jeudi 30 juin 2011

18. The Pretty things : Pure and pretty (bootleg) / Emotions (rééd. CD et bonus tracks)

Attention, il s'agit hélas des versions officielles avec des arrangements pourris.

Et pour illustrer les autres plages du CD Pure and pretty


Celui-là, imparable!

En principe, ce CD est introuvable sur le marché. Il contient 14 titres, mais c’est aux sept premiers qu’il doit son nom Pure and pretty. Il s’agit des enregistrements originaux en 1966 de sept chansons qui allaient paraître sur le troisième album du groupe Emotions en 67, mais en étant renforcées malencontreusement d’arrangements orchestraux prétendûment à la mode d’une époque. Ces arrangements allaient contre la volonté du groupe apparemment et il est incontestable qu’ils gâchent et rendent par moment ridicule l’album Emotions, malgré la force des compositions. Les bourdes de la maison de disques furent impressionnantes et plus d’un fan rêve de retrouver les enregistrements sans de telles fioritures. La réédition CD a fait un effort en ce sens avec quelques bonus tracks délestés de ces gros arrangements. Ceci dit, non seulement il nous manque un nettoyage complet, ce que certaines pages en anglais sur le net essaient de proposer à partir d’habiles remixages à appliquer à nos plages CD, mais les sept versions que nous avons ici sont encore plus crues, plus pures que les bonus tracks légués en compensation. En contre-partie, nos sept titres n’ont pas une qualité sonore impeccable. Peu importe, car cela n’empêche pas l’oreille de se mettre au diapason rock des musiciens. Voici la liste des sept titres : One long glance, The Sun, There will never be another day, My time, Out in the night, Bright lights of the city, Photographer.
Les Pretty things n’avaient pas le perfectionnisme des Stones, ni le sens de la composition entière et complète, mais quelque chose d’âpre et génial. Il s’agit essentiellement de titres rock entraînants. Le premier titre One long glance a un enregistrement qui crache ou résonne un peu, surtout au début. Cela s’oublie ou disparaît pour toute la suite des sept titres. Le rythme est matraqué à la batterie, mais de manière géniale. Lui aussi très syncopé, le piano donne un son en contrepoint à l’agressivité des autres instruments et du chant. Ce dernier joue sur quelques effets d’étirement, mais qui conservent une tension. On sent des vides permettant l’introduction d’instruments complémentaires. Le morceau donne une pêche matinale. Les mélodies et harmoniques autour du piano créent parfois un son chaotique limite, mais intéressant. Avec son petit solo suraigu en intro guitare, sa ligne de basse accentuée, sa reprise entre les couplets qui se tient sans apport et avec sa super voix qui balance le couplet jusqu’à l’escarpement du refrain, There will never be another day est un super rock, dont seule la note syncopée aigüe de guitare pendant les couplets appelait un autre travail, tandis que le titre finit abruptement. On se rappellera l’intro gâchée sur Emotions par ce qui ressemble à une sirène de paquebot. Le titre My time est un superbe rock hypnotique avec une très fine orchestration, des harmonies de courts motifs divers superposés, mais uniquement à partir des instruments d’un groupe de rock de base. Il y a un peu de soufflerie, quelques sons à corriger. La basse est bien présente et fait tenir le morceau. Nulle question d’aller ajouter de la fanfare à ce rock, et pourtant... Out in the night a une intro négligée, mais elle donne paradoxalement du relief à la nonchalance du chant. Le dépouillement de la chanson est très agréable. Encore une fois, l’oreille n’a qu’à se