vendredi 12 janvier 2024

Les petits plagiats de Mc Cartney en 1965 "Yesterday" et "Looking through you"

Paul Mc Cartney se vantait de sa composition "Yesterday" comme un moyen de montrer qu'il était une personne sensible et bizarrement il avait pris les devants en disant qu'il avait cherché si par hasard sa chanson n'était pas flanquée d'une réminiscence involontaire d'une chanson antérieure. Il prétend avoir beaucoup cherché.
Or, quand j'étais adolescent, j'avais reçu une cassette sur laquelle une compilation de chansons de rien moins que Nat King Cole avaient été enregistrées, et l'une d'elles était frappante de ressemblance avec "Yesterday". Il m'est arrivé une deuxième fois de songer à une source possible pour "Yesterday", mais là j'en ai tout oublié. En revanche, de nos jours, quand internet est aussi développé, il m'est aisé de constater que j'avais vu juste au sujet du titre de Nat King Cole et ce lien a été identifié par d'autres, lien qui concerne à la fois la mélodie et les paroles...



Il est évident que Mc Cartney a fredonné une partie de la chanson de Nat King Cole jusqu'à lui donner une nouvelle ampleur mélodique. Peut-être qu'au départ le morceau ne s'était que vaguement incrusté dans la tête du bassiste des Beatles et qu'avec sa sensibilité il a travaillé à transformer une bribe en une chanson complète. C'est une façon de créer des génies à partir de sources d'inspiration.
Mais, ici, il va s'agir d'un plagiat pur et simple. Cela ne concerne pas toute la chanson, mais Mc Cartney reprend clairement une mélodie caractéristique qui fait le prix envoûtant du morceau et il tient compte également de son emploi en déchaînement final.
Il va de soi que c'est à rattacher à l'urgence des compositions en 1965, puisque les Beatles ou les Rolling Stones sortent deux albums par an en 1964 et 1965, ainsi que des titres exclusifs aux 45 tours, et les Rolling Stones sont en train de se détacher des reprises pour des compositions originales, et les Beatles sont déjà plus avancés dans cette évolution vers une production de titres exclusivement originaux. Et il faut ajouter à cela la réalité des concerts, concerts auxquels vont significativement renoncer les Beatles. Et dans un tel contexte, l'influence de chansons sur de nouvelles créations est maximale, et parfois il faut composer dans l'urgence pour compléter un album. Toutes les créations n'ont pas eu le même traitement, le même temps d'attention...
Qui plus est, alors qu'au début des Beatles, il est assez sensible que c'est Mc Cartney qui invente les titres les plus marquants, ce que Lennon ne contrebalancera véritablement qu'à partir du titre A hard day's night, à une époque où comme l'atteste l'album du même nom Mc Cartney compose toujours d'excellents titres, mais très peu en comparaison de l'abondance de créations de Lennon. Mc Cartney redevient plus profus en 1965. Il y a bien un titre charmant qu'on peut penser assez léger de composition : "Tell me what you see". Le titre a été soigné, il est organisé, passe par certains plans, mais il faut avouer que s'il est un peu charmant il a une certaine ligne légère et plate. En revanche, à la fin de 1965, le titre peu connu "Looking through you" qui a un lointain air de ressemblance avec "Tell me what you see" dans l'adresse tendre à une femme est une bombe mélodique méconnue.


Quel étoffement de l'une à l'autre chanson !
On attrape un délicieux vertige en écoutant cela ! Et notez le finale !
Eh bien, ce morceau figure sur l'album Rubber soul, à cheval sur les années 1965 et 1966. Le titre "Looking throug you" est une création de la fin de l'année 1965. Or, au début de l'année 1965, un groupe australien The Seekers a enregistré un morceau "A world of our own" qui semble avoir atteint la troisième place des classements musicaux anglais autour des mois d'avril et mai. C'est de là que vient le motif musical accentué par Mc Cartney en accompagnement de sa création "Looking through you". C'est une reprise mélodique tel quel, et notez l'emploi dans le finale.


Au début de 1966, les Rolling Stones feront un plagiat similaire, ils prendront la séquence mélodique marquante d'ouverture de la chanson des Four Tops "It's the same old song" et en ont fait le riff, le motif musical qui revient tout le temps dans "Under my thumb" en accentuant par les choix sonores son côté entêtant.
C'est moi qui ai découvert ce plagiat il y a des années et qui en ai parlé le premier sur internet (en français et en anglais (sur des forums de discussion spécifiquement rollingstoniens), ce qui fait que maintenant vous pouvez tomber sur des gens qui citent ce lien entre les deux chansons.


