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Je me lance dans une notice sur un groupe que je connais encore assez mal. Le nom du groupe est une expression imagée subtile pour désigner une prison. Dans Encyclopedia of british beat groups & solo artists of the sixties, le groupe est présenté expéditivement. Il met deux ans à être signé par Deram, il obtient un petit succès avec la reprise de Beggin’ des Four seasons, mais pas très heureux dans ce style il change de nom et de direction musicale pour devenir le groupe Patto. Les choses sont plus subtiles. Il s’agit d’un groupe pop marqué par le jazz qui change de chanteur au début et qui sort quelques 45 tours dont les qualités ne sont pas récompensées par le succès. En cours de rencontre, ils intègrent celui qui s’est choisi le nom de scène Mike Patto. Enfin, le groupe n’est plus seulement doué dans l’interprétation, il possède aussi un compositeur. C’est l’apparition d’un duo de compositeurs avec Patto et le membre originel multi-instrumentiste Halsall. La reprise des Four Seasons est alors pressentie comme un hit imparable, mais l’échec commercial va mettre le groupe sur la touche. Un premier 45 tours avec uniquement deux compositions du groupe n’apporte toujours pas le succès. Le groupe est essentiellement reconnu dans le circuit des prestations scéniques Mod. Après le départ de l’un d’eux, le groupe décide de changer de nom comme il passe un autre mode musical. Il devient le groupe rock Patto qui nous éloigne de la soul délicate et de la pop tendre. Mais, de nombreux titres sont demeurés inédits. Or, édités ces vingt dernières années, ils entraînent une complète réévaluation de l’intérêt du groupe dont on savait déjà que son manque de succès n’était pas mérité vu ses qualités d’interprétation. Désormais, c’est le nouveau souffle des compositions qui attirent l’attention. Un exemple en est significatif. Après l’échec de Beggin’, le suivant single avait pour face A le titre Girl don’t make me wait, mais c’est la face B qui est devenue culte, la composition originale Gone is the sad man qu’on retrouve sur le second coffret Nuggets. Remarquons encore que certains titres annoncent idéalement la formation rock Patto, à commencer par l’excitant inédit Black dog, très rock quoiqu’il ne faille pas le confondre avec l’homonyme led zeppelinien.
Cette compilation rassemble ainsi 27 titres du groupe. On peut suivre ainsi toute son évolution qui va de pair avec une évolution fin de sixties, arrivée aux seventies. Surtout, les morceaux sont particulièrement beaux et on a réellement droit à des trésors cachés. La distribution n’est toutefois pas purement chronologique, même si les titres de 67 tendent à apparaître au début et les titres de 69 vers la fin.
Les œuvres de 1967 sont aux emplacements 1, 2, 3, 5, 10 et 11 du CD. Il s’agit respectivement des titres I wish I could Jerk like my Uncle Cyril (nouvelle et raffinée reprise instrumentale après les Shadows en 65 d’une chanson des années 20 I Wish I could shimmy like my sister Kate), I’ll always love you (premier single chanté par un déserteur noir-américain rattrapé par la police militaire), Soul sauce (une remarquable adaptation du titre jazz latinisant de Dizzy Gillespie et Cal Tjader), Save your love (une composition de Schroeder en face B du premier single), Walking through the streets of my mind (en ce qui me concerne, un superbe morceau soul à orchestration classieuse et fine, la composition étant créditée (Milrose-Hess)), Don’t make promise (une reprise de Tim Hardin, chanson pop réussie qui monte graduellement en puissance avec une plénitude de voix grave bien posée dans un temps bref de reprise du titre, avec un finale instrumental étrange et désorientant, jusqu’au chœur féminin). Les titres de 1968 sont en plages 7, 8, 9, 12 et 14. La plage 7 rythmée quoique soul Come on up annonce sans doute précocement la réorientation rock de Patto. Le titre suivant nous replonge dans la pop A woman that’s waiting. Il est crédité McCarthy/Zagni. McCarthy est le vrai nom de Patto qui imposera ensuite son surnom aux crédits de ses compositions. Le titre A woman that’s waiting est remarquable et exploite bien les capacités jazz du groupe, avec un super refrain vertigineux accentué par la voix et le trépignement du violon. La charge orchestrale s’y trouve, avec notamment les cuivres différenciés et le chœur très particulier à la fin du morceau. La reprise Beggin’ très jazz, très dansante, est sans aucun doute un extraterrestre dans le style. Le hit potentiel y était vraiment. Une note de punch enthousiaste en plus et cela aurait dû y être, à supposer qu’il soit possible de retoucher cette interprétation éblouissante. Quand on entend ce morceau, on est d’emblée convaincu d’avoir affaire à un classique, pas à une petite vente ayant plafonnée à la 38ème place des charts !? Malgré l’absence de succès, on peut encore penser que Girl, Don’t make me wait était imparable auprès de la gent romantique sensible autant que raffinée. Enfin, j’ai intériorisé l’écoute du particulier Gone is the sad man qui s’impose à moi dès que je l’entend. Il s’agit d’un titre psyché-pop très particulier qui suggère inévitablement la découverte d’un monde merveilleux de plaisir éthéré, avec une touche mélancolique qui revient dans le martèlement conquérant où le titre est chanté dans ce qui est plus un contrepoint vocal qu’un refrain, avant l’envolée instrumentale débridée et grandiloquente, ce que suit une retombée joyeuse quelque peu toboggan, un effet planant et le retour joyeux aux couplets.