concentrer sur les charmes perfides du chant, le martèlement rythmique, et les phases de concentration musicale en fin de couplet. Il est parfaitement agréable d’apprécier la présence sourde de la basse dans les « silences » du morceau. C’est un groupe rhythm’n’blues du note par note. Brights of the city débute par une succession mélodique qui surprend. La finition du titre n’est sans doute pas au rendez-vous pour une composition très bonne en soi avec les plans variés et subtils du chant. Il y a déjà ces lignes vertigineuses et descendantes de piano vers les deux tiers du morceau avec hachoir rythmique en contrepoint à la batterie. Photographer est un super hit potentiel, dansant, avec un piano qui balance de l’ambiance collective. Une super ligne grave entre les couplets avec un gong de batterie, un super chant rapide et affecté, un titre qui revient à tue-tête et qui est habilement délité dans le finale.
  Mais il y a au moins une plage dont je veux parler, c’est The Sun. Une ballade d’une classe infinie, et poignante. Un thème au piano, un timbre vocal, une légèreté à la batterie, une harmonie incroyable d’une basse discrète appuyée sur peu de notes. Une batterie qui crée des breaks entre les plans, mais toujours sur le même mode de légèreté sonore feutrée. Et, en avant, ce chant d’une mélodie parfaite, avec ces effets de sauvagerie latente, notamment dans la répétition « and your tears » qui fait que ce poème triste ne saurait être confondu avec du larmoyant. Le finale de piano a quelque chose d’une petite chute de notes de musique classique et j’ai trouvé un super temps d’enchaînement pour faire revenir le titre en boucle en redémarrant très habilement sur le piano d’introduction. Mais, pas la peine de jouer. Le titre est une pure merveille, dont le frisson triste aurait à voir avec le caractère fortifiant des murmures d’une forêt.
 Il se trouve que j’ai connu le CD Pure and pretty avant Emotions et ses bonus tracks. Le titre The Sun m’a hypnotisé et, bien sûr, il reste à jamais gravé dans ma mémoire dans la version de ce bootleg. Les deux autres versions avec les cordes font sentir que le morceau est superbe, mais ni la version de l’album ni la bonus tracks ne rivalisent avec celle-ci qui est un chef-d’œuvre de rythme par ses silences, son lent déploiement, son chant note par note. Les Pretty things avaient sorti deux albums en 1965 et le deuxième Get the picture atteignait des sommets avec Can’t stand the pain et consorts. Je suis moins séduit par SF Sorrow et Parachute que par la perfection du second Get the picture et les sept titres du présent Pure and pretty. On est selon moi passé très près du chef-d’œuvre et quel drame que les arrangements bidons de la maison de disques fassent passer cet album pour le mauvais canard de la première série de cinq des Pretty things.
Bon, ne surtout pas faire de publicité, se retenir, soit, mais je cite quand même les autres titres du CD et le petit texte qui présente nos sessions originales pour Emotions. Le huitième titre n’est autre que Midnight to six men, bombe rock qui rend fou et qui figure, en tant que single, parmi les bonus tracks du second album. La plage treize est la reprise de la superbe création psychédélique Renaissance fair, titre de l’album Younger than yesterday des Byrds qui a inspiré SF Sorrow. Rainin’ in my heart et la reprise de Bo Diddley Road runner nous renvoient également aux deux premiers albums de rhythm’n’blues anglais de 65. En revanche, nous basculons dans le psychédélisme SF Sorrow pour ce qui est des quatre derniers titres. On ne boudera pas le son du bootleg, avec de pareils cadeaux.

