dimanche 16 juin 2013

Albums de Rory Gallagher (et Taste)

Je me suis dit, ce Rory Gallagher diffère des stars du rock, c'est un garçon simple, il mérite un hommage. Et voyons voir quel!

On peut préférer les Saints ou on peut préférer Chris Bailey en solo, on peut préférer The Plimsouls ou bien Peter Case en solo, etc. Rory Gallagher est lui essentiellement connu pour sa carrière solo, sa discographie étant bien présente dans le commerce, mais il a débuté sous la forme d'un groupe dont la création était déjà exceptionnelle. Il s'agit d'une formation pleine de tonus délivrant un rock sauvage et raffiné à la fois. Le groupe a sorti Taste et On the boards, deux albums de titres enregistrés en studio en 69 et 70, avant de se séparer. Deux autres albums lives ont vu le jour en 71: Live Taste et Live at the Isle of Wight. Ces deux lives montrent assez le plaisir éprouvé par le public qui eut le privilège de les voir et entendre sur scène.
Rory joue parfois du saxophone, on observe la présence de reprises. On peut regretter que cette veine rock et âpre n'ait pas eu de suite. Nous sommes dans la foudre et l'excitation. La suite solo montre pourtant une certaine continuité du "same old Rory" avec selon moi un génie musical accru par l'intériorisation de 71 à 74. Des titres délicats d'On the boards annoncent toutefois les prodiges intimistes des albums à venir. S'il ne chante pas, il va pleurer, mais ce guitariste n'est pas un manche...
Une compilation de 1974 portait un titre génial : "In the beginning, an early Taste of Rory Gallagher".

Taste (1969)

Blister on the moon
Same old story
Catfish
Sugar Mama
Born of the wrong side of time

On the boards (1970)

What's going on
Railway and gun
It's happened before, it'll happen again
See here
On the boards
If I don't sing, I'll cry

Taste Live (édité en 1971)

Gambling Blues
Feel so good

Live at The Isle of Wight (édité en 1971)

SinnerBoy

L'entente au sein du groupe n'était pas vraiment bonne, Rory Gallagher entame alors une carrière solo qui commence par deux albums de titres studio absolument vertigineux qui ne peuvent que le placer parmi les plus grands noms de l'histoire du rock: le premier éponyme Rory Gallagher et le second Deuce, tous deux datant de la même année 1971. Sinner Boy passe des performances lives de Taste à la dimension de titre studio sur son premier album solo, mais l'avalanche de titres sublimes se fait, des titres tous vibrants, tantôt rock, tantôt intimistes.

Je garde l'ouverture Laundromat pour les vapeurs folles du Live in Europe de 72, et je commence par ce petit bijou I'm not surprised suivi par un titre acidulé avec du saxophone lui aussi très apte à capter les humeurs mêlées de l'âme Can't believe it's true.

I'm not surprised
Can't believe it's true

On peut aussi trouver le déchirement dans toute son âpreté rock guitaristique, griffée de puissants sursauts, avec For the last time.

For the last time
Wave myself goodbye

Et on poursuit le voyage de splendeur avec toute la poésie harmonique et mélodique de Just the smile.

Just the smile
It's you

Mélange de grâce et de coups portés à la torpeur ambiante avec I fall apart où toujours le défilé des notes à la guitare illumine le réel avec une justesse, un goût, une retenue même et un sens de la création inconnus de la plupart des héros de la six cordes.

I fall apart

Non pas la guitare, mais toute la musique de Rory est braquée sur vous... et puis elle vous échappe en boeuf solo qui vous entraîne.

Hands up

Incroyablement, Rory a donné un petit frère immédiat à cet album fou, la même année : Deuce. Ce second opus solo a pour but d'exprimer en studio une certaine intensité, une certaine sonorité live, et le résultat est d'une fraîcheur saisissante.

Il s'ouvre par un bijou intimiste incroyable, et se partage entre titres délicats à souhait et bombes rock'n'rolliennes sorcièrement ciselées.

I'm not awake yet

Le mélomane se régale :

Out of my mind
Don't know where I'm going
Maybe I will
Should've learnt my lesson

Il se perd même dans l'espace :

There's a light

Et le mélomane se régale encore avec tout le déchaînement contrôlé et magistral de la vague de titres suivante:

Used to be
Whole lot of people
In your town
Crest of a wave

Et cela se poursuit par un live qui est un album à part entière, à savoir le Live in Europe qui contient des titres inédits: l'affolant Going to my hometown, l'ouverture de Messin with the kids ou la reprise de Bullfrog Blues ou encore le long blues lent que s'approprie parfaitement le génie Irlandais I could've had religion. Laundromat et In your town des deux premiers albums figurent ici aussi. Ce qu'il se passe est immense.

