lundi 11 février 2013

Quatre Faces dans le vent (deuxième partie)

Ce sujet appellera un complément, une entrée sur Ron Wood et Rod Stewart. Ici, il n'est question que des Faces, le groupe, et du parcours des trois qui restent des Small Faces.
Un premier constat, si on met l'un dans l'autre les groupes Small Faces et Faces, on a quand même un groupe d'une longévité honorable avec une série de huit albums, 4 Small Faces et 4 Faces, à quoi ajouter les titres complémentaires des singles des Small Faces et aussi la compilation Autumn stone des Small Faces toujours. Cela intéresse les trois carrières de Kenny Jones, Ian MacLagan et Ronnie Lane, sachant que Kenny Jones deviendra batteur des Who en remplacement de Keith Moon. Même si les c'est pour une fin de carrière terne des Who, c'est toujours honorifique. Ronnie Lane a commis quelques bons opus solos.
Les Small Faces, c'est les petites têtes. Les membres du groupe n'étaient pas très grands. Sans Steve Marriott, ils deviennent les Faces, contraction du nom qui vaut changement de groupe. Mais, leur premier album "First step" sortira au nom des Small Faces aux Etats-Unis.
Musicalement, Marriott eut certainement tort de les larguer. Il se perd dans un rock lourd non inspiré tout au long de sa carrière dans son groupe Humble Pie, sauf le temps d'un magnifique album Town and country, où de très bons titres sont d'ailleurs composés par les membres obscurs du groupe demeurés dans l'ombre de Marriott et Frampton.
Sans ses comparses des Small Faces, Marriott a perdu l'équilibre qui lui permettait d'être un génie.
En réalité, Lane, Jones et MacLagan vont avoir un meilleur avenir que leur ancien chanteur. Humble Pie, malgré son second album, ne souffre pas la comparaison avec The Faces, et les rocks excitants des Faces rendent inexistants les aventures hardeuses du couple Marriott-Frampton.
Mais, le génie des Faces vient aussi des nouveaux venus, Ron Wood et Rod Stewart, qui seront les principaux compositeurs du groupe, malgré de bonnes contributions de Ronnie Lane notamment, et une relative présence de Ian MacLagan.
Evidemment, les Faces ont une légende, celle de Rolling stones du pauvre. La formule n'est pas très sympathique et elle n'est finalement pas très heureuse. Plus favorablement, les Faces sont aussi présentés comme un groupe qui était en passe de devenir les nouveaux stones quand il a éclaté.
Remettons les pendules à l'heure.
Les débuts du groupe furent laborieux pour ce qui est d'enthousiasmer les foules en concert. Ils n'ont pas d'emblée convaincu. La remarque vaut pour les albums studio. Il y a de très bonnes choses sur les deux premiers albums, mais c'est pour le troisième et le quatrième qu'ils resteront. Une formule va s'épanouir sur le troisième et perdurer quelque peu sur le quatrième, et cette formule se retrouvera dans les concerts.
Musicalement, la rivalité avec les stones n'est pas concevable. La musique des Rolling stones est accomplie et plaît aux mélomanes. Les meilleurs titres des Faces ne sont pas sans quelque chose de mélomanes, mais ils restent brouillon en comparaison des stones. Il n'y a pas la finition et l'oeuvre magistrale. Des ficelles sont employées, il y a une sorte d'idée accrocheuse et hop on improvise une bonne sauce pour que ce soit festif ou attendrissant. Ils produisent en tout cas quelque chose de fiévreux, de contagieux, de vivant et c'est du rock qui rend fou, qui fait envie, qui fait rêver, qui a du bon goût et qui sait comment faire pour que tous on se retrouve à bien s'amuser.
Le départ de Ronnie Lane va rendre l'expérience en live flottante avant la dissolution du groupe.
C'est la grande énigme des Faces. Kenny Jones a ramené deux excellents éléments et a vaincu les réticences de Lane et MacLagan, mais mystérieusement les deux n'encaisseront jamais la présence du chanteur star Rod Stewart.
Car le vrai problème est là. Rod Stewart mène en parallèle une carrière solo et la reconnaissance des Faces vient aussi pour partie de la réussite solo de leur chanteur, lequel chanteur a effectivement une emprise sur le groupe, puisqu'au-delà du charisme du chanteur du groupe, il a le charisme d'être artiste en solo à côté d'une part, mais il est encore en alliance avec Ron Wood un moteur du groupe composant une espèce de nouveau binôme Jagger-Richards qui ne laisse que des miettes aux autres Faces, y compris à Lane qui pourtant reste présent côté création du répertoire.
Ronnie Lane choisira de quitter le navire. Il a fait ce qu'il a voulu, mais il n'aura plus jamais de gloire et de grande destinée rock après ça. Il n'a pas cru en un repositionnement possible des Faces par la suite.
Maintenant, il y a le groupe et son alchimie. L'entente ne fut donc pas parfaite, mais est-ce que Rod Stewart prenait réellement et insidieusement le contrôle du groupe, ce n'est pas évident, même si quand il fait tournoyer son micro, Rod Stewart ne regarde pas souvent si Ronnie Lane n'est pas obligé de faire un pas en arrière pour éviter un coup à la tête.
Il y avait eu une dimension de joie du groupe qui était produite sur scène et que Ronnie Lane quelque part n'a pas considérée comme suffisamment prenante pour lui.