Tracks 1-7 are the original recordings from the « Emotions » LP – sessions 1 in 1966, as the Pretty Things played them live in the studio. Pure and pretty without the annoying overdups and overproduction which were designed to « sweeten » the Pretties’ sound, but in truth never suited their musical style !

Track 8 is from BBC – TV. « A Whole scene goin’ », November 1965.
Introduction / Midnight to six men
[NB : le CD crée une plage à part pour l’introduction radiophonique, ce qui nous conduit à 15 titres et fausse la symétrie avec les 14 tracks de la pochette]

Tracks 9 and 10 are from German « BEAT – CLUB »-TV, December 1965.
Rainin’in in my heart
Road Runner

Tracks 11 and 12 are BBC – radio – recordings, 1968 and 1970 respectively. Both tracks were never released officially.
Turning my head
Spring

Bonus tracks :
The last two tracks were recorded live in Amsterdam, March 29, 1969. They give a rough idea of how the Pretty Things sounded live during their psychedelic phase.
Renaissance fair
Talkin’ ‘bout the good times


Il semble qu’il y ait une tolérance pour récupérer les enregistrements bootlegs sur le net, celui-ci doit sans doute se trouver quelque part. On ne paie que le serveur upload/download. Pour l’exhiber, j’aimerais au moins trouver la version parfaite de The Sun sur youtube, mais dur d’y arriver. Côté Pretty things, il me reste un gros coup dans la série collector’s. J’avais depuis des années le volume More Electric banana, mais il me manquait toujours Electric banana (je parle des CD, pas des vinyles, car les mêmes titres n’ont pas le même contenu !). J’ai racheté le second volume avec le premier à un prix élevé, 140 euros environ. Mais, c’était indispensable. J’en reparlerai. A part l’intégrale de The Choir et Rest in P d’Eddie Hazel, c’est les seules fois où j’ai payé un peu cher un CD.
La réédition CD donne en bonus tracks quatre titres de l’album délestés des arrangements outrés et outrageants, ce qui est peu. Les versions de Pure and pretty sont nettement plus prenantes, âpres et sans production lisse, vivantes et agressivement rock. The Sun est un peu trop sérieux, trop recueilli en comparaison de la merveille blues qu’on entend sur Pure and pretty. Que dire alors des titres tels qu’ils figurent sur l’album. Avec l’arrangement de violon, The Sun est la chanson qui s’en sort le mieux, mais, du coup, l’auditeur n’imaginera même pas que le morceau a été gâché et ce qu’il pouvait y avoir au départ. Quand même, au milieu du titre, des effets de scie violoneuse ridicules et du plus mauvais effet. La batterie a l’air d’une pendule. Ce n’est plus l’état de grâce. Le finale au violon est lamentable, déjà à comparer au bonus tracks. Que dire de There will never be another day, l’intro sur l’album n’est pas simplement une sirène de bateau quittant le port, c’est carrément un éclat pètomane, bientôt suivi par une trompette qui nous apprend que les Pretty Things c’est La croisière s’amuse. Et les trompettes ne se gênent pas pour crier et imposer leurs motifs. Le morceau semble avoir été méticuleusement défiguré. Scandaleux. La violence criarde des cuivres revient dans le titre final My time. La sirène se fait menace en sourdine et l’intro se fait surprise par un grand coup de trompette. Pourquoi ne pas enregistrer le cri d’un enfant qui voudrait faire peur à l’auditeur tant qu’on y est ? La mélodie des cuivres prend des libertés sidérantes. Ce ne sont plus des arrangements, le pas est pris sur la création. On entend tout à fait autre chose que ce qu’on devrait apprécier. Une autre musique prend le dessus qui n’a rien à voir. Les variations de timbre des cuivres donnent l’impression d’un naufrage, ce qui assure une sorte de fin ponctuée à l’album, mais quel culot !