Live in Europe (1972)

Laundromat
Going to my hometown
I could've had religion
Bullfrog blues
Messin with the kids

Evidemment, tous ces albums sont sortis avec des bonus tracks en CD, et même un bonus track de Live in Europe, ça se court. Un frisson immense.

Blueprint (1973)

Rory Gallagher reprend alors la voie des albums de titres enregistrés en studio. Le meilleur de Rory Gallagher, c'est ces quatre premiers albums studio en solo et ces deux premiers albums live en solo toujours. Rory Gallagher et Deuce forment un duo avec son unité, voici deux albums différents et même différents l'un de l'autre : Blueprint et Tattoo, bien qu'ils soient tous deux de 73.
L'album Blueprint est étrangement peu présent dans les bacs. Il contient pourtant un des grands titres qui ont rendu l'album live Irish Tour 74 immortel à jamais : Walk on hot coals. Et sa veine ne s'arrête pas là. Le son de ces chansons est plus particulier, quelque peu étrange et inhabituel, et il annonce un peu Tattoo, il s'agit encore de titres d'intériorisation forte, de torpeur secouée, et de finesse instrumentale prolongée.

Daughter of the everglades
Seventh son of a seventh son
Race the breeze

Le purisme des sources se permet parfois un virage quelque peu moins nettement blues et quelque peu joyeux. Le plaisir domine en artiste.

Hands off

En bonus track, une reprise sixties qui comporte des allusions à d'autres célèbres formations du British Boom.

Treat her right

Le pur blues se retrouve avec Banker's Blues.

Banker's Blues

Et puis Rory fait montre de son incroyable connaissance des perspectives musicales ouvertes au joueur de guitare avec cette surprenante et réussie incursion dans un style jazz rétro.

Unmilitary two-step

La délicatesse permettant au chant de prédominer, comme il arrive parfois dans la musique de Rory, se retrouve dans la ballade If I had a reason.

If I had a reason

Tattoo (1973)

Quatre titres de l'album Tattoo figurent sur l'Irish Tour 74. C'est un album musicalement efficace qui conjoint l'effort fait pour les mélomanes et le goût rock du plus large public. Voici les quatre titres qui sont pénétrés de l'héritage des albums précédents, du blues, en dépit de leurs signes de modernité.

Tattoo'd lady
Cradle rock
Who's that coming
A Million miles away

L'album aligne d'autres perles d'un rock envoûtant, ou tendue et acérée moelleusement.

Livin' like a trucker
Sleep on a clothes-line
Admit it

Comme sur Blueprint, la finesse musicale s'instaure sur les parties acoustiques de 20:20 Vision, avec une sacrée combinaison de piano, et cela se poursuit dans l'étonnante invention mélodique toujours embellie de piano, l'intense, classieux et swinguant They dont make them like you anymore.

20:20 Vision
They don't make them like you anymore

Irish Tour '74 (1974)

Rory revient alors au live avec un album où les titres préalablement imposés par des versions studio sont réinterprétés de manière remarquable, à l'exemple du Get yer ya-ya's out stonien. La magie est tout simplement éblouissante. Le titre suivant devient une véritable apothéose, un instant incommensurable qui touche à l'éternité.

Walk on hot coals

Des reprises inédites parcourent aussi ce nouvel opus. La partie rock étant plus assumée par les compositions de Gallagher, celles-ci offrent les virtualité blues intériorisées de son jeu ou même acoustiques avec la reprise de Tony Joe White.

I wonder who
Too much alcohol
As the crow flies

Et tout cela s'entraîne dans la grande danse de Rory, unfinished two-step.

Back on my stomping ground

Hélas, après ces six albums, le retour en studio semble avoir été dur, Rory Gallagher ne sera plus jamais aussi grand, et si l'album Calling card de 1976 mérite encore de grands honneurs, le contraste de l'album de 1975 Against the grain avec tout ce qui a précédé fait mal au coeur. Il n'en contient pas moins de bonnes compositions, ce n'est pas la chute libre.

Against the grain (1975)

On prend son pied inévitablement avec la reprise rentre-dedans I take what I want.

I take what I want

Reprise de Leadbelly.

Out on the western plain

Bought and sold, Ain't too good, il y a de bons titres, mais ils ne rivalisent pas avec ceux des albums précédents. Ils sont moins habités par un esprit de création musicale.

Mais, Rory s'est ressaisi et, sans l'atteindre à nouveau pleinement, il effleure le sommet avec Calling card qui a en outre le mérite de l'originalité, comme le montre très bien la chanson-titre, Jack-knife Beat, Do you read me ou bien Edged in blue.

Calling card (1976)

Calling card
Jack-Knife Beat
Edged in blue
Do you read me

La veine de 1971 et de Blueprint se maintient.

I'll admit you're gone
Barley and grape rag

Country mile représente en plus moderne une certaine veine de Gallagher.

