jeudi 23 juin 2011

7. The Choir : Choir practice (oubli réparé)

En-dehors de mon achat des deux raretés des Pretty things : Electric banana et More Electric Banana (ce dernier que je possède en double), le CD Choir practice du groupe sixties américain The Choir est celui que j’ai payé le plus cher dans toute ma collection : près de 40 euros, quand je n’ai pratiquement jamais excédé les 20-24 euros pour CD ou doubles CD. Je ne parle bien sûr pas des vinyles et des coffrets. Tout a commencé par la fascination que j’éprouvais pour la chanson It’s cold outside qui figure parmi les près de 120 titres de 130 artistes différents du coffret Nuggets américain, mais aussi dans la série des Pebbles. J’étais trop fanatisé par cette perle pop que pour reculer et le moins porté sur la pop des deux vendeurs m’avait effectivement déclaré l’album comme bon dans la boutique de l’Armadillo à Toulouse. Malheureusement, cette perle du catalogue Sundazed semblait déjà épuisée. Je l’ai trouvée à 40 euros sur le net et j’ai foncé.
Il s’agit d’une compilation réalisée en 1994 par Sundazed, mais elle a un intérêt particulier à être rangée dans la collection Collector’s et nous rapproche des deux compilations de Bryan MacLean. Non seulement la plupart des titres sont inédits, mais il y a pas mal de démos. Les 18 titres sont bien sûr accompagnés d’un livret qui explique tout.
Le groupe a connu un énorme succès à Cleveland dans l’Ohio, mais pas au-delà. Originaire de Mentor, ville rurale sur le lac Erie pas loin de Cleveland, Danny Klawon, qui allait composer It’s cold outside, par son air triste et son physique rond et lourd, fait plus penser à un dépressif qu’à une star du rock. Il a toutefois une longue chevelure significative à son époque. Emporté par la beatlemania en 1963, il s’abonne aux revues anglaises de merseybeat et profite de l’auto-stop pour assister à tous les concerts des formations anglaises. Il a même planté son groupe lors d’une émission télévisée pour aller voir les Rolling Stones à Detroit. Il était aussi capable de jouer de nombreux instruments : batterie, guitare, basse, harmonica et l devint un brillant compositeur à force d’assimiler la musique rock anglaise. Il a formé avec des amis étudiants son groupe à la fin de l’année 1964, prenant le nom de The Mods qui deviendra The Choir. Très vite, Wally Bryson, un guitariste de seulement 15 ans, est appelé à consolider la formation, qui recrute encore un très bon bassiste Dave Burke. Le compositeur de notre superbe ballade pop, Danny Klawon, est derrière la batterie. Le manager décide de les associer à l’autre groupe de Cleveland qu’il promeut. Le batteur Jim Bonfanti devient alors un membres des Mods (futurs Choir). Ceci permet une double présentation scénique. Pour les parties plus folk-rock et mélodiques, Danny Klawon est à la batterie. Pour les titres de rhythm’n’blues inspirés des anglais, Bonfanti passe à la batterie et Klawon joue de l’harmonica, chante ou tient la guitare rythmique. Le groupe jouera à Cleveland en avant-première de plusieurs combos anglais dont les Who, Dave Clark Five et Herman’s Hermits.
Au cours de l’été 1966 s’ouvre enfin pour eux la question du pressage sur vinyle. Ils proposent pour single une face A It’s cold outside et pour face B I’m going home, titre rhythm’n’blues que Klawon a adapté d’une chanson oubliée des Nashville teens Find my way back home. Cette face B ne figure pourtant pas sur la compilation CD, mais elle se recontre sur la volume 2 de la collection Pebbles au format CD. En 66 donc, un groupe concurrent The Modernaires a raccourci son nom en un homonyme The Mods et réclame l’antériorité. Notre groupe est obligé de changer de nom et devient The Choir. Malheureusement, le 45 tours va mettre encore six longs mois à sortir. Le pire vient des corruptions importantes qui transforment le producteur Dennis Ganim en un énigmatique Najeeb Hedafy et le compositeur Danny Klawon en Denny Klawson. Jamais le groupe et le compositeur même ne touchèrent le moindre argent pour leur premier 45 tours. Toutefois, la chanson It’s cold outside va connaître un petit succès en 67 : elle se retrouve 68ème au Billboard un an après son enregistrement, au moment de la sortie de Sgt Pepper en juin 67. La chanson a la magie d’un titre des Beatles, elle est grande, mais les déboires n’ont de cesse de s’accumuler. Peu après son enregistrement, les deux piliers du groupe s’en vont, le bassiste Dave Burke et surtout Danny Klawon lui-même. Ils auraient été virés pour avoir été surpris en train de consommer de la drogue. Tout est quasi fini et on comprend déjà que notre compilation 18 titres ne s’étoffera pas d’un immense intérêt au-delà du titre de génie qu’on rencontre sur les compilations Nuggets ou Pebbles. Consolation, des démos de 66 figurent sur la compilation Sundazed : apparaissent deux compositions de Danny Klawon In love’s shadow et I’m slippin’ avec une reprise des Zombies Leave me be signée White. Les deux compositions de Klawon font songer à des prémisses du premier single officiel. In love’s shadow (qui a du potentiel) annonce de loin en loin It’s cold outside et I’m slippin’ est un précurseur rhythm’n’blues de la face B I’m going home qui donne une idée de l’autre versant musical du groupe période Klawon. La reprise est fidèle à l’esprit des Zombies. Evidemment, il a manqué un ingénieur du son à ces démos.
