dimanche 16 juin 2013

Albums de Rory Gallagher (et Taste)

Je me suis dit, ce Rory Gallagher diffère des stars du rock, c'est un garçon simple, il mérite un hommage. Et voyons voir quel!

On peut préférer les Saints ou on peut préférer Chris Bailey en solo, on peut préférer The Plimsouls ou bien Peter Case en solo, etc. Rory Gallagher est lui essentiellement connu pour sa carrière solo, sa discographie étant bien présente dans le commerce, mais il a débuté sous la forme d'un groupe dont la création était déjà exceptionnelle. Il s'agit d'une formation pleine de tonus délivrant un rock sauvage et raffiné à la fois. Le groupe a sorti Taste et On the boards, deux albums de titres enregistrés en studio en 69 et 70, avant de se séparer. Deux autres albums lives ont vu le jour en 71: Live Taste et Live at the Isle of Wight. Ces deux lives montrent assez le plaisir éprouvé par le public qui eut le privilège de les voir et entendre sur scène.
Rory joue parfois du saxophone, on observe la présence de reprises. On peut regretter que cette veine rock et âpre n'ait pas eu de suite. Nous sommes dans la foudre et l'excitation. La suite solo montre pourtant une certaine continuité du "same old Rory" avec selon moi un génie musical accru par l'intériorisation de 71 à 74. Des titres délicats d'On the boards annoncent toutefois les prodiges intimistes des albums à venir. S'il ne chante pas, il va pleurer, mais ce guitariste n'est pas un manche...
Une compilation de 1974 portait un titre génial : "In the beginning, an early Taste of Rory Gallagher".

Taste (1969)

Blister on the moon
Same old story
Catfish
Sugar Mama
Born of the wrong side of time

On the boards (1970)

What's going on
Railway and gun
It's happened before, it'll happen again
See here
On the boards
If I don't sing, I'll cry

Taste Live (édité en 1971)

Gambling Blues
Feel so good

Live at The Isle of Wight (édité en 1971)

SinnerBoy

L'entente au sein du groupe n'était pas vraiment bonne, Rory Gallagher entame alors une carrière solo qui commence par deux albums de titres studio absolument vertigineux qui ne peuvent que le placer parmi les plus grands noms de l'histoire du rock: le premier éponyme Rory Gallagher et le second Deuce, tous deux datant de la même année 1971. Sinner Boy passe des performances lives de Taste à la dimension de titre studio sur son premier album solo, mais l'avalanche de titres sublimes se fait, des titres tous vibrants, tantôt rock, tantôt intimistes.

Je garde l'ouverture Laundromat pour les vapeurs folles du Live in Europe de 72, et je commence par ce petit bijou I'm not surprised suivi par un titre acidulé avec du saxophone lui aussi très apte à capter les humeurs mêlées de l'âme Can't believe it's true.

I'm not surprised
Can't believe it's true

On peut aussi trouver le déchirement dans toute son âpreté rock guitaristique, griffée de puissants sursauts, avec For the last time.

For the last time
Wave myself goodbye

Et on poursuit le voyage de splendeur avec toute la poésie harmonique et mélodique de Just the smile.

Just the smile
It's you

Mélange de grâce et de coups portés à la torpeur ambiante avec I fall apart où toujours le défilé des notes à la guitare illumine le réel avec une justesse, un goût, une retenue même et un sens de la création inconnus de la plupart des héros de la six cordes.

I fall apart

Non pas la guitare, mais toute la musique de Rory est braquée sur vous... et puis elle vous échappe en boeuf solo qui vous entraîne.

Hands up

Incroyablement, Rory a donné un petit frère immédiat à cet album fou, la même année : Deuce. Ce second opus solo a pour but d'exprimer en studio une certaine intensité, une certaine sonorité live, et le résultat est d'une fraîcheur saisissante.

Il s'ouvre par un bijou intimiste incroyable, et se partage entre titres délicats à souhait et bombes rock'n'rolliennes sorcièrement ciselées.