Country Mile

La veine rock plus lisse, mais efficace, s'annonce avec Secret agent. Un changement d'époque apparaît dans ce tournant de la musique signée Rory Gallagher.

Secret agent

Dans les bonus tracks de l'album, on trouve une version précoce de Public enemy, titre qui figurera finalement sur l'album de 1979 Top priority, et on note que Moonchild, perle rock étrange un peu lisse et minimaliste dont les sons sont dessinés pour emporter est la soeur aînée de Follow me qui ouvrira trois ans plus tard l'album Top priority justement.

Moonchild

L'album suivant ne sortira pas en 1977, mais en 1978, dans l'achèvement de la victoire punk, avec son retour à un rock moins sophistiqué, victoire qui a du bon contre une quête abusive de l'élaboration, mais qui peut faire bien regretter la sophistication de certains comme Gallagher. Gallagher sort deux bons albums en 78 et 79, mais il n'est plus le même, le génie qu'on ne peut qu'unanimement admirer pour sa richesse, son inventivité, sa finesse, sa justesse à l'oreille du mélomane, etc. Rory est devenu trop lisse, trop premier, même si ce qu'il produit continue d'être au-dessus du lot. Il inspire moins l'âme en se concentrant sur l'excellence de vertiges.

Photo-Finish (1978)

Brute Force and Ignorance
Cloak & Dagger
Overnight bag
The Mississippi sheiks

Top priority (1979)

Follow Me
Philby
Bad penny
Just hit town
Public enemy n°1
The Watcher

L'album live Stage Struck de 1980 est bien décevant en comparaison de Live in Europe et Irish Tour '74. En revanche, même s'ils vont s'espacer, les trois derniers albums studio de Rory Gallagher, tout en n'étant plus des sommets, conservent le charme de belles plages musicales qui étonnent par contraste avec la misère des années 80 sur les grandes ondes.

 Jinx (1982)

The devil made me do it
Big guns

Defender (1987)

Loanshark Blues

Fresh evidence (1990)

The King of Zydeco

**

On peut courir les bootlegs de Rory Gallagher, il est aussi d'autres albums dans sa discographie. Le double des BBC Sessions, la compilation acoustique posthume Rory de 2003, l'album Notes from San Francisco qui essaie de donner le projet initial d'album avant que cela ne devienne Photo-Finish.

lundi 10 juin 2013

Les plus grands noms du rock selon moi (partie 1)

Un mélange de grands noms du blues et de grands noms du rock s'imposerait : Muddy Waters, Elmore James, Howlin' Wolf et bien d'autres ont à voir avec le rock. Je ne résiste pas non plus à l'idée de saluer les versions originales de Louie Louie, My baby left me, Good rockin' tonight et Rocket 88 (ce titre fait partie de ceux qui sont souvent cités, dans un débat il est vrai peu évident, comme le premier rock'n'roll de l'histoire). Ou bien un titre de Screamin' Jay Hawkins ou un des Staple Singers, quand le père imposait à ses filles de meilleurs choix musicaux. Je me suis même permis les Delmore Brothers des années quarante et The Carter Family (année trente) pour montrer un peu des racines méconnues parfois de ce qu'on écoute aujourd'hui.

Muddy Waters - Baby please don't go
Muddy Waters - Mannish boy
Muddy Waters - I just want to make love to you

Howlin' Wolf - Meet me in the bottom
Howlin' Wolf - Killing floor

Elmore James - Dust my broom

Sonny Boy Williamson II (Rice Miller) - It's a bloody life

Slim Harpo - Scratch my back
Slim Harpo - Got love if you want it

Richard Berry - Louie Louie

Roy Brown - Good rockin' tonight (1947)

Arthur Crudup - That's alright Mama
Arthur Crudup - My baby left me

Jackie Brenston (avec Ike Turner) - Rocket 88

Screamin' Jay Hawkins - I put a spell on you

The Staple singers - Maybe the last time

The Delmore Brothers - Blues stay away from me

The Carter Family - Keep on the sunny side

Dans les années 50, les noms qui se dégagent sont ceux d'artistes solo. Bien que la musique de Chuck Berry hérite beaucoup de ses prédécesseurs, son célèbre solo de guitare est une démarcation de T-Bone Walker et se retrouve aussi chez Elmore James, etc., il est sans aucun doute la grande référence rock'n'rollienne de cette époque aux côtés de Bo Diddley et Ray Charles. Ils sont accompagnés, mais avec un répertoire moins étoffé, par Little Richard. Larry Williams, Fats Domino, Esquerita suivent également. Charlie Feathers, Buddy Holly, Eddie Cochran, Rick(y) Nelson, Gene Vincent, Carl Perkins, Jerry Lee Lewis sont d'autres grands noms de cette époque, et dans une moindre mesure Elvis Presley. Deux duos sortent du lot : The Everly Brothers et The Louvin Brothers.
Une certaine musique soul et rhythm'n'blues se développe également.