La trompette revient sur Photographer et ce n’est toujours ni celle du C.A. Quintet, ni l’équivalent du saxophone du groupe de Little Richard. La présence est envahissante, la trompette prétend faire le riff et la note ronflante de bruit discordant prolongé est particulièrement affectionnée. Les trois autres titres sauvés sur Pure and pretty (Bright lights of the city, Out in the night) sont massacrés de la même façon. Encore une fois, avec Bright lights of the city, on dirait qu’invités un dimanche chez Jacques Martin les Pretty Things sont généreusement accompagnés par l’orchestre de son templs du dimanche. Retour aux cuivres, je vous laisse admirer les parties triomphales sur Out in the night. La mélodie du chanteur est carrément étouffée. Le titre One long glance a été épargné, il n’y a pas de cuivres et les fautes d’arrangement sont discrètes.
Maintenant, il reste les titres pour lesquels nous n’avons ni bonus tracks non arrangés, ni versions âpres et parfaites des premières sessions d’enregistrement. On peut le regretter pour Death of a socialite où le violon et la trompette ne sont pas, en tout cas pas tout à fait continuellement, hyper agressifs. Quelle perte ! Le morceau est vertigineusement superbe et il y a même une ligne de cuivre qui arrive à participer du vertige, sauf à boucler le morceau bêtement. Children est quasi épargné, encore qu’il y a une contribution qui vaut encore son pesant de cacahuètes. Mais comment peut-on en arriver là alors que la composition joue sur un creux dramatique avec des bruits d’enfants dans le lointain et une finale de batterie au son mat ? On peut penser que les arrangements transforment insensiblement les blues forts House of ten ou Growing in my mind en morceaux classieux de bonne société qui coincera le CD entre je ne sais quel violoneux à la mode de musique classique bas de gamme et tel chanteur romantique en haut des charts la semaine précédente. La production de Tripping n’est pas parfaite, mais au moins la parade est trouvée avec une composition rebelle aux arrangements de cuivres, un bon rhythm’n’ blues un peu stonien 65 avec une contribution guitaristique suffisamment profuse que pour empêcher l’immixtion d’incongruités.
Le tour de l’album étant fait, on peut préciser qu’il reste encore quelques bonus tracks deux versions différentes de la reprise du titre Progress et la reprise single des Kinks A House in the country qui n’est toutefois pas l’interprétation la plus mémorable. Décidément, même une reprise de géants comme les Kinks ne parvient pas à remettre notre produit sur les rails. Bon, j’ai le CD en digipack avec un épais livret que je n’ai même pas lu cette fois-ci, et il se trouve que je ne sais même pas de qui est la reprise de Progress, composition de B. Halley et C. Spencer. Boah, j’ai le droit d’avoir la flemme. A bientôt.

