rythmes, harmoniques, repères d'une formation rock. Il faut remarquer aussi que l'image de Bowie s'est faite avec le temps. Le meilleur de Bowie est de toute façon dans le passé. Les albums Black tie White noise, Outside et Earthling méritent une reconnaissance dans les années 90, mais ne sont pas du niveau de ses meilleurs albums qui datent de la période 1870-1878, avec quand même un remarquable intérêt de premières compositions sixties méconnues comme In the heat of the morning, qui a plusieurs versions en fait. On peut même plonger dans plus obscur encore, et non seulement avec ses premiers singles, mais avec les compositions qu'il a faites pour d'autres. Hunky Dory est souvent cité, mais Aladdin Sane est fascinant. Ziggy Stardust ne manque pas de moments forts. Le glam un peu funk de Young americans délivre des compositions moins abouties, mais remarquablement envoûtantes. L'album Station to station est pour sa part une véritable curiosité, ne fût-ce que pour Golden years et Wild is the wind (ou pour un titre moins marquant mais de conception fort originale TVC 15), avant les albums berlinois qui sans aucun doute nous éloignent des sixties. Diamond Dogs, projet avorté d'album-concept à partir du roman d'Orwell 1984 mais sans doute aussi projet parallèle au Berlin de Lou Reed, mélange l'étonnant à ce qui est en revanche insuffisant. Quant à l'album Pin Ups de reprises rock, il est surtout le tremplin pour écouter les originaux. Les albums des années 80 sont très décevants en comparaison des hits sur 45 tours qui, eux, contribuèrent à faire durer Bowie dans le temps sur le devant de la scène. Les albums des années 90 furent bons en regard de leur époque, mais Bowie devient aussi un artiste qu'on peut surestimer et je ne suis pas convaincu par ses performances en live.


Tom Waits retient peu lui aussi l'attention des sixtiesants, malgré ses liens avec Keith Richards. Pourtant, plusieurs chansons coupent le souffle et ce jusqu'à tardivement puisqu'il s'agit là encore d'un artiste qui a su se créer une longévité et se renouveler.
Il commence très tôt à forcer sa voix, mais on peut séparer deux époques, une première avec un style plus blues et jazz, et une seconde beaucoup plus folle avec des sons plus rock, moins rétro en tout cas. Les deux époques sont remarquables. L'année 83 a été le tournant.
Je suis marqué par Rain Dogs, Frank's wild years et Bone Machine pour ce qui est de la seconde période. On remarque au passage que Yesterday is here a un petit air inspiré de The House of the rising sun, mais en plus je suis facilement marqué à fond par le vague-à-l'âme de chansons comme Cold cold ground, Hang down your head et plusieurs chansons de Bone Machine, au-delà donc des titres qui font référence. Après, les albums qui ont suivi The Black rider et Mule variations m'ont encore plu, mais sans autant me marquer, puis j'ai moins d'intérêt pour la suite.
Sur la première période, j'ai d'abord connu l'album Blue Valentines, mais j'ai un choix de titres marquants au travers des albums, sachant que j'ai agrandi la collection avec deux volumes Early years.



Je finis par le rock sudiste. Il doit me manquer des choses à dire, mais ce sera tout pour cette fois de toute façon.

Je ne parle pas du groupe des années 70, mais de cet album de 1991, Shades of two worlds, que je trouve très bon, que j'aime bien écouter. Il est vrai que joue le fait que je l'ai connu dans ma période de découverte musicale intense au début des années 90, mon cerveau l'associe sans doute à du bon souvenir. Mais cela révèle des facettes et des demandes musicales possibles de mon esprit. Mais peu attentif au rock sudiste, je ne m'étais pas rendu compte que mon album The Last Rebel de Lynyrd Skynyrd datait de 1993, ce qui explique l'absence de titre en commun avec un best of deux CD vu chez quelqu'un d'autre.


Il est vrai que je n'ai pas fouillé le rock sudiste, mais je ne boude pas l'écoute ou l'ambiance.