Chuck Berry - Johnny B. Goode
Chuck Berry - Memphis, Tennessee
Chuck Berry - Sweet little sixteen
Chuck Berry - School days
Chuck Berry - Reelin' and rockin'

Bo Diddley - Before you accuse me
Bo Diddley - I'm a man
Bo Diddley - Road Runner
Bo Diddley - Bo Diddley
Bo Diddley - Who do you love

Little Richard - Lucille
Little Richard - Tutti frutti
Little Richard - Long, tall Sally

Larry Williams - Slow down

Charlie Feathers - Can't hardly stand it
Charlie Feathers - One hand loose
Charlie Feathers - That certain female

Eddie Cochran - Summertime blues
Eddie Cochran - C'mon everybody

Jerry Lee Lewis - Breathless
Jerry Lee Lewis - Whole lotta shakin' goin' on

Ricky Nelson - Lonesome town

The Everly Brothers - Wake up little Susie
The Everly Brothers - Bye Bye love

The Louvin' Brothers - Satan is real
The Louvin' Brothers - Knoxville girl

Pour les années soixante, je ne m'attarde pas sur la période de transition du début des années 60. J'aime bien quelques instrumentaux des Shadows, mais ce n'est pas du grand rock. Il y a aussi les groupes de filles en Amérique et Phil Spector, mais là encore je n'ai pas à m'y appesantir. Je ne fais pas une histoire du rock, je dégage ce qu'il a de plus fort. Pour les instrumentaux, on peut préférer Link Wray ou bien Booker T and the MG's. Toutefois, un groupe fabuleux, dont une partier du répertoire est justement instrumentale, est à signaler au tout début des années soixante : The Wailers ou selon leur nom à rallonge The Fabulous Wailers, pour ne pas les confondre avec d'autres. C'est d'ailleurs des Fabulous Wailers qu'est partie en réalité la déferlante de reprises de Louie Louie, même si la façon de la jouer des Kingsmen, groupe en réalité sans intérêt, a marqué les esprits.

Link Wray - Fatback

Booker T. and the MG's - Green onions

The Fabulous Wailers - Frenzy
The Fabulous Wailers - Wailers House Party
The Fabulous Wailers - Summertime (reprise)
The Fabulous Wailers - Zig Zag
The Fabulous Wailers - Out of our tree
The Fabulous Wailers - Sac O'Woe

Evidemment, vient à l'esprit la déferlante anglaise à partir de 1963-1964 avec une identité musicale qui va varier quelque peu mais qui a sa cohérence jusqu'à la nouvelle transition de 72-73. Les groupes anglais majeurs sont les Rolling stones, les Who, Fleetwood Mac (avec Peter Green) et les Kinks, même si ces derniers ne peuvent rivaliser en tant qu'orchestre avec les trois précédents. Rory Gallagher pourrait leur faire cortège, un pied dans les sixties avec son groupe Taste, mais il deviendra véritablement génial en solo en 71. Mais beaucoup d'autres noms doivent être cités. The Them et puis Van Morrison, puisque le leader des Them poursuivra une carrière géniale, mais aussi The Small Faces, The Yardbirds, The Pretty things, The Beatles, Donovan, The Easybeats, Pink Floyd (période Syd Barrett essentiellement), Kaleidoscope, Traffic, Timbox, The Creation, The Action, The Zombies, The Fairport convention,  Led Zeppelin, The Animals, et bien d'autres encore, Cream, Move, The Birds, The Troggs, The Artwoods, The Attack, The Marmalade, etc., etc. Pour les Stones et les Kinks, j'évite un peu les attentes. Pour les Who, je privilégie la première période, là encore significativement.

The Rolling Stones - Jumpin' Jack Flash (démo, version différente)
The Rolling stones - I'm going down (chute de studio en 69)
The Rolling stones - Have you seen your mother, baby, standing in the shadow?
The Rolling stones - It's not easy
The Rolling stones - Heart of stone
The Rolling stones - Yesterday's papers
The Rolling stones - We love you
The Rolling stones - Dead flowers
The Rolling stones - Loving cup
The Rolling stones - Silver train
The Rolling stones - Time waits for no one
The Rolling stones - Before they make me run

The Who - My Generation
The Who - Substitute
The Who - The Kids are alright
The Who - Can't explain
The Who - Happy Jack
The Who - Armenia city in the sky
The Who - Pictures of Lily
The Who - I can't reach you
The Who - Sally Simpson

The Kinks - Lola
The Kinks - Waterloo sunset
The Kinks - Set me free
The Kinks - Days
The Kinks - Picture book
The Kinks - Shangri-La
The Kinks - 20th century man
The Kinks - Dandy
The Kinks - Dead end street
The Kinks - Big black smoke
The Kinks - Do you remember Walter

