jeudi 14 décembre 2017

Les sources d'inspiration de chansons des Rolling Stones et des Who (partie 1 Paint it black, Pinball Wizard)

[Edit : je dois corriger quelques coquilles d'ici le 16 décembre, quelques maladresses, mais je conserverai le texte et effacerai cette mention.]

A l'aide de pseudos, je suis intervenu dans des forums sur les Rolling Stones, tantôt en français, tantôt en anglais, notamment sur le forum international It's only rock'n'roll. C'est moi qui ai diffusé sur le net la source de chansons célèbres des Rolling Stones.
J'ai remarqué il y a quelque temps que, dans un livre français récent où il était question des Stones, l'auteur évoquait certaines de mes sources en disant que certains journalistes et certains internautes avaient considéré que "Under my thum" était inspiré par un titre des Four Tops et "Paint it black" par une chanson des Supremes. Cela vient de moi.
Je vais profiter de cet article pour préciser mes découvertes en la matière, découvertes plus anciennes ou plus récentes, découvertes déjà mentionnées pour partie sur ce blog, pour partie sur mon blog littéraire sur Rimbaud.
Dans un premier temps, j'ai découvert l'influence de chansons soul sur les Rolling Stones. Mon premier grand coup a été la chanson Paint it black et une mise en relation avec The Supremes.

Paint it black

Je prétends que "Paint it black", dont un récit à moitié fouillé circule dans bien des livres pour expliquer non pas la composition mais la genèse et l'esprit de l'interprétation définitive, est une composition démarquée de la mélodie du titre "My world is empty without you" des Supremes, ce qui en a convaincu quelques-uns visiblement, les esprits curieux et mélomanes en tout cas.
Pour bien montrer que je vais dire de l'inédit, je prends le livre Les Rolling Stones : La Totale, les 340 chansons expliquées de Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon. Ce livre a été publié en 2016 aux éditions E/P/A - Hachette Livre. Le dépôt légal est d'octobre 2016, la fin d'année donc. L'achevé d'imprimer date du mois d'août de la même année. Je prends ces informations à la page 704. Il s'agit d'un épais volume et donc d'un gros projet. Le livre commente l'ensemble des chansons éditées officiellement par les Stones, avec au moins une exception, mais je ne l'ai pas en tête, une chanson de The Rolling Stones, now ! je pense. Les auteurs sont forcément bien informés sur ce qui a déjà pu être écrit, et mon lecteur pourra ainsi mesurer que je suis sérieux quand je revendique avoir fait des découvertes.

