Paul Mc Cartney se vantait de sa composition "Yesterday" comme un moyen de montrer qu'il était une personne sensible et bizarrement il avait pris les devants en disant qu'il avait cherché si par hasard sa chanson n'était pas flanquée d'une réminiscence involontaire d'une chanson antérieure. Il prétend avoir beaucoup cherché.
Or, quand j'étais adolescent, j'avais reçu une cassette sur laquelle une compilation de chansons de rien moins que Nat King Cole avaient été enregistrées, et l'une d'elles était frappante de ressemblance avec "Yesterday". Il m'est arrivé une deuxième fois de songer à une source possible pour "Yesterday", mais là j'en ai tout oublié. En revanche, de nos jours, quand internet est aussi développé, il m'est aisé de constater que j'avais vu juste au sujet du titre de Nat King Cole et ce lien a été identifié par d'autres, lien qui concerne à la fois la mélodie et les paroles...
Il est évident que Mc Cartney a fredonné une partie de la chanson de Nat King Cole jusqu'à lui donner une nouvelle ampleur mélodique. Peut-être qu'au départ le morceau ne s'était que vaguement incrusté dans la tête du bassiste des Beatles et qu'avec sa sensibilité il a travaillé à transformer une bribe en une chanson complète. C'est une façon de créer des génies à partir de sources d'inspiration.
Mais, ici, il va s'agir d'un plagiat pur et simple. Cela ne concerne pas toute la chanson, mais Mc Cartney reprend clairement une mélodie caractéristique qui fait le prix envoûtant du morceau et il tient compte également de son emploi en déchaînement final.
Il va de soi que c'est à rattacher à l'urgence des compositions en 1965, puisque les Beatles ou les Rolling Stones sortent deux albums par an en 1964 et 1965, ainsi que des titres exclusifs aux 45 tours, et les Rolling Stones sont en train de se détacher des reprises pour des compositions originales, et les Beatles sont déjà plus avancés dans cette évolution vers une production de titres exclusivement originaux. Et il faut ajouter à cela la réalité des concerts, concerts auxquels vont significativement renoncer les Beatles. Et dans un tel contexte, l'influence de chansons sur de nouvelles créations est maximale, et parfois il faut composer dans l'urgence pour compléter un album. Toutes les créations n'ont pas eu le même traitement, le même temps d'attention...
Qui plus est, alors qu'au début des Beatles, il est assez sensible que c'est Mc Cartney qui invente les titres les plus marquants, ce que Lennon ne contrebalancera véritablement qu'à partir du titre A hard day's night, à une époque où comme l'atteste l'album du même nom Mc Cartney compose toujours d'excellents titres, mais très peu en comparaison de l'abondance de créations de Lennon. Mc Cartney redevient plus profus en 1965. Il y a bien un titre charmant qu'on peut penser assez léger de composition : "Tell me what you see". Le titre a été soigné, il est organisé, passe par certains plans, mais il faut avouer que s'il est un peu charmant il a une certaine ligne légère et plate. En revanche, à la fin de 1965, le titre peu connu "Looking through you" qui a un lointain air de ressemblance avec "Tell me what you see" dans l'adresse tendre à une femme est une bombe mélodique méconnue.
Quel étoffement de l'une à l'autre chanson !
On attrape un délicieux vertige en écoutant cela ! Et notez le finale !
Eh bien, ce morceau figure sur l'album Rubber soul, à cheval sur les années 1965 et 1966. Le titre "Looking throug you" est une création de la fin de l'année 1965. Or, au début de l'année 1965, un groupe australien The Seekers a enregistré un morceau "A world of our own" qui semble avoir atteint la troisième place des classements musicaux anglais autour des mois d'avril et mai. C'est de là que vient le motif musical accentué par Mc Cartney en accompagnement de sa création "Looking through you". C'est une reprise mélodique tel quel, et notez l'emploi dans le finale.
Au début de 1966, les Rolling Stones feront un plagiat similaire, ils prendront la séquence mélodique marquante d'ouverture de la chanson des Four Tops "It's the same old song" et en ont fait le riff, le motif musical qui revient tout le temps dans "Under my thumb" en accentuant par les choix sonores son côté entêtant.
C'est moi qui ai découvert ce plagiat il y a des années et qui en ai parlé le premier sur internet (en français et en anglais (sur des forums de discussion spécifiquement rollingstoniens), ce qui fait que maintenant vous pouvez tomber sur des gens qui citent ce lien entre les deux chansons.
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