Fleetwood Mac - Love that burns
Fleetwood Mac - Man of the world
Fleetwood Mac - Albatross
Fleetwood Mac - Black magic woman
Fleetwood Mac - Closing my eyes
Fleetwood Mac - Oh well
Fleetwood Mac - Rattlesnake shake (live Boston)
Fleetwood Mac - Long grey mare
Fleetwood Mac - A fool no more
Fleetwood Mac - Drifting
 
The Them - Gloria
The Them - Mystic eyes
The Them - Can only give you everything
Van Morrison - Brown eyed girl
Van Morrison - Someone like you
Van Morrison - Cyprus avenue
Van Morrison - TB Sheets
Van Morrison - Madame George
Van Morrison - Moondance

A suivre...

lundi 3 juin 2013

Albums des Rolling stones (partie 1, lives et carré d'as)

On parle de carré d'as avec les albums Beggar's Banquet (1968), Let it bleed (1969), Sticky Fingers (1971) et Exile on main street (1972), en se gardant en joker Aftermath dont il sera encore question plus loin, suite d'albums à laquelle ajouter le live Get yer ya-ya's out (1970, 1969 pour les prestations).
 Les plus grands succès des Stones ne figurent pas sur ces quatre albums, la stonemania est déjà passée (64-66, sinon début 67). Jumpin' Jack Flash et Honky Tonk Women seront en tête des ventes en Angleterre et datent respectivement de 1968 et 1969, mais il ne figurent pas tels quels sur les albums formant notre carré d'as, à ceci près que Country Honk sur Let it bleed se présente comme une variante du titre Honky Tonk Women. Les deux succès figureront toutefois sur le live Get yer ya-ya's out dans des versions éblouissantes.
Côté live, la discographie stonienne est dans l'impasse. Le groupe est mythique et sa réputation scénique bien entretenue. Mais, les concerts des artistes anglais en général, à la différence de ce qui se faisait côté californien, n'étaient pas soignés avant 1968. Les Rolling stones n'ont pas non plus abondamment joué en live de 68 à 71 et l'abondante matière de 72 et 73 n'a pas donné lieu à des éditions de lives officiels.
C'est ainsi. Quelqu'un voulant se lancer dans la discographie des stones verra qu'il lui sera déconseillé tous leurs lives officiels, sauf ce Get yer ya-ya's out inversément monté en épingle, et pour cause. Une bonne discographie live des stones passe nécessairement par les bootlegs et se resserre sur une période très ramassée : 68-73, en incluant des événements clefs: Rock'n'roll circus, Hyde Park, Altamont, concert gratuit pour le Nicaragua à Los Angeles en 73. On essaie aussi de puiser la crème de chaque mini-tournée: tournée américaine de novembre 69, tournée européenne de 70, tournée anglaise de 71, tournée américaine de 72, tournée hawaïenne et océanienne en 73, tournée européenne en 73. L'officialisation via le net de Brussels affair permet d'ajouter un second joyau live à la discographie officielle des Rolling stones.

C'est un point faible de la discographie stonienne. D'autres artistes ont su proposer plusieurs lives importants dans leur carrière. Les Rolling stones existent en live essentiellement grâce aux bootlegs. Ou bien grâce à ce joyau qu'est Get yer ya-ya's out.
Le double Love you live est brouillon. La vidéo Let's spend the night together qui correspond à la tournée Still Life ne livre pas pour moi un rock bien inspiré. Flashpoint est un concert très bien fait, mais en étant indulgent quant à l'âge des artistes et aussi quant à des arrangements qui sont quelque peu festifs. Les concerts ultérieurs, il y en a à l'occasion de bien dans les bootlegs, mais on l'a compris, l'intérêt d'écouter un live de la période 68-73 n'est pas comparable avec un quelconque live postérieur. Et je pourrais même avoir la cruauté de dire que sur Got live if you want it je prends mon pied, j'entends les stones. Je n'ai jamais été ennuyé par le fait d'écouter la prestation brouillonne de 65-66. Je trouve cette écoute tout à fait prenante et agréable, en fait.

Evidemment, à cause de cette période live privilégiée, on va attribuer à Mick Taylor une aura particulière, et il est certain que son jeu étincelant est pour quelque chose dans la valeur des concerts stoniens, tout particulièrement de 71 à 73.

La vérité, c'est que la drogue a fini par bousiller Keith Richards et que l'embourgeoisement a gagné le groupe, et notamment Mick Jagger. Du coup, ils n'ont plus été à même de ressourcer un répertoire trop, peut-être pas figé, mais maintenu dans une seule idée des titres à jouer ou ne pas jouer, ni à même de dire à nouveau quelque chose de rock devant le monde. Ils sont pourtant restés de très grands compositeurs, et les titres de Steel Wheels en 1989 ou de Voodoo Lounge en 1994, sans être toujours parfaits, ont la plupart du temps quelque chose d'incroyablement troussé, d'incroyablement trouvé.

