lundi 20 juin 2011

8. Mouse and the Traps : The Fraternity years





Ce groupe texan n’a sorti que des 45 tours entre 65 et 68 et une partie de son œuvre est demeurée inédite. Le livret propose deux interviews de mars 1997, l’une brève du producteur Robin Hood Brians et l’autre d’Alec Palao (que je ne vais pas présenter ici). Les informations biographiques sont lacunaires et nimbées de mythe : amour de la vitesse, des voitures et des motos, collection facile de filles, etc. Les deux leaders et compositeurs du groupe ont fait partie d’autres formations texanes the Catalinas et The Sensors. La nouvelle formation Mouse and the Traps est née d’une composition étonnante de Ronnie Weiss et Buddy ‘Buggs’ Henderson. Ronnie Weiss aurait quitté sans la prévenir une amie pour une nouvelle et face à la plainte de la délaissée il aurait répondu par la composition cinglante A Public execution. Le morceau est impressionnant. On jurerait un inédit de Bob Dylan. Ronnie Weiss a une voix puissante, mais il affectionne de chanter à la manière de Dylan qui, lui, n’a pas les qualités de chanteur de Ronnie Weiss. Il reste que Dylan a un chant plein de savantes affectations particulières pour faire passer le courant et il est évident qu’il y a imitation de la part de Ronnie Weiss sur bon nombre de titres (pas tous !) bien qu’il ait à cœur de s’en défendre et de parler d’une rencontre à laquelle il n’avait même pas penser en composant A public execution. Alors que d’autres imitations seront moins réussies et moins naturelles, ce premier titre est réellement extraordinaire et fait écho à l’exploit des Knickerbockers dont le titre Lies a tout d’un authentique et jouissif titre de John Lennon pour les Beatles. Au-delà de l’imitation, il y a la touche de génie dans l’assimilation où, au final, on a envie d’écouter les titres Lies et A public execution pour eux-mêmes, en se disant : « Mais comment est-il possible qu’on puisse croire entendre Lennon ou Dylan ? De quels titres précis de Lennon ou Dylan ces deux morceaux s’inspirent-ils ? » Un tel chef-d’œuvre d’assimilation ne se reproduira plus. De toute façon, cela ne fut pas payant. Le morceau n’a pas fait mieux que 121ème au Billboard. La distribution du single ne s’est pas faite partout au même moment, ce qui peux expliquer en partie la contre-performance. Mais, clairement, le succès ne fut pas au rendez-vous. Pourtant, la chanson avait scotché le producteur Robin Hood Brians et le président de Fraternity Records. L’effet bluffant n’aurait pas attiré le public, ni la qualité du morceau. Un groupe a pourtant été rapidement constitué. Mouse est le surnom de Ronnie Weiss et the Traps sera le nom des musiciens l’accompagnant dont Henderson. Le batteur sur ce premier titre a un style plus jazz que celui qui va immédiatement lui succéder et user d’une technique avec plus de punch. La face B All for you, plage 11 de la compilation, montre sans doute un visage du groupe plus en phase avec son activité musicale d’époque.
Un second single est mis en route et, cette fois, l’expérience est différente. Il s’agit de créer un rock énergique, dévastateur, en amenant le chanteur à forcer sur le tempo de sa voix, ce qui au passage évacuera les ressemblances avec Dylan. Le résultat est un morceau qui m’a marqué sur la compilation américaine Nuggets Maid of sugar, maid of spice. Ce titre figure sur la célèbre compilation en compagnie de A public execution, et en l’entendant on comprend que le groupe a un talent propre qui ne doit pas tout à la bonne assimilation passagère des recettes de Dylan. A la connaissance des ces deux titres, j’étais convaincu que la compilation de leur œuvre serait un bon investissement de plaisir. Mais, pas plus que le précédent, ce single n’est un succès. La carrière du groupe ne décolle pas. Voici comment est présenté Maid of sugar, maid of spice sur le livret :

There can be no doubt that ‘Maid of Sugar’ is one of the greatest rock’n’roll records of the mid-1960s, a cathartic blast that drips energy from start to finish, and quite literally takes your breath away, as Mouse will attest : « It’s something to spit all them words out, I’ll tell ya that ! ».