Pour le reste, même la promotion live dans l’Ohio du titre It’s cold outside s’est faite sans Burke et Klawon. Le groupe a recruté un autre bassiste, mais sans remonter à cinq musiciens. Nous avons désormais affaire à un quartet. Eté 67, il enregistre un second single dont la face A est composée par Okulovich, un membre des Caverns, l’autre groupe placé sous l’aile du même manager Ray Taylor. Le titre est un échec et il ne figure pas sur notre compilation, ce qui est irritant à tout le moins quant à la dimension historique de la revue CD. J’ignore même quel était le titre de la face B. Malgré son renvoi, Danny Klawon compose alors pour le groupe une chanson au titre ironique Don’t you feel a little sorry for me. Il a opté pour le style des Zombies et il faut accompagner le morceau au clavier. Mais, les membres restants des Choir ne savent pas en jouer. Nouveau dilemme qui veut que, logiquement, le titre ne figure toujours pas sur la compilation : il n’est même pas précisé s’il a jamais été enregistré par qui que ce soit. Pourtant, après quelques auditions, le groupe va bel et bien s’augmenter d’un pianiste, mais je ne m’explique pas pourquoi il n’est plus alors question du titre précédent de Klawon.
Le nouveau venu Margolis va jouer du piano sur les trois titres suivants I only did it ‘cause I felt so lonely, I’d rather you leave me et When you were with me, trois compositions du jeune guitariste Bryson qui figurent cette fois sur la compilation. Nous avons même droit à deux versions de I’d rather you leave me. Ce titre ouvre le CD dans sa version officielle et une répétition contemporaine (« unissued rehearsal ») est disposée plus loin en plage 9. J’ignore quelle était la face B. Par ailleurs, nous n’avons pas droit  à la version single officielle de When you were with me, mais à une version inédite (« unissued version »). Encore une fois, j’ignore quelle était la Face B. On constate que Wally Bryson est devenu le compositeur du groupe, en remplacement de Klawon. Il coécrit avec Dave Smalley, le guitariste rythmique et chanteur, un autre titre dont deux versions sont offertes sur la compilation : Don’t change your mind, puisqu’est ajoutée une répétition (« unissued rehearsal »). Dans la foulée, un certain Jim Skeen compose pour le groupe deux autres titres aux ambiances étranges : Dream of one’s life et Treeberry. Si pas les chansons, les versions sont inédites sur la compilation. L’une est qualifiée simplement d’unissued et l’autre Treeberry d’unissued rehearsal. Le titre Dream of one’s life est irréprochable, bon enregistrement d’une bonne composition. En revanche, dans ma perception, c’est un fait que le titre Treeberry, malgré son potentiel, appelait d’autres perfectionnements et l’enregistrement aurait dû se faire avec un bon ingénieur du son et un bon mixage. Malgré ses qualités, le titre se traîne sur le CD et la différence de charme est nette avec le titre de Danny Klawon Smile qui suit sur la compilation. Bien qu’il s’agisse d’une « unissued demo » de 68, la composition Smile a été soigneusement enregistrée avec un son impeccable. Mais n’anticipons pas. Pour l’instant, nous sommes en 67 et les compositions viennent de Bryson et Skeen. C’est ici que la compilation me laisse perplexe. Elle se concentre sur le matériel inédit et n’offre pas les faces B du groupe, ni la plupart des faces A. Nous avons vu que la face B I’m going home de It’s cold outside, bien qu’il s’agisse d’une composition de Klawon, est passée à l’as. Nous devons à la série Pebbles, qui ne l’a pas jugée indigne d’intérêt, de la connaître. Rien ne nous est parvenu du second single. On peut penser que la composition d’Okulevitch n’était pas très appréciable et qu’il valait mieux faire remonter le travail de Klawon, Bryson ou Skeen. Mais, le titre When you were with me de Bryson n’est pas présenté dans une version single, mais dans une forme inédite. En fait, sur les 18 titres du CD, 4 seulement ne sont pas des inédits. A part l’inévitable It’s cold outside, il s’agit de trois titres de 67, période dominée par Bryson : I’d rather you leave me, I only did it ‘cause I felt so lonely et Don’t change your mind. Je ne sais même pas si l’un de ces trois titres a figuré sur un 45 tours. D’après le livret, le peu de chansons sauvées parmi les compositions de Bryson le fut tardivement, grâce à un EP posthume de Bomp Records, ce qui semble vouloir dire qu’il