Mais, après tous ces détours, j'en reviens au carré d'as. Il me semble qu'à l'époque les stones étaient perçus comme un groupe des années soixante et qu'Exile on main street n'a pas eu une grande reconnaissance initiale.
Aujourd'hui, la tendance s'est inversée. J'ai l'impression qu'on cite plus volontiers Sticky Fingers et Exile on main street que les deux opus de 68 et 69.
Exile on main street de 72 est un double album (18 titres) fabuleux. Sa reconnaissance sur le long terme est une très bonne chose, mais je ne rentrerai pas dans le jeu d'une intelligentsia qui valorise la présence de Taylor et l'idée que Sticky Fingers et Exile on main street ont plus à dire à l'homme moderne que les albums rock et blues bien typés stoniens que sont Beggar's Banquet et Let it bleed. Je ne saurais en douter. Les deux plus grands albums des Stones sont Beggar's Banquet et Let it bleed, voire les deux plus grands albums de l'histoire du rock tout court.

Beggar's Banquet, c'est l'album des 4 "S": Sympathy for the devil, Street fighting man, Stray cat Blues et Salt of the earth. Trois de ces titres figurent sur Get yer ya-ya's out. Le finale Salt of the earth est pour moi la plus belle fin d'album qu'il m'ait jamais été donné d'écouter. En tout cas, moi personnellement, aucune fin d'album ne m'a autant soulevé que la clôture affolante de Beggar's Banquet. Le titre se situe à un niveau de contorsions phénoménal. Toutes ses progressions sont magiques et nous entraînent.
La plage Sympathy for the devil semble née d'une ballade proposée par Mick Jagger dans un esprit dylanien, mais Keith Richards aurait déterminé le groupe à jouer le titre dans l'esprit musical que nous connaissons. Sa danse sauvage emporte tout, sa structure rallongée s'élargit en richesses insoupçonnées, avec très discret le solo de guitare de Keith Richards, procédé qui sera réitéré avec un moindre bonheur, malgré Taylor à la gratte, sur la chute de studio Jiving sister Fanny figurant sur Metamorphosis.
Street fighting man présente l'intérêt du petit miracle acoustique, puisque les guitares acoustiques sonnent alors électriques, et même sauvagement pour des oreilles non encore habituées à ces décibels musicaux en 1968. Le solo qui traversait toute la maquette originale, alors intitulé Everybody pay their dues, sera reconduit dans les prestations lives avec notamment la version de Brussels affair, qui est d'ailleurs en réalité une prise d'un concert anglais et non du concert bruxellois lui-même.
Street fighting man a été pensé sur le modèle structurel de Jumpin' Jack Flash, ce qui en fait deux chansons soeurs en dépit des apparences sonores distinguant les deux morceaux.
Je n'ai rien dit de la griffe de Stray Cat Blues. L'album regorge d'ailleurs d'autres pépites. Blues et slide : Jig-saw puzzle, Dear doctor, Parachute woman, et puis No expectations avec sa mélodie parfaite de piano en prime. Factory girl aura le curieux honneur de figurer sur l'album Flashpoint, curieux mais juste honneur encore une fois. La reprise Prodigal son est d'autant plus exceptionnelle qu'elle l'est d'un bluesman dont on peinera à trouver un disque dans les magasins les plus spécialisés.