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mercredi 10 janvier 2024

Les sources du Lac du Connemara

Il y a eu un petit émoi cette année autour de cette chanson, mais je vous offre un scoop. Il s'agit d'une reprise et adaptation du célèbre Blue Rondo a la Turk, pièce de jazz de Dave Brubeck, et ils sont partis non de la version originale, mais de la version au synthétiseur du groupe The Nice de 1967...
J'ai identifié la source en écoutant le morceau "Rondo" de The Nice, et je vais vous expliquer cela, mais je vais commencer par vous donner des éléments de contexte qui ont confirmé a posteriori mon jugement.
Pour m'informer de manière élémentaire sur la chanson, je consulte la page "Wikipédia" qui lui est consacrée. La chanson est considérée comme une création originale à part entière avec Michel Sardou et Pierre Delanoë pour les paroles, Jacques Revaux pour la musique. Ce succès date de 1981. En clair, en 1981, étant gosse, je ne me rendais pas compte qu'il s'agissait d'une chanson d'actualité, j'ai toujours cru qu'elle était un peu plus ancienne.
Mais l'important, c'est le contexte. Jacques Revaux jouait sur un synthétiseur usé, ou ayant souffert de l'été comme il est dit, et il a estimé que ce synthétiseur en fin de course donnait un son amusant de cornemuse. Mais le son de la cornemuse, c'est l'enrobage. Revaux devait au préalable jouer une mélodie. En effet, on n'a pas d'abord un son de cornemuse, puis la création d'une mélodie pour en tirer parti, il y avait forcément une mélodie jouée à l'époque par Revaux qui participait à l'identification d'un son de cornemuse. Car, ce qui est célèbre dans "Les Lacs du Connemara", c'est autant la mélodie que le son particulier de cornemuse. Et on nous raconte que la mélodie est venue après tout comme les textes de la chanson pour faire écossais. Ce n'est pas logique. Les textes, oui, ils peuvent venir après, mais il n'existe pas un son de cornemuse amusant dans le ciel pur des idées. C'est évident que c'est un tout : mélodie avec un air de cornemuse qui a séduit Revaux.
Revaux pouvait très bien jouer un morceau de son invention, mais il est évidemment fréquent de jouer des airs à la mode et en particulier des airs à la mode sur l'instrument même sur lequel on les joue.
En fait, il existe un morceau de jazz célèbre qui se joue volontiers au piano et par extension au synthétiseur, il s'agit du rondo du Dave Brubeck Quartet. Le morceau est bien plus classieux mélodiquement que "Les Lacs du Connemara" et certains diront que ça ne se ressemble pas encore trop, sauf que le morceau "Rondo" a été repris par le groupe The Nice en 1967, groupe célèbre pour la reprise au même moment d'un autre morceau de musique classique contemporaine, le titre "America", et nous retrouvons l'emploi cette fois du synthétiseur. Dans leur "Rondo", joué plus primairement, on reconnaît nettement la mélodie du refrain des "Lacs du Connemara". En clair, Revaux jouait le titre de The Nice quand son synthétiseur usé l'a fait penser à un son de cornemuse, le morceau de The Nice favorisant déjà ce glissement de la perception par son rythme syncopé. Bien sûr, Revaux a gardé telle quelle la mélodie pour le refrain mais tout un nouveau morceau a été élaboré autour. Fait remarquable, la chanson de Sardou a la même durée longue de six minutes que le morceau de The Nice.
En-dehors de l'influence de The Nice, Revaux et Sardou ont pu écouter des allusions dans la musique pop au morceau de Dave Brubeck dans une chanson d'un album de Statu Quo, mais il s'agit d'une allusion en fin de chanson sur un album peu connu de 1970, et on constate plutôt que le titre de Statu Quo vient un an après la version de The Nice. La logique est plutôt d'une influence de la version de The Nice, d'un côté sur le groupe Statu Quo, de l'autre sur Jacques Revaux et Michel Sardou. D'ailleurs, le morceau "Rondo" de The Nice a été réédité sur un album compilation "Long player" de 1969 si je ne m'abuse, c'est là que je l'ai entendu pour la première fois d'ailleurs. Et puis, en 1981, la même année que la sortie des "Lacs du Connemara", Al Jarreau a sorti une version vocale sur son album Breakin' away, version qui a reçu des prix à l'époque.







J'ai entendu le Rondo de The Nice sur un album compilation intitulé The Long versions.
Fin de ma recension.