17. Gene Clark : No Other (1974)



Je compte présenter plusieurs albums de Gene Clark dans cette série. Il est indispensable de parler de Roadmaster ou de l’album avec les Gosdin Brothers, comme de White light. Je parlerai ici de No Other en premier, pour plusieurs raisons. Il s’agit du premier album solo que j’ai connu de Gene Clark, et donc du premier album d’un Gene Clark sans les Byrds qu’il m’ait été donné d’apprécier. C’est en même temps le dernier chef-d’œuvre. Et pas n’importe lequel. Une sale réputation de surproduction lui colle à la peau à la différence des plus purs Roadmaster et White light, une surproduction qui s’entend qui plus est. Mais, je ne la perçois pas ici comme un défaut et je suis complètement pris par cet album avec ses chœurs féminins en plus, avec ses grandes orchestrations soignées et la finition claire du morceau rendu lisse. L’album n’a eu aucun succès et ne fut pas disponible avant longtemps en CD. Le CD tardif affiche désormais les huit titres de l’album, un titre inédit qui est une reprise de cet autre album dont je devrai parler The Fantastic expedition of Dillard & Clark : Train leaves here this morning (le co-auteur reprendra la titre sur le premier album des Eagles en 72), puis six versions différentes de huit titres de l’album, ce qui permet de mesurer l’importance des arrangements sur les versions définitives.
Le livret contient un texte de Sid Griffin du groupe garage The Long ryders, Gene Clark ayant joué avec eux sur l’album Native sons. Il contient ensuite un commentaire détaillé de Johnny Rogan, biographe des Byrds. Et c’est ici l’occasion de marquer mon étonnement. Mon coup de cœur va inévitablement au titre Silver Raven qui se démarque nettement de l’ensemble par le son, l’atmosphère et la poésie visuelle qu’il suggère. Toutes les chansons sont commentées, sauf celle-là. Pendant longtemps, je n’ai pas lu le livret et, du coup, c’est une vraie surprise pour moi, d’autant que les titres privilégiés sur le format 45 tours n’incluent pas ma référence : No Other, Life’s greatest fool, The true one, From a Silver Phial. Je suis aussi marqué par le titre original Strength of strings qui n’a pas ici de version alternative., pas plus que The True one. Mais, si je dois citer mes titres préférés, ce sera Silver Raven et No Other. Toutefois, ça se bouscule et les autres titres sont tout simplement sublimes. Il faut absolument se plonger dans Life’s greatest fool, From a Silver Phial, Strength of strings, Some misunderstanding ou Lady of the North. Tout respire la majesté du génie. C’est à l’évidence l’un des plus grands parmi les albums méconnus de l’histoire du rock. Intériorisation, orchestration, plénitude, cela devrait s’acheter aussi naturellement qu’un album des Stones, des Kinks, des Beatles, de Love ou de quelques autres. Gene Clark fut le grand génie des Byrds à leurs débuts et, si le succès n’a pas suivi sa carrière solo, le talent ne l’avait pas quitté pour autant. Une vraie touche de magie qui a pourtant l’aîr de jaillir d’une sorte de simplicité facilité. La voix est inévitablement mémorable et tragique. La couleur musicale témoigne d’un travail dans un esprit stonien que Clark a révélé évident avec certains titres des Byrds. Le titre The True One est un country rock dans un esprit qui correspond assez à certains titres d’Eddy Mitchell, mais la voix de Gene Clark ramène à lui le côté Sur la route de Memphis, tandis que l’instrumentation tourne avec cette maestria stonienne dont je parlais. Enfin, en contraste avec le montage rétro de la pochette, au dos on découvre une photo étonnante de Gene Clark maquillé et vêtu en tissu de toile légère comme une star du disco aux longs cheveux qui n’aurait rien à voir avec le country rock. Les paroles des chansons nous sont données, ce qui est intéressant vu la prégnance poétique de ces titres, sachant que Gene Clark n’était pas pour autant un grand lecteur, ce qui peut étonner à l’écoute de son œuvre lyrique.

16. Don Covay : Mercy + See-saw (two LP’s on one CD)/ The Platinum collection


Ceci n'est pas la bonne version de "Come see about me", c'est dingue la poisse!