L'autre immense album des stones, c'est Let it bleed. Il était sans doute prévu entre Stones et Beatles de jouer au jeu de l'opposition: Let it be contre Let it bleed, mais l'opération tourne court, puisque Let it be ne sortira que bien plus tard, voire après l'album Abbey Road aux enregistrements pourtant postérieurs.
Mais, la comparaison est inutile, tant la supériorité du répertoire stonien est écrasante.
L'album s'ouvre sur le titre le plus merveilleux ayant jamais introduit un album : Gimme shelter. 69 est une année marquée par la qualité exceptionnelle des introductions pour les Stones. Après l'intro de Honky Tonk Women, celle de Gimme shelter. L'album se poursuit par une reprise exceptionnelle de Love in vain et justement une version différente de Honky Tonk Women. On peut observer d'ailleurs que d'une part Love in vain en seconde position fait écho à No expectations sur l'album précédent que d'autre part des notes avec leur chaleur, leur couleur passent de Love in vain à Country Honk, à tel point que Love in vain nous fait entendre que le klaxon de Country Honk n'est pas un accident, puisqu'il participe lui-même d'une stratégie d'échos sonores distribués entre les titres.
Le morceau-titre Let it bleed prolonge nettement le centre blues de Beggar's Banquet avec Dear doctor, Parachute Woman et Jig-saw puzzle. La chanson s'étend, mais par une force tranquille. Ce n'est pas un morceau dont on dit il dure cinq minutes. Il dure cinq minutes tout en donnant l'impression d'un titre aussi court que les autres. On retrouve la slide et le chant grave affecté, dans une dimension nettement blues au mille ciselures orchestrales.
Le rock stonien Live with me se fait jour, avec une dimension particulière. Le morceau présente une tension carrée, peu expansive lyriquement veux-je dire, avec un renfort d'harmonique par l'apport orchestral, du saxophone notamment.
Keith Richards s'essaie aussi à intérioriser le blues du delta dans son You got the silver qu'il chante pour l'occasion. Le titre est une réussite entre les reprises de Prodigal son et You gotta move sur les albums avoisinants Let it bleed.
Après Sympathy for the devil, quelle idée géniale pouvait encore fuser pour plonger l'auditeur dans une ambiance comparable, tout aussi déroutante et tout aussi dansante et envoûtante dans une torpeur musicale acérée? Ce fut le nouveau coup de génie, Midnight rambler. Il n'a pas la démarcation musicale de Sympathy for the devil, puisque Midnight rambler s'inscrit pleinement dans les registres blues et rock, mais ses articulations sont complètement désossées, ce qui rend ce titre agressif d'une intense poésie.
Monkey Man est un titre particulièrement curieux de l'album par son son guitare et son piano stellaire. Avec sa classe, les choeurs et les parties guitare, You can't always get what you want est un finale efficace des stones, dont le refrain hante facilement les esprits.