Venons-en aux albums. First step en 1970, ce n'est pas encore ça. Il s'ouvre par une reprise de Bob Dylan. Les neuf autres titres sont composés par les cinq membres du groupe, mais pas à part égale. Les moins actifs Jones et MacLagan s'unissent pour un titre Looking out the window.
Rod Stewart est encore peu présent. Il coécrit le dernier titre avec McLagan, lequel a d'ailleurs composé un titre du premier album d'Humble Pie de son ancien compère Marriott à la même époque. Il coécrit un titre Around the plynth avec Ron Wood et puis avec Lane et Wood il coécrit le titre principal de l'album Flying.
Lane, Wood, Stewart, ce sont les trois principaux compositeurs du groupe.
Around the plynth annonce déjà les collaborations à la Jagger-Richards entre Wood et Stewart, mais Wood a coécrit également deux titres avec Lane : Shake shudder shiver et Nobody knows.
Deux titres composés par le seul Lane figurent plutôt en début d'album face A : Devotion et Stone. Wood écrit un titre seul sur la face Pineapple and the monkey.

Lane est donc présent sur cinq titres, dont deux qu'il écrit seul. Ron Wood est présent lui aussi sur les crédits de cinq titres, mais il n'en écrit qu'un à lui seul. Stewart est coauteur de trois titres. Voilà les dynamiques en présence.
Le meilleur titre est commun aux trois.


Le deuxième album Long player en 1971 comporte une reprise live du "May be I'm amazed" de Paul McCartney et une reprise de Big Bill Bronzy "I feel so good".
Les sept autres titres sont originaux.
Deux des meilleurs titres de l'album sont composés par le trio Lane-Wood-Stewart:
Ronnie Lane a toujours une légère dominante, il compose encore une fois deux titres à lui seul:
Wood n'y répond que par l'adaptation d'un traditionnel en morceau court final : Jerusalem.
Wood et Lane, les deux principales compositeurs du groupe, se joignent pour un autre titre:
Il ne reste plus qu'un titre à considérer, il est l'oeuvre de Stewart et McLagan, et il s'agit d'un des meilleurs titres de l'album:

L'importance sous-jacente de Stewart est réelle. Les titres auxquels il participe ne sont jamais faibles sur les deux premiers albums.
On s'offrira tout de même la reprise de McCartney...
Voire celle de Big Bill Bronzy en live en 70:

Enfin, vient le troisième album, le joyau du groupe : A nos is as good as a wink... to a blind horse. Titre d'album assez long. Mais l'album est trop court tant il est bon. Enfin, c'est façon de parler, puisque c'est encore un album de 1971.
Avant d'étudier qui fait quoi sur les huit titres originaux, je m'empresse de livrer la reprise de Chuck Berry, pas moins que Memphis, Tennessee.
Le trio Wood-Stewart-Lane compose à nouveau un titre au chant très typé Stewart et à l'introduction très typée Wild Horses. Le clavier inspirera en revanche les stones sur Black and blue, mais ils auront alors intégré Ron Wood.
Ronnie Lane place à nouveau deux chansons composées en solitaire.
Il prend deux titres d'avance et il en prend même un troisième avec le titre qu'il coécrit avec Ian McLagan:

Tout cela est excellent, mais il y a désormais la formule accomplie du duo Stewart-Wood qui n'est sans doute pas pour rien dans la magie de l'album, et c'est quatre titres démentiels qu'ils nous proposent alors, dont le plus grand succès connu par les Faces Stay with me. Le finale That's all you need n'est pas moins époustouflant et l'ouverture Miss Judy's farm est impressionnante également. 1er, 5ème et 9ème titres d'un album qui en compte neuf, les compositions de la paire Stewart-Wood encadrent l'album, début, milieu et fin. Ils occupent même toute la fin de l'album puisque Too bad précède le finale de That's all you need.
Il devient sensible que le couple Stewart-Wood joue un rôle prépondérant dans les destinées et le succès du groupe.

Ce sont ces quatre morceaux du diable qui expliquent que Ron Wood sur le papier ait été rêvé un nouveau souffle puissant pour les Rolling stones. Il en sera empêché par plusieurs facteurs, même au-delà des imprévues contrariétés de l'alchimie ratée. Le leadership le reléguait à un rôle secondaire où paradoxalement on faisait barrage à ce qui lui était demandé d'offrir. Keith Richards était enfoncé dans la drogue, ce qui ne permettait pas de réarmer. Les stones visaient trop à une unité lisse commerciale qui les empêchait d'exploiter le potentiel succès d'une formule privilégiant un noyau dur de fans. Les concerts brouillon mal préparés de Love you live discréditèrent prématurément la mise en relief du jeu de Ron Wood.
Le répertoire des stones est désespérément caricatural à partir de Love you live, ils n'ont pas su jouer avec l'immensité du répertoire à leur disposition. Il est entièrement faux qu'ils aient réellement joué des titres plus rares de leur répertoire (cas à part des titres neufs, mais ça ça ne compte pas dans le jeu), ils ne l'ont jamais fait qu'à la marge en manière de concession, erreur grossière.

En même temps, les titres puissants qui viennent de s'aligner sont des morceaux de bravoure, mais sans doute pas des exemples de complétude et de finition.

Arrive enfin le dernier album Ooh La La. Il est lui de 1973. Le "Ooh La La" français amuse beaucoup les anglosaxons, on le retrouve dans une chanson de John Cale.

10 titres sur ce dernier album et pas une reprise. Fait régulier, encore deux titres que Ronnie Lane a composé tout seul. Décidément, c'était dans le contrat.
Glad and sorry
Just another honky
Les titres de Ronnie Lane sont généralement très bons. Just another honky est un sacré morceau à chanter pour la voix de Stewart avec une intro qui semble avoir inspiré un peu les Rolling stones sur des titres demeurés inédits par la suite de toute façon.
Lane coécrit un titre, le finale qui donne son titre à l'album, avec Ron Wood:
Ooh La La
Mais il met enfin son talent en commun avec Stewart, pour deux titres carrément :
Flags and banners
If I'm on the late side
Un titre composé à quatre (Jones, Lane, Wood, McLagan) laisse Stewart à l'écart :
Fly in the ointment
Woodsemble donc un initiateur de ce rythme. Photo marrante de lui au début du lien vidéo.
Mais qu'en est-il des suites de la formule du duo Wood-Stewart sur le quatrième album. Les suites sont concentrées en début d'album, face A, quatre titres, mais en-dehors du titre d'ouverture de l'album, McLagan a été impliqué dans trois titres de la formule chimique. Un peu moins sauvage que sur l'album précédent, mais cela reste ravageur et âpre.
Silicone grown
Cindy incidentally
My fault
Borstal boys

Borstal boys rappelle splendidement l'album précédent, tandis que les trois autres titres développent des facettes nouvelles pour la formule.
mais avec l'histoire ne finisse, il y a encore en single un résultat de la paire Wood-Stewart.
Pool Hall Richard

Hélas, l'ambiance fut sans doute plombée après le départ de Ronnie Lane.
Je n'ai pas parlé des Faces en live, et il me restera à parler des carrières ultérieures de Lane, McLagan et Jones.

Les compositions de Lane avaient un certain accomplissement, mais il n'était pas pleinement le songwriter qu'il rêvait d'être. C'était un génie dans un groupe. Wood et Stewart étaient à fleur de peau et avaient trouvé une formule de constante magie fine dans l'excitation, un peu répétitive, mais efficace et permettant de belles boutades instrumentales et de la communication joyeuse par le chant qui était nécessairement bien desservi par la voix exceptionnelle de Stewart.
Une page Wood-Stewart suivra de près la courte troisième partie.

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