I'm not awake yet

Le mélomane se régale :

Out of my mind
Don't know where I'm going
Maybe I will
Should've learnt my lesson

Il se perd même dans l'espace :

There's a light

Et le mélomane se régale encore avec tout le déchaînement contrôlé et magistral de la vague de titres suivante:

Used to be
Whole lot of people
In your town
Crest of a wave

Et cela se poursuit par un live qui est un album à part entière, à savoir le Live in Europe qui contient des titres inédits: l'affolant Going to my hometown, l'ouverture de Messin with the kids ou la reprise de Bullfrog Blues ou encore le long blues lent que s'approprie parfaitement le génie Irlandais I could've had religion. Laundromat et In your town des deux premiers albums figurent ici aussi. Ce qu'il se passe est immense.

Live in Europe (1972)

Laundromat
Going to my hometown
I could've had religion
Bullfrog blues
Messin with the kids

Evidemment, tous ces albums sont sortis avec des bonus tracks en CD, et même un bonus track de Live in Europe, ça se court. Un frisson immense.

Blueprint (1973)

Rory Gallagher reprend alors la voie des albums de titres enregistrés en studio. Le meilleur de Rory Gallagher, c'est ces quatre premiers albums studio en solo et ces deux premiers albums live en solo toujours. Rory Gallagher et Deuce forment un duo avec son unité, voici deux albums différents et même différents l'un de l'autre : Blueprint et Tattoo, bien qu'ils soient tous deux de 73.
L'album Blueprint est étrangement peu présent dans les bacs. Il contient pourtant un des grands titres qui ont rendu l'album live Irish Tour 74 immortel à jamais : Walk on hot coals. Et sa veine ne s'arrête pas là. Le son de ces chansons est plus particulier, quelque peu étrange et inhabituel, et il annonce un peu Tattoo, il s'agit encore de titres d'intériorisation forte, de torpeur secouée, et de finesse instrumentale prolongée.

Daughter of the everglades
Seventh son of a seventh son
Race the breeze

Le purisme des sources se permet parfois un virage quelque peu moins nettement blues et quelque peu joyeux. Le plaisir domine en artiste.

Hands off

En bonus track, une reprise sixties qui comporte des allusions à d'autres célèbres formations du British Boom.

Treat her right

Le pur blues se retrouve avec Banker's Blues.

Banker's Blues

Et puis Rory fait montre de son incroyable connaissance des perspectives musicales ouvertes au joueur de guitare avec cette surprenante et réussie incursion dans un style jazz rétro.

Unmilitary two-step

La délicatesse permettant au chant de prédominer, comme il arrive parfois dans la musique de Rory, se retrouve dans la ballade If I had a reason.

If I had a reason

Tattoo (1973)

Quatre titres de l'album Tattoo figurent sur l'Irish Tour 74. C'est un album musicalement efficace qui conjoint l'effort fait pour les mélomanes et le goût rock du plus large public. Voici les quatre titres qui sont pénétrés de l'héritage des albums précédents, du blues, en dépit de leurs signes de modernité.

Tattoo'd lady
Cradle rock
Who's that coming
A Million miles away

L'album aligne d'autres perles d'un rock envoûtant, ou tendue et acérée moelleusement.

Livin' like a trucker
Sleep on a clothes-line
Admit it

Comme sur Blueprint, la finesse musicale s'instaure sur les parties acoustiques de 20:20 Vision, avec une sacrée combinaison de piano, et cela se poursuit dans l'étonnante invention mélodique toujours embellie de piano, l'intense, classieux et swinguant They dont make them like you anymore.

20:20 Vision
They don't make them like you anymore

Irish Tour '74 (1974)

Rory revient alors au live avec un album où les titres préalablement imposés par des versions studio sont réinterprétés de manière remarquable, à l'exemple du Get yer ya-ya's out stonien. La magie est tout simplement éblouissante. Le titre suivant devient une véritable apothéose, un instant incommensurable qui touche à l'éternité.