De l'avis même de Mick Taylor, j'avais lu cela dans une interview d'un numéro je crois de Rock and folk conservé à la bibliothèque du lycée Saint-Eugène à Aurillac, Beggar's Banquet et Let it bleed sont les deux meilleurs albums des stones.
Mais Sticky Fingers suit de manière exceptionnelle, et puis Exile on main street.
Les journalistes sont particulièrement désireux d'évincer Keith Richards en ce qui concerne Sticky Fingers. Ils insistent sur le boeuf improvisé de Can't you hear me knocking pour valoriser Taylor. Mais, dans ce boeuf improvisé, est-ce que la splendide partie acérée de guitare qui culmine vers la fin est improvisée, premier problème, car elle est pour le moins construite. Deuxième problème, la première moitié de la chanson est un pur chef-d'oeuvre de mécanique rythmique et harmonique. Les deux parties de la chanson sont superbes pour moi. Il est certain que la touche de Taylor est présente, mais Keith a composé le morceau et la fin du boeuf était prévue. Elle n'a rien d'hasardeux.
On évoque aussi l'absence de Keith Richards sur le titre Moonlight Mile. Il ne joue pas sur ce titre pour lequel il reste crédité. Du coup, on prétend qu'il a été composé avec Mick Taylor. Pourquoi n'a-t-il pas été crédité comme il le sera sur Ventilator Blues l'année suivante? Est-ce que le fait que Keith ne joue pas sur ce titre exclut réellement sa participation à la composition? Cela resterait de toute façon un beau titre du compère Mick Jagger qui a composé aussi le fameux Brown sugar sur lequel les interventions de Richards ont dû être minimes. Le morceau tient par sa splendeur de composition et le riff est juste ce qu'il faut. Il eszt sans doute trop court pour demander le génie de l'élaboration qu'avait Keith Richards. Car Brown sugar n'est pas exactement un rock stonien à riff, alors que c'est un titre rock insurrectionnel éminemment stonien, tout un paradoxe à l'écoute. Mais il est stonien parce que Jagger donne une tenue de route à cela, parce que ça le fait, et aussi parce que, dans son dépouillement en fait de notes, il y a plein d'harmoniques géniales, il faut écouter comment dans la maigreur de leurs partitions, les instruments se tombent dessus et se répondent. Je dirais que c'est une chanson qui est pleine de sons qui se rencontrent, avec des formules d'acrobate entre les plans.
Mais il s'agit encore d'évincer Richards de manière étonnante. Certains journalistes récents attribuent Wild Horses ou Dead Flowers à Jagger. Richards n'y aurait aucune part. J'ai lu cela récemment dans le magazine Rolling stone qui faisait un numéro spécial Rolling stones. Voyant de telles inepties, je n'ai pas acheté le magazine.
Wild Horses est justement une composition spécifique de Keith Richards et pourtant c'est la deuxième fois qu'on veut le priver de cette paternité, puisque, étant donné que Gram Parsons a sorti en premier une version de Wild Horses sur le second album des Flying Burrito Brothers, certains ne se sont pas gênés pour dire que Gram Parsons en était probablement l'auteur. Il faut le faire, décidément. Wild Horses, c'est du Richards, et certaines finesses de Dead Flowers en sus de son autre possible rapprochement avec l'intérêt de Richards pour la musique de Parsons, me font envisager que Dead Flowers peut avoir une mélodie jaggerienne amenée par les paroles, mais que Richards n'est pas étranger à l'affaire. I got the blues est beaucoup plus jaggerien dans le traitement à mon sens. Un titre peu souvent évoqué, mais valorisant pour le jeu vocal de Jagger et pour l'esprit de ses contorsions soul: I got the blues. Sister Morphine est aussi un titre qui sert à évincer Richards puisque l'original a été publié par Marianne Faithful, à tel point que là encore certains ont prétendu qu'elle avait elle-même écrit cette chanson. Il s'agit d'une chanson de Jagger bien évidemment, qui avait alors une tendance à exprimer l'enfoncement glauque dans la drogue et le désenchantement (Cocksucker Blues, I got the blues, Sister Morphine).
Autre titre où on entend évincer Keith Richards: Sway. Il s'agit d'un titre assez symphonique pour guitares, le mot "symphonique" étant un peu provocateur pour cette forme sonorement sauvage qui n'est pas sans prolonger certaines facettes de Stray Cat Blues. Il y a aussi du Moonlight Mile dans l'allure d'ensemble du morceau. Mais c'est joué avec des guitares acérées.
Pourquoi ne pas soutenir par écrit que c'est Mick Taylor qui joue le solo sur Sympathy for the devil ou que c'est Mick Taylor qui a composé Stray Cat Blues? Cela n'est pas possible pour uniquement des dates d'intégration dans le groupe, voilà comme pensent les journalistes.
L'album est pourtant aussi celui d'une reprise sidérante du titre You gotta move à la manière particulière et âpre du bluesman méconnu du delta Fred Mc Dowell, ce qui n'est pas peu.
Reste enfin le titre Bitch tout à fait exceptionnel, dont on peut penser cette fois qu'il n'y ait pas de plan pour dire que ce n'est pas du Jagger-Richards.
Par ailleurs, c'est sa variété et le fait de sonner non plus comme du rock et du blues, mais comme une suite de créations musicales la plupart inscrites dans leur temps, le début des seventies, qui contribue sans doute à faire que cet album brûle la politesse dans l'estime de certains à Beggar's Banquet et Let it bleed.
En 1972, nous passons alors à Exile on Main street.
C'est un album à part dans la carrière des Stones, car il n'a pas eu pour la première fois un véritable succès. Pas de hit sous forme de 45 tours en haut des charts, et à l'époque pas d'estime de la critique.
C'est assez étonnant, car l'album contient 18 perles toutes plus belles, envoûtantes et fortes les unes que les autres, à l'exception de I just want to see his face qui est plus un titre d'harmonieuse liaison dans l'ensemble.
L'album serait plus nettement l'oeuvre de Keith Richards, mais il y a quand même un coup de génie fascinant de Jagger Shine A Light. Comme Jagger développait ce titre depuis quelque temps, et qu'il en fut question avec Leon Russell, on a prétendu que Leon Russell en était l'auteur, malgré à mon sens une discographie peu indispensable de l'artiste concerné.
Et c'est vrai que la mélodie de Shine a light est de toute beauté et qu'on pourrait croire sorti ce morceau d'une chanson traditionnelle jalousement conservée. On pourrait croire le titre piqué à un génie du blues, de la chanson passée, etc., et certainement pas à un quelconque rockeur contemporain.
Keith Richards lui a repensé complètement un titre tenu depuis longtemps en réserve Good times women qui devient Tumbling Dice. La première mouture était un rock excitant, le résultat final est une chanson posée d'une très grande classe. Les versions appartiennent à deux mondes nettement distincts.
Tous les titres de l'album sont à citer, avec le riff de Soul survivor qui sera repris sur une chanson de l'album Undercover een 1983, avec la reprise de Slim Harpo Shake your hips et celle de Robert Johnson Stop breaking down, avec le morceau chanté par Keith Happy qui nous emporte et nous fait accompagner le chant dans une joie des plus communicatives.
Rocks Off, Rip this joint, etc. : série exceptionnelle. Torn and frayed ou la torpeur descriptive de Sweet Virginia. L'éblouissant voyage de magie dans la végétation et sur l'eau de Sweet black angel. Les crescendos de Loving cup, l'intense cri de Let it loose, la formule de Ventilator Blues digne émule du You gotta move de l'album précédent quelque part
Je ne vais pas réfléchir ici à une formule pour chaque chanson, mais comme la série de photos qui compose la pochette l'album est dense, intense, touffu, envoûtant, féerique, rêveur et prenant, faisant vibrer les cordes d'une sensibilité exacerbée, mais contenue.

A suivre...