A bas prix, on peut trouver une bonne compilation de Don Covay intitulée The Platinum collection, elle compte 22 plages de trois albums différents, 7 titres sur les 12 du premier album de 65 Mercy, 10 sur les 11 du second de 66 See-saw et 5 du troisième de 69 qui, dans mon souvenir, doit s’intituler Country funk. Une différence saute aux yeux. En plus du changement de style, trois des cinq titres de 69 ne sont pas des compositions de Don Covay. En revanche, les deux premiers albums ont une unité et une classe rhythm’n’blues sublime. Justement, plus difficile d’accès, les deux premiers albums de Don Covay ont connu une réédition sur un seul CD.
Don Covay n’est pas n’importe quel compositeur. Son célèbre Mercy, mercy a été repris peu après sa sortie par les Rolling stones, sur l’album même qui contient Satisfaction : Out of our heads. Le titre s’impose avec suffisamment de force que pour rendre curieux de l’œuvre de Covay. Aretha Franklin a repris les titres See-saw et Chain of fools, Chubby Checker a hérité du titre Pony time, Gladys Knight and the Pips a interprété Letter full of tears, Solomon Burke, autre référence bien présente sur Out of ou heads des Stones, a repris You’re good for me, Jerry Butler s’est intéressé à You can run (but you can’t hide) et Gene Chandler à You threw a lucky punch, le majeur Wilson Pickett a interprété Three time loser, Tommy Tucker Long tall shorty, Etta James Watch dog, Hank Ballard & the Midnighters The Continental walk et Steppenwolf Sookie sookie. Don Covay a même offert un titre à son idole Little Richard I don’t know what you’ve got but it’s got me. Enfin, l’influence a dû être réelle sur Mick Jagger qui semble s’inspirer à quelques reprises des phrases de sermon, des onomatopées au second degré et des phrases à voix forcée en marge du chant qui sont autant de petites caractéristiques de l’art de Don Covay.
En 1957, à 19 ans, Don Covay qui n’avait alors d’expérience musicale qu’au plan de l’Eglise a la révélation de Little Richard. De 57 à 64, nous avons droit à quelques titres épars composés par lui dont Believe it or not, Pony time, The Popeye waddle. Mais, à la fin de l’année 64, le titre Mercy, mercy atteint la 35ème position au Billboard. La face B serait le titre Can’t stay away. Avec son titre religieux, Mercy, mercy est un formidable rhythm ‘n’blues poignant qui révèle une voix grave et chaude, fine en mimiques. A l’évidence, le suivant hit Take this hurt off me exploite les points forts de Mercy, mercy. Les deux morceaux se ressemblent fortement, si ce n’est que l’un est coécrit avec le pianiste Ott et l’autre avec le guitariste Miller du groupe de Don Covay. Un premier album doit enfin suivre. Le second sera sous le nom de Don Covay, le premier l’est sous le nom de Don Covay & the Goodtimers. Un groupe anglais sixties tout à fait secondaire s’en inspirera : Don and the Goodtimes. Les deux succès récents ouvrent les deux faces du 33 tours, Mercy, mercy la face A et Take this hurt off me la face B. Ces deux titres sont présents sur la compilation The Platinum collection. Toutefois, celle-ci ne reprend que sept titres sur les douze que contenait le premier album. Parmi les cinq titres qui passent à l’as, il est des perles précieuses. Voici comment le livret du CD réunissant les deux premiers albums parlent justement des autres plages de Mercy !:

Alongside the two hits were more terrific originals, including the insistent « I’ll be satisfied » and « Can’t fight it baby, » a chunky « Daddy Loves Baby, » and the clever workout « Come on in » […] « You’re good for me » (previously cut by Don for Landa) and « Come see about me » (a holdover from his Columbia days) were splendidly revived, and remakes of the Impressions’ then-current hit « You must believe me, » a blues-tinged « Please don’t let me know, » and Lloyd Price’s’57 hit « Just because » rounded out the album.