s’agit des quatre seuls titres officiels de notre CD. Les second et troisième singles du groupe No one here to play with et When you were with me n’ont pas connu le succès. Wally Bryson jette l’éponge à son tour au début de l’année 68, le troisième pilier du groupe s’en va alors qu’il ne s’en sortait pas si mal. Le compositeur Jim Skeen part en même temps que Bryson. En revanche, Dann Klawon revient dans le groupe peu avant le départ de Dave Smalley. Un enregistrement cassette de session a été conservé pour deux titres qui figurent sur notre compilation, avec donc le compositeur Dann Klawon et le chanteur Dave Smalley : il s’agit des titres Smile et A to F (I don’t want nobody). Le premier Smile est supérieur au suivant A to F, moins bien conduit. Les deux titres ont bénéficié d’un enregistrement impeccable. Les talents de compositeur de Klawon sont demeurés supérieurs à ceux pourtant défendables de Bryson et Skeen. Hélas, nous n’avons pas de nouveau It’s cold outside. Le clavier apparaît sur A to F. A-t-elle un rapport avec le titre fantôme évoqué précédemment ? Sa richesse est réelle (harmonies, petites données mélodiques instrumentales et vocales), mais elle ne me semble pas dans le coup. Ses énergies sont mal réparties. Smile est autrement entraînante et heureuse, quoique moins ambitieuse.
 Après le départ de Smalley, le pianiste Margolis passe au chant, tandis que le frère de Dann Klawon, Randy, âgé de 16 ans, remplace le temporaire Jim Anderson en tant que guitariste principal. Deux ans plus tôt, pour une apparition télévisée, un Randy de 14 ans avait déjà remplacé à la batterie son frère parti voir les Rolling stones à Detroit. En 67, à 15 ans, il avait formé un trio Frog avec Richard Tepp, celui-là même du groupe Richard and the Young Lions, trio qui ouvrit pour les Fugs à Cleveland. Mais, dès l’été 68, la formation se sépare. Dann Klawon ne jouera jamais qu’avec des formations obscures, à la différence d’autres membres qui connaîtront le succès sous le nom des Raspberries, au cours des seventies.
Toutefois, une reformation est tentée à la fin de 68, avec un certain bouleversement dans le personnel. On ne retrouve alors que le frère Randy Klawon, le pianiste Margolis et le batteur Bonfanti. Randy s’en va bien vite et est remplacé par Dann Klawon à la basse. Mais, cette fois-ci, notre spécialiste du va-et-vient ne compose plus. Il joue dans un groupe qui lui est sans doute étranger. Le groupe est supervisé par un certain Deny Carleton dans une voie qui veut rapprocher le nom The Choir d’une conception rock partie liée avec la musique classique, ce qui n’était pas la logique antérieure de nos musiciens. Au pinaiste Margolis s’ajoute un joueur d’orgue Phil Giallombardo au rôle important de compositeur. Le livret parle de plusieurs créations, mais quatre seulement ponctuent des plages 15 à 18 l’ensemble CD. Le style n’a effectivement plus rien à voir pour les deux titres de Giallombardo dont l’intérêt est franchement limité : Anyway I can et Boris’ lament. La reprise de David Watts des Kinks est toutefois une bonne consolation. Enfin, on peut apprécier le titre If these are men composé par Denny Carleton. Le livret le présente comme le meilleur titre depuis It’s cold outside et les démos variées de 66-67, et il faut avouer qu’il n’est pas mal du tout. La partie chant est excellement posée, surfant sur un instrumental méritoire. Cependant, ces quatre derniers morceaux sont encore une fois des inédits.
Bref, malgré les petites rognes de rigueur, il s’agit là d’une compilation de collection qui n’est pas purement vouée à demeurer ranger sur l’étagère, ce qui est tout de même essentiel. On regrettera seulement que les aléas n’ont pas permis à Dann Klawon de nous proposer plus de titres à la hauteur de ce It’s cold outside qui s’écouterait volontiers en boucle. Il faudra même se contenter de cinq compositions de lui, six avec I’m going home sur les Pebbles. La reprise des Kinks, le titre de Carleton If these are men, la reprise des Zombies, puis encore les quatre compositions de Bryson, un des deux titres de Skeen, les trois quarts de la compilation sont très bons. On regrettera la moindre qualité sonore de certaines démos, la moindre finition de Treeberry et les deux compositions de Giallombardo, mais tout cela s’écoute encore.
http://www.youtube.com/watch?v=RAaRHhulntc

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