Il n’y avait décidément rien à jeter dans ce qu’ils ont sorti en 67 et 68. Je passe aux titres de 1969. Le titre 17 Baked Jam Roll in your eye fait songer au titre 15 inédit Eddie McHenry pour le rythme. Il y a encore une grande orchestration élaborée, des successions de plans ménageant les retours de vertige provoqués par le chant. Le rythme est puissamment pompé, une perle pop d’une exécution ferme et dynamique. Des choses toujours étonnantes avec des onomatopées en particulier qui font songer à nos cousins ! Le titre 18 annonce plus volontiers le rock de Patto. Il s’agit de Poor little heartbreaker qui tout en étant bien m’intéresse un peu moins. Je préfère le titre 23, le très country You’ve got the chance avec sa profondeur de chant, si ce n’est le refrain tous en chœur déjà rock progressif qui défend moins la beauté guitaristique de la performance. La plage 25 Yellow van représente la face A de l’ultime 45 tours, ce qui reste un plutôt bon titre, mais sans être exceptionnel.
Nous avons passé en revue 6 titres de 67, 5 de 68 et 4 de 69, soit 15 titres sur 27. Ce chiffre impair ne correspond pas exactement à une suite de faces A et faces B de 45 tours, mais il nous reste 12 titres inédits à traiter. En plages 4 et 6, Waiting for the end et Your real good thing’s about to come to an end (reprise d’une composition d’Isaac Hayes) représentent les excellents temps pop jazz du début. Le titre 13 Leave me to cry est une composition de Patto et Halsall qui nous rapproche également des débuts, en soulignant combien Patto est intéressant quand il compose des pièces montées dans un esprit soul et pop, car ces titres sont finalement peu nombreux et l’évolution rock semble bien avoir été assez rapide. En plage 15, il n’y a rien à redire à l’excellent Eddie McHenry digne d’un McCartney pour ce trait de composition joyeuse et sautillante puisant dans une tradition musicale plus ancienne. Plus grave et plus intériorisée, la plage 16 Barnabus Swain fait un très bon prolongement à Gone is the sad man. Il a manqué historiquement un album entier de ce génie pop particulier au groupe. En position 19, la chanson Stay there ferait partie de cet album. Certaines intonations annonce l’esprit collectif du rock progressif, mais elle a pas mal de trésors d’inventions, un jeu avec les effets sonores qui est une marque distinctive de l’esprit créatif du groupe dans sa période Timebox. Le titre suivant est composé par Halsall seul et se maintient comme un air rythmé intéressant Country Dan and City Lil. A sa suite, le titre Love the girl revient à la coloration pop plus spécifique au groupe. Le rythme est travaillé, syncopé, vivant pour une ambiance sonore pourtant peu agressive, quelques effets de saturation guitare mis à part. Nous enchaînons avec Tree House qui me semble un autre temps mélodique très fort de cette brassée d’inédits. La voix me fait penser à McCartney pour certaines intonations et puis un solo de piano me fait penser aux Rolling stones, idée qui s’imposera à peu de personnes, mais mon intuition doit au moins laisser supposer de belles rencontres dans ce petit bijou. Le rock âpre Black dog avec son superbe riff ronflant de guitare est un autre chef-d’œuvre majeur sauvé de l’oubli, s’éloignant toutefois résolument des marques musicales de Tiebox pour annoncer Patto. La plage 26 Promises est elle aussi nettement marqué par un nouvel esprit de rock progressif, malgré sa douceur mélodique. Il s’agit en tout cas d’une bonne version du rock progressif. Avec une introduction et des parties guitare ou voix habilement démarquées de Black dog, le titre Timebox ponctue notre compilation en beauté. Ceux qui ont toujours été intéressés par certaines facettes du rock progressif, mais en trouvant que le genre craignait quelque peu pourront se régaler en trouvant leur compte dans ce CD de Timebox, d’autant qu’il y a un incroyable passage par des styles très contrastés sur cet album sans que cela ne choque. Une belle réussite. Les membres du groupe connaîtront des morts tristes ou des accidents tragiques par la suite, ce qui fait que leur manque de succès pour ce qu’ils ont fait de mieux au plan artistique peut sembler une malédiction secondaire dans leurs parcours respectifs.
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