Le titre « I am the One » aurait pu être face A, mais face à la présente performance, il devient face B. Le manque de succès du single pourrait être relativié par les productions de bootleggers. La reprise par le groupe de « Psychotic reaction » sous le nom de disque Positively 13 o’clock ne figure pas sur la compilation pour des raisons d’ayant droit, mais à défaut figure une reprise inédite du titre I’m a man de Bo Diddley joué dans l’esprit des Yardbirds, c’est-à-dire tout ce qui a servi de base de lancement au titre Psychotic reaction des Count five. On relève dans la foulée d’autres inédits et reprises dans la même veine : You don’t love me (you don’t care), Mohair Sam ou You are my sunshine. Le suivant single, joué par obligation, Would you believe (composition de Proctor & Gamble) n’apparaît pas non plus sur la compilation. En revanche, la face B, nouvelle composition de Weiss et Henderson, a été retenue : Like I know you do. Au début de 67, c’est au tour du suivant single Do the best you can / Promises, promises. Les deux titres figurent sur la compilation, mais il s’agit cette fois de compositions du producteur Robin Hood Brians, lequel jouait déjà du farfisa sur A Public execution. Le succès ne pointant toujours pas, des inquiétudes ridicules se posent au sujet du nom du groupe Mouse and the Traps, à moins que sa signification soit trop rigolote pour un anglophone, ce qui n’est tout de même pas évident. La maison de disques impose un changement de nom sur le prochain single Chris St John. Etait-ce seulement plus pertinent ? Certes, non. De toute façon, cela n’a rien changé en termes de succès pour le single I’ve got her love / As far as the sea. Le style folk-rock avec un côté Yardbirds de la face A montre que le style musical du groupe, lui, ne s’infléchit pas. Quant à la face B, elle attire l’attention sur les créations de pop baroque du groupe. Deux titres inédits sont à mettre en avant sur cette compilation Hand in hand (plage 21 de pop-psyché accompagnée de cordes et à voix dylanienne caractérisée) et surtout Nobody cares, volontairement promu en plage 3 du CD, juste après les deux titres mythiques. En juin 67, malgré le départ d’Henderson, retour en force, le groupe produit son single le plus percutant depuis Maid of sugar, « the infectious Cryin’ inside, backed with a cover of Lee Dorsey’s’Ya Ya’. » En décembre 67, léger parfum psyché d’époque pour le nouveau single L.O.V.E Love, mais la vedette, c’est la face B Beg, borrow& steal avec le passage d’Henderson et son recours en prime au banjo, « a raucous thowback to the days of ‘Maid of Sugar’, that featured the return of Buggs Henderson, in the studio at least ; he contributed guitar and the banjo introduction. »
Le succès n’est toujours pas venu, mais le suivant single aligne le troisième titre de référence du groupe, une composition du producteur tout à fait réussie fortement imprégnée des grands titres de pop sirupeuse et orchestrée sixties : Sometimes you just can’t win, dont seules les paroles du même membre en allé, Henderson, sembleraient risquer de paraître rebutantes au public de l’époque. Tournant le dos à ce petit succès, le groupe choisit d’enchaîner avec un titre psyché-pop en juillet 68 I satisfy. La compilation a ici opté pour la version longue rarissime des seules copies prévues pour la promotion radiophonique. La face B est le titre Good times composé par Weiss et non pas Henderson, mais Stanley. Le dernier single sera Look at the sun / Requiem for Sarah. La face A est une composition de Tim Gillespie, un musicien secondaire du groupe, l’un des trois pianistes (keyboards) qu’il avait à sa disposition. Le style change, mais la composition s’écoute, surtout grâce à ses quelques espèces de suspens brutaux délivrant un « backing vocals » éthéré, car, pour le reste, la batterie n’est pas très inspirée, malgré son effort de duperie finale, et la musique tourne sans grande ambition. Je préfère encore la face B de Weiss et Stanley. Le groupe jouera également avec Dale Hawkins à la fin de l’année 69, mais pour constater que pour son auteur Suzie Q c’était fini, ce n’était plus ça. Des sessions est sorti le single Wicker vine / And I believe her non représenté ici. Les membres du groupe resteront dans la musique, mais le groupe est dissout et il n’y aura pas plus d’heure de gloire par la suite. En mars 1997, selon Robin Hood Brians, Mouse joue encore de la guitare au Texas et il continue d’écrire des chansons.
En tout cas, 25 titres d’une solide formation rock texane sixties sont réunis ici. Tous les titres ont été cités à l’exception d’un seul I wonder where the birds fly qui fait partie du petit ensemble de sept inédits de la compilation. La compilation CD a voulu mettre en premier les titres forts du groupe. Il débute par les deux morceaux mythiques présents sur le Nuggets américain, autrement dit les deux premières faces A. L’inédit Nobody cares est promu troisième plage du CD. Le puissant Cryin’ inside est placé quatrième et, à défaut de leur reprise de Psychotic reaction, la reprise inédite de I’m a man vient en cinquième entrée, suivie par l’excellente face B tardive Lie beg borrow & steal. Viennent ensuite les autres titres, encadrés très précisément par la face A et la face B du single joué sous le nom Chris St John (plages 7 et 25). On note encore une tendance à repousser les inédits vers la fin de l’album. Mais, quelques temps forts sont parsemés dans cette autre partie du CD. Il n’y a aucune raison de suspendre son écoute après six titres. Notamment, leur succès pop Sometimes you just can’t win n’a pas été placé en tête, mais en plage 10. Ainsi, l’attention est dressée au début du CD pour les titres particulièrement explosifs. Ensuite, l’écoute se fait plus décontractée pour un ensemble qui demeure de très bon niveau.

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