dimanche 19 mai 2013

Albums de Lou Reed

Il y a deux carrières à considérer, en groupe et en solo, mais on peut y ajouter les débuts fanfarons de Lou Reed qui d'ailleurs l'amènent à de première collaborations avec John Cale.
Les bases du Velvet underground ont été quelque peu jetées par le titre suivant de 1964 The Ostrich. L'album White light / White heat, des titres du premier album, etc., sont quelque peu annoncés par cette folie encore marquée d'une joie musicale très début sixties.

The Primitives - The Ostrich

Les premières collaborations entre Lou Reed et John Cale. Rodage.

The Beachnuts - Cycle Annie
The Roughnecks - You're driving me insane

Un titre qui sort du lot

The Allnight workers - Why don't you smile now
Reprise du précédent par Donnie Burkes
Mais la reprise étonnante vient du groupe garage The Downliners Sect, groupe de rhythm'n'blues anglais éphémère avec trois albums dont deux valent le détour. Leur principal hit "Glendora" n'est connu de personne. Il s'agit d'un groupe obscur dont le premier et le troisième albums sont courus par les fans de musique rock sixties. La surprise vient de ce que ces anglais reprennent un titre américain inconnu composé par Lou Reed, à une époque où la méconnaissance du Velvet underground est d'autant plus grande qu'ils n'existent pas encore ou peu s'en faut. Personnellement, j'adore.
The Downliners Sect - Why don't you smile now

Il existe un coffret du Velvet qui réunit leurs quatre albums sur cinq CD avec des bonus.
Le premier album est sans doute le meilleur par sa diversité, les pistes qu'il lance, mais le second White light/White heat a un côté brut qui me plaît pas mal. C'est même l'album que je préfère. Peut-être que je devrais assumer et dire que c'est le meilleur en fait. L'autre album à posséder est le quatrième Loaded. John Cale n'a participé qu'aux deux premiers albums, le troisième album est moins intéressant.
Loaded contient le titre Sweet Jane, mais le premier album aligne les autres grandes références du groupe comme Waiting for the man ou Venus in furs. Sa dimension pop est particulièrement intéressante. Nico y est moins fade qu'auparavant et sa pop rencontre aussi quelque chose du venin de la mise en scène à la Lou Reed, sans pourtant que les chansons cessent d'être acidulées. L'alchimie du groupe avec Nico et sa voix claire et haute est bonne. Lou Reed atteindra son point atmosphérique plus tard sur ses albums personnels. Run Run Run et Venus in furs annonce le style plus brut de White Light / White heat.
Voici les six chansons que je préfère. Je suis moins sensible à Heroin ou All tomorrow's parties. L'exécution de titres comme Sunday morning, Femme fatale et I'll be your mirror est impeccable avec Nico, mais les compositions moins poussées.

I'm waiting for the man
Venus in furs
Run Run Run
There she goes again
The black angel's death song
European son

Expérimentations brutes et dérivantes, les trois premières chansons de White light/White heat sont très prenantes. Les deux suivantes restent de haute facture. Puis ça se termine par un morceau de seize minutes qui coupe le souffle par moments.

White light / White heat
The Gift
Lady Godiva's operation
Here she comes now
I heard her call my name
Sister Ray

Sweet Jane

Je ne cite pas d'autres titres de Loaded, car je veux enchaîner plus vite.
Je passe à la carrière solo de Lou Reed.

Les albums qu'il faut avoir sont Transformer produit par David Bowie et Mick Ronson avec le hit Walk on the wild side, mais bien sûr pas seulement. Il y a ensuite l'album Berlin qui a suivi et qui est plus intériorisé, je l'affectionne dans son unité. L'album Sally can't dance (de 74 déjà) est pas mal, il fait partie des bons albums de Lou Reed, mais pas au même plan que les deux précédents. Quant à l'album Metal Machine Music, je fais partie des gens qui ne l'encaissent pas et le trouvent inaudible. Les lives de cette époque sont en revanche très bons. Puis vient l'album qui me marque le plus: Coney Island Baby. Il est plus pop que Transformer ou Berlin, mais il y a une grâce, une touche magique et une invention réelle dans cet album.
La suite de la carrière de Lou Reed est moins intéressante. Je ne suis pas fan de Street Hassle, Blue Mask, etc., à plus forte raison Magic and Loss. Je ne connais pas encore le premier album solo Lou Reed, ni Rock and roll heart de 76 tout comme Coney Island baby. L'album New sensations, moins ambitieux, me paraît pas mal.
Mais il y a une exception, c'est le duo de Lou Reed et John Cale qui nous vaut l'album Songs for Drella. Il tire parfois sur la ficelle, mais il est très grande facture, surtout pour son époque.
Il me faudra citer des titres, puis repartir peut-être sur la carrière de John Cale.

A suivre...

mardi 14 mai 2013

Recherches best of discographiques

Pas facile de concevoir des best of discographiques. Dans les anthologies ou dans la presse rock, ce que l'on tend à faire, c'est d'écrire comme s'il était question d'une vérité révélée.
Dans le cas de Manoeuvre, son but semble d'être moderne et très tabloïd. Il célèbre une série d'artistes rock clefs, suit le parcours bien balisé pour les années 60 et 70, puis bascule dans un ensemble de compromissions assez surprenantes. Que viennent faire le rap et le hip-hop aux marges des références qu'il donne? L'oreille musicale n'a plus alors la moindre unité. C'est déjà le cas pour la bienveillance à l'égard des groupes de hard rock dont la démesure n'est pour moi que l'envers caricatural du rock. Que vient faire Michael Jackson dans ce panorama, si ce n'est se placer en tant qu'artiste de grande notoriété internationale? Pour moi, les Beatles jouissent d'une notoriété qui les met à tort au-dessus des autres grands groupes sixties, mais les Beatles ne cessent pas pour autant d'être un immense groupe de rock. Dans le cas de Michael Jackson, il faut avouer qu'il en va différemment. Que les titres de l'artiste plaisent autant n'empêche pas de constater les insuffisances flagrantes de ses chansons. Le son est soit moyen ou pourri, les riffs et parties mélodiques ne sont pas du tout de haute volée. Le plaisir de sa musique est essentiellement dans le pouvoir de captation. Le génie n'est pas véritablement au rendez-vous. A une écoute attentive, les notes lourdement espacées ou tout simplement écrasées, peu nombreuses, ne permettent pas de porter un tel jugement d'estime sur son oeuvre. On parle du riff de guitare de Beat it, en disant qu'il est joué par Van Halen. Le riff de Beat it a-t-il un son, un doigté délicat? On écoute sans réfléchir le morceau, on est pris par un rythme, un tour accrocheur, comme on peut l'être par on ne sait combien de billevesées dansantes et procédés d'excitation sonore. En revanche, on écoute en cherchant la volupté, et voilà qu'elle ne transparaît pas vraiment. D'ailleurs, c'est la même chose pour Jump le morceau célèbre de Van Halen qu'on peut écouter sans songer un seul instant à la présence d'une virtuosité guitaristique, pire sans penser qu'il y a des séquences mélodiques, rythmiques et harmoniques, autres que son tour accrocheur claironnant.
Ecouter du bon rock, c'est dépasser le plaisir prenant immédiat, pour constater si le plaisir prenant immédiat va de pair avec quelque chose dans la qualité du morceau : exécution ou accomplissement mélodique ou vertige rythmique d'habileté, d'invention, ou finesse des harmonies d'ensemble ou rendu saisissant d'une atmosphère qui fait sens, etc.
Certains groupes connus ont une exécution lisse. Ce sont des chansons bonnes pour se faire plaisir quand on va au supermarché faire ses courses. Ces chansons font une émotion pendant qu'on parcourt les rayons. Les plus rocks ou excitées vont nous faire se sentir un surhomme, nous gonfler d'un sentiment d'importance, nous pénétrer d'un démon d'affirmation de soi, sinon d'une démangeaison émotionnelle. Mais ce niveau d'appréciation n'est pas le bon pour goûter le bon rock et on peut penser que la grande majorité du public n'a ainsi pas vraiment conscience que la critique rock n'est pas un plaisir épidermique à trouver dans telle ou telle chanson l'âme rock.
Il y a enfin, malgré tout, le problème du goût avec la tension qui sépare un certain choix plus rock-punk d'un choix plus poussé à la sophistication, mais celle aussi qui suppose des oppositions entre rock délicat et rock moins policé.
Dans une interview en ligne, un collègue de Manoeuvre, Ungemuth, marque son mépris pour le rock progressif en disant que ce sont des gens qui ont voulu refaire Bach, grandiloquence manquée d'apprentis musiciens. Je n'écoute pas tellement de rock progressif et je pourrais acquiescer à ce jugement qui convient à mon goût personnel. Mais la critique ne marche pas, je ne peux pas l'enregistrer telle quelle. Les gens qui écoutent du progressif n'écoutent pas forcément de la classique, voire n'en écoutent pas. Ils veulent un rock symphonique et un rock conjuguant les motifs les plus bigarrés. Ils achètent ce qui correspond à leur attente. Quelqu'un qui écoute du rock progressif peut avoir une démarche critique pertinente, par exemple le fait de savoir reconnaître la voix d'un même chanteur d'un groupe à un autre, sans que l'information n'ait été donnée, genre la voix du chanteur de Patto qui passe à l'album tardif The Mirror de Spooky Tooth. Patto et Spooky Tooth sont deux bons groupes et Patto ce n'est pas du rock progressif, mais il s'agit d'illustrer la réalité de connections qui sont faites. Les prétentions du rock progressif ont été revues à la baisse, mais je me méfie de la critique à sens unique. D'ailleurs, dans l'autre opposition, je m'amuse justement à continuer de cibler le discours de vérité révélée qui est très présent chez Ungemuth, sauf que cette fois c'est lui qui passe du côté d'une sophistication où on refait pas Bach, mais l'histoire du chant. Ungemuth a publié un livre sur le rock garage où il descend en flèche des groupes de référence et citent un nombre conséquent de chanteuses pop. Sandie Shaw, Chris Farlowe, Alan Bown Set et Lulu au-dessus des Music Machine et des Seeds, parmi les trésors lourdement conspués, il fallait le faire.
J'essaie ainsi moi-même de trouver l'équilibre qui ne me fera pas passer pour couillon avec des écrits emplis de vérités révélées.
Pourtant, il y a des combats indispensables, et parfois même contre un discours majoritaire. C'est le cas par exemple du rapprochement entre Tim Buckley et Jeff Buckley. Jeff Buckley a marqué son époque, le début des années 90, dans la mesure où le contexte n'offrait guère de nouveautés fascinantes, notamment sur les grandes ondes. Il est ensuite desservi parce que la mort l'enlevant ne lui a sans doute pas permis d'aligner autant d'albums que son père. Mais la presse rock est inquiétante. La dimension tabloïd du fils et le caractère très particulier des albums du père ont amené les critiques rock à mettre les deux Buckley sur un pied d'égalité, et peu s'en faut que ce soit le fils qui ne prenne le pas sur le père. Pourtant, les avertisseurs ne manquent pas. Le père est un génie dans la continuité de toute la richesse sixties qui allait bien au-delà du rock. Connaissez-vous Fred Neill? Tim Buckley continuait ces mouvances profondes qu'ignore l'histoire de la notoriété en termes de pop music. A une écoute attentive, mille arguments plaident pour le père au détriment de la musique à effets bien exécutée, mais pauvre d'inspiration de Jeff Buckley. Autre avertisseur à prendre en compte. Le père était un génie et le fils a voulu suivre la voie du père. Le fils ne fait que transposer des éléments singuliers du père dans un registre musical beaucoup moins inspiré et beaucoup plus conventionnel. Pourquoi cela n'a-t-il pas été vu?
Il y a enfin un dernier centre nerveux. Pourquoi une chanson de trois minutes qui n'a pas fait le top des singles, ni été incluse dans un album à succès, serait géniale? On entend un riff, un air, d'accord, mais par quels tours de passe-passe allez-vous soutenir par des arguments objectifs, intangibles, que ce morceau vaut plus que trente autres qui furent des hits, surtout quand on bascule dans la catégorie garage qui lorgnent du côté de modèles à faire revivre?
Pourtant, si, le travail attentif d'écoute aux plans exécution, mélodie, rythme, harmonie, atmosphère, fait son oeuvre, mais le problème vient de ce qu'il n'est pas immédiatement communicable à autrui. La communication par les mots doit à la fois formuler ce qu'il y a de traduisible au sujet d'une musique et préparer celui qui écoute, en principe avec bienveillance et motivation sincère, à faire le même constat auditif, lorsque lui et lui seul écoutera le morceau mis en débat. A cela s'ajoutent les errements de nos attentes dans l'écoute attentive, car il y a plusieurs pôles et les écoutes attentives peuvent se différencier entre elles. Une artiste soul dont on attend des titres neufs va nous décevoir un jour, avant qu'en ne l'écoutant pour les finesses on se rende compte qu'elle est vraiment prenante. Et là encore, peu de gens sont prêts à admettre l'importance d'une écoute attentive choisissant patiemment quels sont les pôles pertinents pour décréter: ceci est bon, mauvais, génial, etc.