Sur "Paint it black", il faut se reporter aux pages 168 à 170, ce qui fait trois pages à remplir avec du texte, deux colonnes par page. Avouons qu'il y a une photo qui prend de la place sur la page 169 et une petite encore sur la page 170.. La première page contient des blancs et des petits encarts du genre un rectangle sur les reprises ou "covers", un autre d'information sur la virgule du titre "pour les stones addicts". Mais bref, on a un article avec une partie "Genèse" et une partie plus longue "Réalisation". La partie "Genèse" est sur deux pages, elle représenterait une colonne d'une page. Elle compte quarante et une lignes. La première comprend 62 signes en comptant les blancs chacun pour un signe. Les signes de ponctuation ne sont pas surabondants, je compte quand même les signes de la première ligne du second paragraphe où figurent une virgule et un point. Cette fois, nous avons soixante-cinq signes, mais j'ai compté outre les blancs une virgule et un point, deux apostrophes et un trait d'union de fin de ligne pour le mot "pre-mière" qui est découpé. Bref, pour la Genèse, nous avons deux pages d'un livre au format in-octavo, au format d'un livre de poche. En réalité, ce chapitre de genèse s'interroge sur le sens des paroles sur une vingtaine des lignes, ce qui n'a rien à avoir avec la genèse, mais on verra que ça va nous intéresser malgré tout. En effet, nos auteurs s'interrogent sur le sens de la chanson.  Ils rejettent des interprétations qui ont pu être proposées : rien à voir avec l'angoisse de la guerre du Vietnam, ni avec une rupture vécue par le chanteur Mick Jagger. Il s'agirait d'une "métaphore sur la mort" ce qui est un peu vague ou bien d'un mauvais trip sous acides, ce qui est résoudre les difficultés à bon compte. Le premier couplet a tout de même l'air de parler d'un amant qui a perdu son amie, nous avoue-t-on. Puis, on a droit à une hypothèse selon laquelle parlerait en 1966, avant le "summer of love", bien avant 1969, d'un "désenchantement" etd'un sentiment d'échec de la contre-culture sixties. Les auteurs pensent par ailleurs que la porte rouge est une métaphore pour le coeur et que le chanteur voudrait peindre du coup son coeur en noir.
Pour moi, j'estime que la porte rouge est ce que le chanteur prétend qu'elle est, d'autant qu'une porte a des valeurs symboliques : "I see a red door and I want it painted black", par son geste le chanteur détruit le caractère accueillant de la porte et dément sa force de vie. "No colors anymore" poursuit-il, toutes les couleurs il veut qu'elles tournent en noir chante-t-il. La chanson parle d'une mort insupportable, et précisément de celle de l'être aimé, d'une femme. Le chanteur est dérangé par les filles qui passent et il doit détourner la tête, car elles ravivent une souffrance qu'on s'expliquerait mal s'il n'était question de la mort de la femme aimée. Je ne suis pas trop doué en anglais, mais je relève la parole suivante avec les fleurs et la mention "my love" : "I see a line of cars and they're all painted black with flowers and my love both never come back". La file de voitures évoque une suite funèbre de corbillards. Les fleurs sont mortes et avec elles il y a l'amour du chanteur "my love" qui ne reviendra jamais.Je relève aussi cette autre ligne de la chanson : "My love will laugh with me before the morning comes". Mon amour rira avec moi afant le lever du jour. Le chanteur semble victime d'une ironie du sort au plan amoureux. Il chante sur un mode absolu, jusqu'à effacer le soleil dans le ciel, parce que sa compagne est morte. Il parle de regarder à l'intérieur de lui-même en se sentant incapable d'accepter les faits et il y a un tutoiement intéressant qui montre que la chanson s'adresse à cette femme par-delà la mort : "I could note foresee this thing happening to you". Je ne pouvais pas prévoir ce qui t'arrive, phrase peu précise, mais dans le contexte elle s'en passera volontiers. Il s'agit d'une adresse impuissante à une défunte qui précipite la fin du chant qui se radicalise avec le voeu d'un ciel noir comme du charbon. En résumé, il s'agit d'un deuil amoureux absolu où le parolier a estompé l'expression plus mièvre du sentiment amoureux, comme l'expression du désir érotique. On verra tout à l'heure un autre développement à ce sujet.
Après s'être intéressés au sens des paroles, Margotin et Guesdon expédient l'idée de sources à la composition : "Quant à la mélodie, elle est de Keith Richards" Une citation de Keith Richards accompagne la remarque où il fait entendre que la chanson a une allure juive et serait un peu une sorte de "Hava Nagila", chanson traditionnelle juive très connue, très populaire et très présente dans les petits concerts, etc., en-dehors même de la communauté juive. En fait, la progression de la chanson ferait penser à une chanson juive, on a déjà parlé de chanson d'allure orientale qui faisait penser à une chanson comme il y en a dans les mariages juifs, ce que je n'ai pas pu vérifier, mais il y a un rythme à la juif bien connu qui consiste à accélérer le rythme. Les Rolling Stones l'exploitent sur la chanson "Cool, calm and collected" qui figure l'année suivante sur l'album Between the buttons. D'après le livre de Margotin et Guesdon, "Paint it black" est une chanson enregistrée entre le 6 et le 9 mars 1966, tandis que "Cool, calm and collected" aurait été enregistré d'abord du 3 au 11 août 1866, puis du 8 novembre au 6 décembre 1966. Pour "Cool, calm and collected", on a avec Glyn Johns, parmi les ingénieurs du son Dave Hassinger et Eddie Kramer. Pour "Paint it black", Dave Hassinger est le seul ingénieur du son référencé. Je ne prêterai aucune initiative à Dave Hassinger. La légende veut qu'il ait été surpris par l'allure juive de la chanson "Paint it black", mais c'est ce que j'ai lu dans l'un ou l'autre livre. Mais, en gros, on comprend que les Rolling Stones avaient eu des occasions d'entendre des chansons traditionnelles juives. Pour "Cool, calm and collected", nos auteurs ne parlent pas de rythme à la juif, ils préfèrent une allusion plus vague à l'influence des Kinks qui auraient poussé les Stones à s'intéresser au music-hall (vaudeville). Une allusion aux Kinks n'est pas faite pour me déplaire, mais je ne crois pas me tromper. Il est évident que "Cool, calm and collected" bascule dans une accélération rythmique vers la fin.