Walk on hot coals

Des reprises inédites parcourent aussi ce nouvel opus. La partie rock étant plus assumée par les compositions de Gallagher, celles-ci offrent les virtualité blues intériorisées de son jeu ou même acoustiques avec la reprise de Tony Joe White.

I wonder who
Too much alcohol
As the crow flies

Et tout cela s'entraîne dans la grande danse de Rory, unfinished two-step.

Back on my stomping ground

Hélas, après ces six albums, le retour en studio semble avoir été dur, Rory Gallagher ne sera plus jamais aussi grand, et si l'album Calling card de 1976 mérite encore de grands honneurs, le contraste de l'album de 1975 Against the grain avec tout ce qui a précédé fait mal au coeur. Il n'en contient pas moins de bonnes compositions, ce n'est pas la chute libre.

Against the grain (1975)

On prend son pied inévitablement avec la reprise rentre-dedans I take what I want.

I take what I want

Reprise de Leadbelly.

Out on the western plain

Bought and sold, Ain't too good, il y a de bons titres, mais ils ne rivalisent pas avec ceux des albums précédents. Ils sont moins habités par un esprit de création musicale.

Mais, Rory s'est ressaisi et, sans l'atteindre à nouveau pleinement, il effleure le sommet avec Calling card qui a en outre le mérite de l'originalité, comme le montre très bien la chanson-titre, Jack-knife Beat, Do you read me ou bien Edged in blue.

Calling card (1976)

Calling card
Jack-Knife Beat
Edged in blue
Do you read me

La veine de 1971 et de Blueprint se maintient.

I'll admit you're gone
Barley and grape rag

Country mile représente en plus moderne une certaine veine de Gallagher.

Country Mile

La veine rock plus lisse, mais efficace, s'annonce avec Secret agent. Un changement d'époque apparaît dans ce tournant de la musique signée Rory Gallagher.

Secret agent

Dans les bonus tracks de l'album, on trouve une version précoce de Public enemy, titre qui figurera finalement sur l'album de 1979 Top priority, et on note que Moonchild, perle rock étrange un peu lisse et minimaliste dont les sons sont dessinés pour emporter est la soeur aînée de Follow me qui ouvrira trois ans plus tard l'album Top priority justement.

Moonchild

L'album suivant ne sortira pas en 1977, mais en 1978, dans l'achèvement de la victoire punk, avec son retour à un rock moins sophistiqué, victoire qui a du bon contre une quête abusive de l'élaboration, mais qui peut faire bien regretter la sophistication de certains comme Gallagher. Gallagher sort deux bons albums en 78 et 79, mais il n'est plus le même, le génie qu'on ne peut qu'unanimement admirer pour sa richesse, son inventivité, sa finesse, sa justesse à l'oreille du mélomane, etc. Rory est devenu trop lisse, trop premier, même si ce qu'il produit continue d'être au-dessus du lot. Il inspire moins l'âme en se concentrant sur l'excellence de vertiges.

Photo-Finish (1978)

Brute Force and Ignorance
Cloak & Dagger
Overnight bag
The Mississippi sheiks

Top priority (1979)

Follow Me
Philby
Bad penny
Just hit town
Public enemy n°1
The Watcher

L'album live Stage Struck de 1980 est bien décevant en comparaison de Live in Europe et Irish Tour '74. En revanche, même s'ils vont s'espacer, les trois derniers albums studio de Rory Gallagher, tout en n'étant plus des sommets, conservent le charme de belles plages musicales qui étonnent par contraste avec la misère des années 80 sur les grandes ondes.

 Jinx (1982)

The devil made me do it
Big guns

Defender (1987)

Loanshark Blues

Fresh evidence (1990)

The King of Zydeco

**

On peut courir les bootlegs de Rory Gallagher, il est aussi d'autres albums dans sa discographie. Le double des BBC Sessions, la compilation acoustique posthume Rory de 2003, l'album Notes from San Francisco qui essaie de donner le projet initial d'album avant que cela ne devienne Photo-Finish.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire