lundi 11 février 2013

Quatre "Faces" dans le vent! (première partie)

Les Small Faces sont l'un des plus grands groupes de rock anglais des années 60 et, comme trois d'entre eux sont restés ensemble pour former The Faces avec Ron Wood et Rod Stewart, historiquement, c'est un groupe qui a connu deux des plus grandes voix rock masculines qui soient : Rod Stewart et Steve Marriott. Ce dernier a créé son propre groupe avec Peter Frampton, mais la période à succès d'Humble Pie est mitigée et ce sont plutôt les débuts qui furent superbes.
Ronnie Lane et Ian MacLagan vivront mal la présence d'un nouveau chanteur à succès, Rod Stewart. Ils l'ont interprétée comme une prise de possession de leur groupe. Dommage car ce fut une expérience proprement excitante que les Faces. Ils n'avaient pas le niveau des Rolling stones, leur finition, etc., mais leurs concerts et leurs compositions étaient des moments de vie qui s'enflamment.
Steve Marriott et Ronnie Lane ont eu une fin triste dont il ne sera pas question ici. Je présente les groupes Small Faces, Humble Pie et Faces.

Pour le grand public, les Small Faces sont plutôt connus pour le hit Sha La La La Lee que leur ont fourni Kenny Lynch et Mort Shuman, un compositeur américain pour notamment The Drifters et Elvis Prelsey de deuxième période (la paire Pomus-Shuman). Mort Shuman aura une carrière en France avec Le Lac Majeur et Sorrow notamment. Parmi les titres d'Elvis Presley, ma préférence va nettement à Marie's the name et Little sister. Les autres titres sont trop loin de l'esprit originel d'Elvis Presley, même s'ils sont bons. Surrender fait partie des chansons italiennes (avec It's now or never) transformées en titres originaux du répertoire Presley. La chanson Viva Las Vegas, reprise plus tard par ZZ Top, ne me plaît pas plus que ça. Même chose pour Here I go again d'un groupe sixties anglais The Hollies qui ne m'a jamais emballé pleinement. En revanche, Le Lac majeur et Sorrow sont deux très belles compositions. Sweets for my sweet fut reprise par The Searchers avant de devenir Biche oh ma biche de Frank Alamo. Plusieurs chansons connues des années 50 sont sorties sous le nom de groupe The Drifters, mais le personnel jouant sous ce nom changeait tout le temps. Il ne s'agit pas d'un groupe précis, mais d'un nom de groupe qu'utilisait comme elle le souhaitait une maison de disques, à ce que j'ai cru comprendre.


Mort Shuman va composer encore quelques titres pour des formations anglaises.


Et bien sûr le succès célèbre des Small Faces. Si Elvis Presley a une voix pas mal, que dire de la puissante voix soul de Steve Marriott?


Or, l'autre succès des débuts des Small Faces n'est autre que le hit Everybody needs somebody to love de Solomon Burke travesti.


Une chanson à succès composée pour eux et une reprise déguisée, cela ne devrait augurer rien de bon.
Le premier album de 66 continue avec une reprise exceptionnelle de Shake de Sam Cooke qui rivalise quelque peu avec celle d'Otis Redding. D'emblée, ça y va fort dans la comparaison, mais quand même, même si Otis Redding et Sam Cooke restent un ton au-dessus, vous avez vu ça?


Le premier album contient aussi un titre clef You need loving, il plagie quelque peu le titre You need love écrit par Willie Dixon pour Muddy Waters, mais sa structure particulière va inspirer Whole lotta love à Led Zeppelin qui, du coup, aurait pu créditer Howlin' Wolf et Small Faces dans la foulée.


Les deux premiers albums des Small Faces sont sortis chez Decca, les deux suivants chez Immediate. Immediate fera un coffret 4 CD des enregistrements du groupe et le premier album chez Decca est facile à trouver dans le commerce. Bizarrement, le deuxième album beaucoup moins.
Mais, tournons la page des reprises pour entrer dans la musique personnelle des Small Faces.

Titre sorti en single et pas sur un album.
I've got mine
Sauvage, guitares hérissées, quelque chose des Who, le premier album contient encore des titres puissants. It's too late fait se dresser l'auditeur. One night stand ou Don't stop what you are doing annoncent toute la finesse à venir du groupe. L'orchestration âpre de Come on children et E too D ou le martèlement de You'd better believe it rappellent bien les Who, leur magie même, leur fureur de fin du monde. Own up time est dans la lignée de The Ox. Quelques titres ont quelque chose dans la continuité de Sha La La La Lee.


Le deuxième album From the beginning contient de nouveaux hits du groupe et des hits de leur plume. Quelque chose de plus en plus superbe est en train de se mettre en place. My mind's eye, All or nothing,... Tout ou rien, c'est plutôt le tout stupéfiant. Les trois titres ci-dessous datent de 1966 (singles) en figurant sur le second album de 1967.

Pour ce titre, Steve Marriott s'est inspiré du Gloria in excelsis Deo...

Inspiration nette de Don Covay


Exploration du psychédélisme soft.


Mais le second album n'est pas continuellement du sommet.


Je ne parle pas des autres reprises ici, ni de deux titres sublimes My way of giving et (Tell me) Have you ever seen me, qui, par chance, figurent sur le troisième album intitulé The Small Faces comme le premier, mais qui paraît chez Immediate.

Mais tous les titres n'étaient pas voués à figurer sur les albums. Je n'ai pas parlé des faces B, mais voici encore trois faces A qui ont fait la réputation du groupe.

Can't make it
Here comes the nice
Itchycoo Park
(Ces deux derniers titres annoncent nettement Ogden's Nut gone flake)

Enfin, le troisième album est tout simplement imparable, une suite de chansons courtes qui vont hyper bien ensemble et qui sont fondantes de volupté.
Cet album est sorti comme le précédent en 67. La veine mélodique anglaise prédomine fort heureusement dans les choix de l'époque.  Et là, c'est encore autre chose en plus, un OVNI musical dans le subtil équilibre anglais et soul.
Quand j'ai acheté cet album, je ne pouvais plus m'en passer. J'étais hypnotisé.

Feeling lonely (semble manquer sur youtube, vous voyez comme la société passe à côté du mieux)
Things are going to get better (quand vous entendrez ce titre digne comme les autres des Kinks sur cet album phénoménal, vous vous indignerez de son absence sur youtube)

Have you ever seen me, mais je veux citer I've got something I want to tell you, mais je ne veux pas qu'on minimise Green circles, et on va croire que Talk to you est moins important si je ne le cite pas, et je dois faire une place à Show me the way, puis je voudrais signaler à l'attention l'originalité d'Eddie's dreaming ou Up the wooden hills to Bedfordshire ou All our yesterdays. Je n'ai rien dit de My way of giving, ça y est et d'Happys boys happy, et puis ce Things are going to get better qui manque à l'appel.
Un immense album de l'histoire du rock.

Et cet album est suivi par un classique Ogden's Nut gone flake! Malgré ma passion pour le troisième album, ce sera Ogden's Nut gone flake qui aura tendance à être cité pour une discothèque idéale.
Ce n'est pas un opéra rock, mais un album concept tout de même. Il sort en 68.
Une boîte à tabac sur laquelle on se penche pour sentir les chansons de santal.
Quand vous entendez l'ouverture, vous comprenez vite à quoi vous avez affaire. Les deux albums concepts Ogden's Nut gone flake des Small Faces et Village green preservation society des Kinks, tous deux de 68, sont à peu près inégalables en matière de musique pop. Après l'introduction, Afterglow (of your love) met définitivement à genoux l'auditeur. La face A contient des hits, la face B va évoluer en grandiloquence musicale folle, mais délicate, belle et juste, avec ses parties parlées (The Journey notamment) et ses voix de gnomes qui ont dû marquer David Bowie dans sa période sixties. Des arrangements orchestraux géniaux sur de la pop ciselée, mélodique, et puis des basculements dans le rock un peu soul, Rollin' over.

Ogden's nut gone flake
Afterglow (of your love)
Long agos and worlds apart
(La chanson la moins marquante de l'album, mais ça va repartir: René va donner le vertige, Song of a baker flirter à nouveau avec un côté Who mais bien typé Small Faces et puis la face A se termine en Lazy sunday pas du tout)
René
Song of a baker
Lazy sunday
(Oui, une allusion à Satisfaction dans ce chef-d'oeuvre psyché-pop-rock!)

Happiness Stan
The Hungry intruder
The Journey
Mad John
Happy days toy town

Et poursuivons par deux autres face A splendides de 45 tours!

Tin soldier
The Universal

Présente sur Tin soldier, PP Arnold est une ancienne "ikette" qui tournait avec Ike and Tina Turner. Elle essaie d'échapper à la violence d'Ike Turner et se place sous la protection de Mick Jagger, fils d'un professeur de gym aux petits bras musclés. Elle rencontre alors Steve Marriott avec qui elle a une liaison, en même temps qu'elle devient une artiste noire américaine qui va enregistrer des performances soul en Angleterre, et surtout du coup à l'anglaise. La réputation de PP Arnold put se fonder sur une voix et la douceur d'un très beau visage.

PP Arnold - Angel of the morning
PP Arnold - The First cut is the deepest
Trois interprétations des Small Faces dont If you think you're groovy avec PP Arnold, pour qui ils l'ont écrite 

Les Small Faces ont également participé à l'enregistrement qui demeurera hélas inédit de l'album du précoce Billy Nicholls (à peine 18 ans) : Would you believe.

J'ignore le détail de telles collaborations, mais on ne peut manquer de placer des titres de référence de l'album. On reconnaîtra la participation vocale de Steve Marriott.

Would you believe
London social degree

Pete Townshend s'est inspiré de Billy Nicholls et notamment de London social degree pour composer le riff célèbre de Pinball Wizard.

Il faudra que je fasse des recherches pour voir si je n'oublie rien d'important. Steve Marriott joue également sur le titre majeur du dernier album des Easybeats composé par Young: Vigil (Friends étant un peu à part dans leur discographie). Il s'agit du meilleur groupe de rock australien de tous les temps et d'un groupe majeur des années 60, inégal, mais qui a aligné un nombre élevé de compositions vertigineuses. On reconnaît à nouveau la participation vocale de Steve Marriott dans ce chef-d'oeuvre d'excitation galopante.

The Easybeats with Steve Marriott - Good times

Le titre aura emballé le groupe féminin suivant qui s'y donne à coeur joie :

The Clingers - Gonna have a good time tonight

Hélas!, Steve Marriott quitte le groupe à la fin de l'année 1968, arrêt de mort d'un groupe divin. Il va former Humble Pie avec Peter Frampton, guitariste célèbre pour son beau visage mais dont le groupe The Herd ne présente pas vraiment un grand intérêt. Je vais me pencher sur Humble Pie et ses deux leaders un peu plus bas, puis je traiterai de la carrière des trois membres qui sont demeurés ensemble et ont créé un nouveau groupe en réduisant le nom Small Faces en Faces.
Mais, il y a pour consolation les compilations d'inédits et on voit qu'il y a encore des choses à savourer dans le tas. Une compilation de 69 porte le nom The Autumn stone et pourrait être désignée comme le cinquième album indispensable.

Et un rock lourd artistiquement périlleux, mais d'une inventivité small facienne ravageuse. Il va marquer Bowie qui reprend l'onomatopée-titre dans Suffragette city.

Wham Bam Thank you Mam
David Bowie - Suffragette city (pour "wham bam thank you mam")

Splendeur bluesy-psyché-pop avec un faux-titre "appelez-ça quelque chose de joli"
Call it something nice

Un titre qui inspire royalement la nostalgie du feu groupe.
Collibosher

Démonstration tranquille côté ballade...
The Autumn stone

Reprise de toute beauté du génial Tim Hardin :
Red Balloon

Un petit complément à Ogden's Nut gone flake
Just passing

Une ballade rythmée à la Who
Wide eyed girl on the wall

Ni Steve Marriott, ni les trois membres restants ne seront aussi bons par la suite.
Mais, il faut nuancer.
Steve Marriott va former Humble Pie avec Peter Frampton et commettre la bourde de s'éloigner du style mélodies anglaises pour une attitude plus rock, plus gros son. Cette attitude sera récompensée par le succès qui est caractérisé par le titre Natural born boogie. Malheureusement, musicalement, ce n'est plus du tout la qualité d'antant. Au fil des années, Steve Marriott devient même détestable au plan musical. Quant à Peter Frampton, son album live solo ultérieur, s'il a connu le succès, n'a aucun intérêt musical. Il n'est pas un grand nom du rock. Point.
Toutefois, il y a les débuts d'Humble Pie que pendant tout un temps je n'ai pas soupçonnés. Natural born boogie, ce n'était pas ça et bizarrement pour moi Steve Marriott était devenu médiocre sans traîner après son départ des Small Faces. J'ai alors tenté de connaître les débuts d'Humble Pie et j'ai commencé par Town and country, le deuxième album qui m'a ébloui, tant c'est une pop mélodique ciselée à merveille qui n'a rien du tout à voir avec le gros rock à venir d'Humble Pie. Du coup, j'ai complété avec le premier album. Humble Pie tient la route sur le troisième album, puis décline, mais ne vous laissez pas influencer par une critique rock qui n'y connaît rien. Le gros rock est présent sur le premier album, mais c'est du bon. Le chef-d'oeuvre, c'est le deuxième album, et de loin, de très très loin. Pffh! Pauvres abrutis de la presse rock.

Bang (As safe as yesterday is)
What you will (As safe as yesterday is)
Growing closer (As safe as yesterday is)
Alabama 69 (As safe as yesterday is)

Every Mother's son (Town and Country)
The sad bag of Shaky Jake (Town and country)
Cold Lady (Town and country)
The Light of love (Town and country)
Down home again (Town and country)
Heartbeat, reprise du titre de Buddy Holly (Town and country)
Buddy Holly - Heartbeat
Silver tongue (Town and country)
Home and away (Town and country)
Ollie Ollie ("jingle" de moins d'une minute)

Single à succès de 69. Le titre n'est pas mauvais, mais il n'est pas génial et inspiré non pluis, c'est la mauvaise pente du rock vendeur qui va être suivie.
Natural born bugie

Voilà les gros titres de la suite. Ils ne souffrent pas la comparaison avec l'album Town and country!
Big black dog
Stone cold fever

Steve Marriott n'a pas su demeurer génial au-delà des années 60. C'est la chute libre dès 1970.
Peter Frampton va quitter Humble Pie. Mais, la reprise suivante d'une chanson aussi fabuleuse que Jumpin' Jack Flash en 1972 montre assez qu'il ne vaut pas une allumette.

Peter Frampton essayant de jouer Jumpin' Jack Flash en 72

C'est triste, mais c'est comme ça.
Mais, heureusement, nous avons laissé de côté les trois autres "small faces". Avec Ron Wood et Rod Stewart, ils vont devenir The Faces.

A suivre dans une "deuxième partie".

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