La fin du chapitre de genèse parle du succès du titre, nouveau numéro 1, et de l'utilisation du sitar à laquelle les Beatles ont déjà procédé avec le jeu de George Harrison sur "Norwegian wood", mais il conviendrait de parler du style oriental de "Heartful of soul" des Yardbirds si une querelle d'antériorité devait se développer.
Le" chapitre "Réalisation" parle de Jones et du sitar à nouveau, En revanche, il était obligé que nos auteurs parlent de la légende entretenue par les intéressés eux-mêmes selon laquelle, alors que nos artistes peinaient à trouver une interprétation solide pour la composition, Bill Wyman a trouvé la formule et le rythme du morceau en jouant d'un orgue. La chanson serait partie sur des bases "trop funky", ce qui ne veut rien dire de précis à cause de l'espèce d'anachronisme à parler de funk en 1966. Quant au jeu de batterie, Charlie pense qu'il vient d'un titre de la Motown, tiens !, mais il ne parle pas des Supremes, peut-être pour ne pas vendre la mèche, mais du "Going to A Go-Go" de Smokey Robinson and the Miracles. Les parties guitares sont l'oeuvre du génie de Richards pour finri notre revue.
On comprend que tout ce qui est dit là n'a rien négligé des publications sur les stones, notamment en anglais.
Passons maintenant à ce que j'ai à dire personnellement.
"Paint it black" est inspirée de la mélodie du refrain de "My World is empty without you", le "painted painted" martelé vers la fin de la chanson vient du chant "Baby Baby" et "burning burning" de la chanson "Where did our love go" des Supremes, chanson à laquelle les Stones ont également repris le motif particulièrement percutant à la batterie. L'orgue Hammond est présent sur la chanson "My world is empty without you", c'est même une caractéristique importante de la chanson. Si Bill Wyman a joué de l'orgue ainsi que de la basse sur le morceau, ce n'est pas parce qu'il joué par hasard de l'orgue, mais parce que c'était une caractéristique de la chanson qui a servi de modèle. Il est possible que Billl Wyman ait apporté une solution pour l'interprétation, mais si tel doit être le cas ce ne sera jamais que par un souci de revenir au plus près du modèle. Enfin, le style funk n'esdt pas défini en 1966, mais l'expression faisait déjà son chemin puisque les Supremes chantent accompagnées par une formation de studio appelée The Funk Brothers.

Qui sont les Supremes ? C'est le groupe phare de la maison de disques soul située à Detroit, la légendaire Motown, rien que ça ! Il s'agit d'un groupe qui a de nombreux numéros 1 en tête des charts de 1964 à 1966, en pleine Beatlemania. Il s'agit d'un groupe féminin dont le succès est l'un des plus importants qui aient jamais été. Des chansons des Supremes sont joués dans les boîtes de nuit dans les années 2000. Diana Ross est l'une des plus grandes vendeuses de l'histoire du disque, déjà par sa carrière avec les Supremes, puis par ses succès en solo ou en duo qui ont suivi. Elle est au sommet des ventes de disques avec les Beatles, Elvis Presley, Stevie Wonder, Michael Jackson, les Bee Gees et les Rolling Stones. La chanson "My world is empty without you" est un des rares titres à ne pas atteindre la première place des charts américains. Elle fut quand même classée cinquième. En revanche, Where did our love go fut le premier numéro 1 du groupe en 1964, et d'autres numéros 1 ont suivi : Baby love, Stop ! in the name of love, Back in mpy arms again et une reprise de Don Covay Come see about me. Les Stones ont repris "Mercy Mercy" de Don Covay. Nous connaissons tous par ailleurs les chansons "Can't hurry love" ou "You keep me hangin' on" des Supemes. Enfin, "Where did our love go" et "My world is emptu without you" sont deux compositions du légendaire trio Holland-Dozier-Holland qui est derrière un grand nombre titres majeurs de la maison Motown pour d'autres artistes.
La vraie nouveauté est sans doute le style orientalisant : sitar, allure de marche turque de la chanson, sorte de finale en crescendo qui se situe entre le rythme du boléro de Ravel et l'accélération du rythme à la juive comme cela sera plus manifeste sur "Cool, calm and collected".
La chanson "Where did our love go" est un succès de 1964, mais "My world is empty without you" est une chanson enregistrée en 1965 qui a atteint la cinquième place des charts au début de l'année 1966 avec un passage télé au Ed Sullivan show le 20 février 1966, quand la chanson des Stones a été enregistrée au RCA Studios, à Hollywood, du 6 au 9 mars 1966. Le titre est sorti en mai 1966. Pour s'éloigner du modèle, certains ingrédients ont compté : le style oriental, la transformation plus rock d'une chanson d'amour. L'orgue est commun aux deux chansons, mais les stones recourent aussi au sitar, au tambourin, aux bongos, aux castagnettes et à la guitare acoustique, et même au piano.

Traitons de l'autre idée forte. Les Stones se sont inspirés de deux chansons des Supremes. Pour la fin du morceau, la crise du chanteur est cristallisée par le martèlement du mot "painted". Les Rolling Stones se sont inspirés du chant de Diana Ross qui martèle mais avec douceur le mot "baby" dans "Where did our love go" : "baby baby...". Mick Jagger a repensé cela en une formule plus rock, sans le côté "guimauve" des Supremes. C'est devenu "painted painted..." Je ne veux pas parler péjorativement quand je dis "guimauve", les Stones n'y étaient pas insensibles quand on juge de la première composition créditée Jagger-Richards en 1964 "Tell me (you're comming back to me)". J'aime bien d'écouter une chanson mièvre de qualité ou une pièce montée pleine de tendresse. Ce qui est certain, c'est que les Stones ont voulu donner un 45 tours à image rock et, du coup, les paroles de la chanson ont abouti elles aussi à une surprise. Paint it black est une chanson de deuil assez obscur qui ne se veut pas, du moins pleinement, une chanson d'amour. Ce choix a surpris, on a demandé des explications. Ce deuil est-il d'amour ? Ce deuil cache-t-il un discours de subversion sociale ? En fait, la chanson modèle "My world is empty without you" a imposé par ses paroles le thème du deuil à la musique, et les Stones ont travaillé à éviter le thème du manque amoureux un peu mièvre. L'érotisme latent est évité également pour une radicalisation de l'âme en souffrance.
Ce que je dis est d'une cohérence forte. Les gens évidemment n'ont pas développé mon raisonnement sur les paroles, ici inédit même si j'ai pensé à cela dès que j'ai identifié la source de "Paint it black". Les gens qui ont admis l'influence de "My world is empty without you" n'ont pas intégré l'importance du passage de "Baby Baby" de Diana Ross à "painted painted" de Mick Jagger, peut-être parce que c'est une séquence courte qui du coup doit paraître ou suspecte ou insignifiante, alors qu'elle en dit long sur la méthode de composition des Stones.

J'e peux encore en rajouter. Le morceau "My world is empty without you" commence par quelques secondes de batterie, tandis que "Paint it black" commence par un solo de guitare et se termine par un crescendo genre boléro de Ravel où la batterie a compté.
Je mets donc en lien la chanson modèle.


Puis, je cite donc l'autre modèle pour un extrait de la chanson des Stones, le "painted painted". J'offre ici une interprétation live pour deux raisons. D'abord pour donner de la saveur au lien, mais ensuite parce que le rythme est percutant, syncopé, avec une intro de batterie qui tape sec, ce qui ajoute à la réflexion qu'on peut avoir dans le passage des deux chansons des Surpemes au titre des Stones. Il est encore question de séparation amoureuse dure à vivre. A côté du "baby, baby" remarquez un autre martèlement "I've got his burning, burning" qui conforte l'idée de genèse par cette chanson du "painted painted" stonien.


Ici, un passage par la chanson des Stones s'impose. A vous d'opérer les comparaisons, je vous ai guidé pour ça.


Comparons quelques paroles.

La chanson "My world is empty without you" correspond à la ligne de refrain, moins l'apostrophe "baby" cliché du chant de Diana Ross.  Au début du premier couplet, il est question de solitude "And as I go my way alone", une solitude dure à supporter. Au début du second couplet, nous notons la mention de "this old world". La chanteuse parle alors de cacher son visage "From this old world / I try to hide my face". Il est question d'une maison froide et vide, mais aussi d'une prostration dans l'obscurité dans le ruminement des souvenirs : "Inside this cold and empty house I dwell / In darkness with memories". Le mot "darkness" revient une deuxième fois dans la chanson, il figure à nouveau dans le troisième couplet après un éloquent "Since love between us / No more exist", voici cette ligne "And each time that darkness falls / It finds me alone / With these four walls". La chanson revient au refrain pour finir. Nous sommes encore dans le classique refrain / couplet / refrain / couplet / refrain / couplet / refrain.
Les Rolling Stones ont brouillé la délimitation couplets / refrains, du moins un tout petit peu, et en tout cas ils ont opté pour une espèce de finale. Mais, ils ont reprise la mention "darkness" qui revenait deux fois dans la chanson des Supremes. L'originalité, c'est que l'emprunt aux Supremes est déplacé dans un autre emprunt plus large, puisque la phrase "I have to turn my head until my darkness goes" serait une citation authentique du roman Ulysse de James Joyce. Le double meprunt ne change rien à l'affaire. Les mentions "world" dans la chanson des Supremes ont également été prises en compte, fût-ce involontairement, dans les paroles de "Paint it black" avec la ligne suivante : "It's not easy facing up when your whole world in black". Les expressions rapprochées "facing up" et "face the facts" font écho quelque au "hide my face" de Diana Ross. L'envie d'un enfoncement dans la dépression en peignant tout en noir inverse également l'appel au secours de la fragile Diana Roos, dont j'aurais dû rappeler plus haut que la fragilité de sa voix est un des charmes qui fonde en partie son succès et qui livre une sorte de signature typique de sa part. Or, la chanson "My world is empty without you" se termine malgré l'appel au secours par un abandon apathique énervé par la présence de quatre murs. Il me semble bien significatif que la chanson des Stones commence par mentionner une porte et que le finale soit la négation du soleil et du ciel, situation d'extérieur qui n'empêche un anéantissement dans une sorte de peinture en noir qui s'applique en principe aux murs qu'on peut avoir autour de soi. Ilest clair que la mention finale des quatre murs chez les Supremes explique la métaphore de la peinture appliquée à une porte et au soleil dans "Paint it black". Diana Roos parle de ce qu'elle ressent en elle "inside me" quand Jagger regarde en lui-même "inside myself". Tout se répond entre les deux chansons, ou peu s'en faut.
La chanson "Where did our love go" a inspiré une variante rythmique du chant : on passe du délicat "baby baby" à l'agressivité sombre et masochiste du "painted painted". A noter que la chanson "My world is empty without you" d'un album intitulé "I hear a symphony", la chanson "I hear a symphony" ravive l'espoir et joue elle aussi sur la répétition "baby, baby". Mais dans "Where did our love go", il est question de rupture. Un homme est venu dans le coeur de la chanson, mais il ne veut plus d'elle désormais. Et Diana martèle ainsi un autre mot significatif "burning burning". "I've got this burning, burning". D'ailleurs, je dirais que les Stones jouent rythmiquement sur une rallonge d'une syllabe. La phrase "I wanna it painted painted" a la longueur de "I've got this burning burning", mais alors que Diana Ross passe à la ligne suivante du chant, Micdk Jagger casse le rythme, crée l'excroissance d'une syllabe pour une phrase qu'il faut bien finir, et il ajoute "black". On ne le voit très bien dans le chant le détachement du mot "black". Parfois, cela peut s'exprimer par la triplette de "painted". "I wanna it painted painted... painted black".
Enfin, dans "My world is empty without you", nous avons une ligne "No more exist", dans "Where did our love go" une ligne "Don't you want me no more" et la deuxième ligne de "Paint it black" est "No colors anymore, I want them to turn black".
Voilà, j'en ai assez rassemblé pour asséner que les Rolling Stones se sont inspirés d'au moins deux chansons des Supremes pour composer "Paint it black", "My world is empty without you" et "Where did our love go", deux chansons sorties en 45 tours, l'une célèbre numéro 1 de 64, l'autre interprétée moins de vingt jours, voire quinze jours avant l'enregistrement stonien.
D'autres révélations vont suivre. Au passage, une idée inédite : les percussions de "Sympathy for the devil", il se trouve que deux chansons m'y font automatiquement songer, les débuts de deux chansons sur l'album Love child des Supremes. Les chansons sont strictement contemporaines "Honey bee", "He's my sunny boy" et "Sympathy for the devil". Quelque chose pour l'instant m'échappe. L'album Love child. L'album Love child a été enregistré du 17 février au 2 octobre 1968 et il est sorti le 13 novembre 1968. La chanson "Sympathy for the devil" a été enregistrée du 4 au 10 juin 1968, et la sortie sous forme de 45 tours a eu lieu le 6 décembre 1968. "He's my sunny boy" est une chanson de Smokey Robinson and the Miracles, un autre artiste Motown majeur très prisé et suivi par les Stones. Sur "Honey bee", je manque d'informations. En gros, je pense que les percussions sur "Sympathy for the devil" s'inspirent du travail des musiciens studio de la Motown à l'époque. Ils ont dû jouer un rôle déclencheur, mais je ne sais pas encore comment l'établir. Cela n'a pas l'air de venir de sorties anticipées des 45 tours, il doit y avoir une explication, mais pour l'instant ça m'échappe.

He's my sunny boy des Surpemes (composition de Smokey Robinson.



Par ailleurs, le titre "You'll keep me hangin' on" a un début remarquable. La chanson est inévitablement célèbre, tant elle a été reprise, tant elle passe à la radio.


Ce procédé du son qui donne l'impression d'une roue à la guitare, ou si vous l'entendez différemment qui correspond à une syncope sautillante, a été repris par Billy Nicholls sur son unique album demeuré inédit à l'époque. Nous l'avons, nous public, découvert dans les années quatre-vingt-dix. Je cite juste le titre suivant...


Or, non seulement Billy Nicholls est devenu un producteur des Who dans les années soixante-dix, mais Pete Townshend, le leader et guitariste des Who fit partie des rares à posséder un exemplaire de l'album Would you believe de Billy Nicholls en 1968. Les Who n'ont pas sorti d'album en 1968, mais en 1969 il fallait sortir l'album concept Tommy, une erreur prétentieuse, un opéra rock avec une histoire liant les chansons entre elles, une erreur qui a contaminé les Kinks, d'autres également. Malgré l'erreur d'approche, le double album Tommy passe encore bien, mais comme il le raconte dans sa biographie la chanson "Pinball Wizard" a été composée tout à la fin, parce qu'il manquait un titre rock pour accrocher le public et faire un hit à ce double album. Or, "Pinball Wizard" est la troisième phase de développement du procédé guitare en intro après la chanson des Supremes, après la chanson de Billy Nicholls. Pete Townshend est autant fan des Surpemes que les Stones, il reprend par exemple une composition Holland-Dozier-Holland pour un autre groupe féminin de la Motown. La chanson "Heatwave" de Martha Reeves and the Vandelals figure sur l'album de 1966 des Who "A quick one". Il y a certes tout un déploiement intelligent, mais la base du procédé est là.


Je vais commenter d'autres emprunts dans les autres parties de cet article, puisque j'ai des sources pour "Under my thumb", "Satisfaction", "Jumpin' Jack Flash", "It's only rock and roll" des Stones, d'autres encore d'ailleurs, j'ai des sources pour "Magic bus" des Who ou pour "Headin' for the Texas border" des Flamin' Groovies.
Après, mon approche n'est pas pour fustiger. Je suis passionné par la musique des Stones, je vois du génie dans la façon dont les modèles sont revisités, et de toute façon la part de plagiat me renforce dans la conviction que je n'aime décidément pas pour rien ces chansons, car elles ont des origines, il s'agit de choses excellentes peaufinées, revues, recombinées.

A suivre donc...