Les 9 autres titres sont conscienscieusement cités, après la face B Can’t stay away et les deux hits. La compilation a éliminé la reprise de Lloyd Price, un grand ami de Little Richard, mais dans un esprit beaucoup moins rock, plutôt langoureux de roulades amoureuses. Lloyd Price a un succès bien connu avec Personality et Little Richard a repris son Send me some lovin’. Le Just because interprété par Covay est vraiment dans la note de Lloyd Price et donne une note complémentaire, une coloration autre à l’album Mercy ! En revanche, le titre sonore You must believe me (mal transcrit sur Mercy ! « You must believe in me ») est une composition de Curtis Mayfield qui figure sur la compilation. Je possède les premiers albums de Curtis Mayfield qui parurent bien après 1965 (Curtis, Roots et Superfly), mais je me rends compte que je connais mal ce qu’il a fait auparavant. Le morceau au rythme rapide et joyeux Come on in n’est pas oublié et figure en bonne place, troisième plage sur notre compilation. Ceci dit, les autres titres de Mercy ! sont reportés ensuite beaucoup plus loin : 13. Come see about me, 14. You’re good for me et 18. I’ll be satisfied. Tous les trois sont excellents. You’re good for me est un classique rhythm’n’blues d’état de grâce porté par une voix exprimant avec puissance sa gratitude. Je ne peux m’empêcher de citer cette phrase hautement significative de la volupté religieuse et musicale du morceau aux onomatopées triomphales : « Like the sugar is good for the tea, you’re good for me ». I’ll be satisfied, très soigné et significativement coécrit avec le guitariste, a quelque chose à voir avec le rythme de Mercy, mercy, mais sous une forme décalée, plus carrée, plus serrée par le martèlement à la batterie. Quant à Come see about me, c’est mon coup de cœur. Je suis fanatisé par son intro guitare, sa mélodie et la façon saisissante dont la voix est posé tout au long du début de la chanson. C’est le frisson et je repère très vite l’arrivée du titre sur l’album ou sur la compilation. C’est une chanson qui fait de l’effet sur l’âme, qui noie complètement dans l’émotion qu’elle procure, juste que l’émotion n’est pas également répartie. Le début donne le frisson, mais la chanson ne se maintient pas en permanence et ne finit pas sur le frisson initial. Mais, peu importe. Evidemment, j’affectionne aussi pas mal, mais pas avec la même intensité, la chanson Cant fight it baby qui lui ressemble quelque peu par certains côtés. Or, ce titre est cette fois absent de la compilation, tout comme Can’t stay away, Please don’t let me know ou Daddy loves baby, nouvelle variante de Mercy, mercy.
La compilation a toutefois retenu la quasi intégralité du second album. Le seul titre retiré est Everything gonna be everything, rythme toujours typique de Don Covay, chant idem, mais avec des tintements cristallins et une voix d’arrière-plan qui pousse quelques phrases avec les tripes à la Otis Redding, si ceci arrive à donner une idée du morceau.
Le chef-d’œuvre est bien sûr le nouveau hit livré en ouverture de la face, le titre qui donne son nom à l’album See-saw. La chanson The Boomerang a peut-être eu l’ambition d’imposer une nouvelle danse. Le titre Fat man est remarquable, c’est un hommage à Fats Domino, évident par le titre et prenant par la musique rythmée à souhait, digne de Fats Domino, avec cuivres, percussions fouet, petites phrases succulentes « [I do it] like that », notes libres de guitare aux airs désaccordés, etc. Un morceau qui bouge. Precious you revient à une soul plus larmoyante, mais avec en correctif l’âpreté sonore de la voix grave de Covay qui hachure le lyrisme tendre. Le titre Iron out the rough spots est une grande réussite orchestrale composée par Booker T. Jones, Steve Cropper et Dave Porter. Les percussions sotn remarquables et les notes lancinantes de la criarde trompette. Please do something est une réécriture de You must believe me tirée vers Mercy, mercy ou le style Covay. Vient alors avec son piano délicat et ses gentils chœurs la face B de See-saw : I never get enough of your love. On peut préférer les racines plus profondes du suivant The Usual place avec le son particulier de la guitare, ses nappes d’orgue, puis cet arrêt et reprise du chant d’un Covay charismatique. Don Covay n’a pas peur d’imiter une voix féminine éprise et il le montre encore une fois sur le blues lent de A woman’s love. Puis, c’est le rentre-dedans Sookie Sookie qui amène sa touche rock avec une série de superbes effets qui ont inspiré Mitch Ryder. Le second album se refermait sur Mercy, mercy. Le CDF a évité de présenter deux fois le même morceau, mais si on écoute le CD en boucle, Mercy, mercy sera à la fois le premier titre du premier album et le dernier du second. La carrière de Don Covay ne s’est pas arrêtée à ces deux albums, mais ce sont les deux chefs-d’œuvre. Je ne possède pas encore l’album de 1969, mais la compilation en présent cinq titres : Sweet Pea (Covay), Everything I do goin’ be funky (Toussaint), Mad Dog Blues (Covay-Richardson), But I forgive you (Whittaker), Key to the highway (Broonzy-Segar). Je ne les présente pas car il n’est pas toujours facile d’inventer une formule définitoire alléchante, mais cela reste musicalement remarquable.