vendredi 13 juillet 2012

Musique psychédélique, Stones et Beatles.

1966.

Morceau le plus psychédélique de 66 :
Have you seen your mother, baby, standing in the shadow?
(The Rolling stones)

Equivalent Mc Cartney:
Paperback writer
(The Beatles)

Il est vrai que les compositions de Lennon sont teintées d'un début d'ambiance psyché, mais il s'agit d'une année noire pour Lennon qui n'arrive pas à engendrer quelque chose de génial cette année-là depuis Day tripper: Rain et ses compositions sur Revolver ne sont pas à la hauteur. C'est de loin Mc Cartney qui fait tenir l'album Revolver. Le psyché apparaît quelque sur Taxmen de George Harrison et sur son abandon au trip indianisant, sur certains titres de Mc Cartney également, mais fort modérément.
En 66, les Rolling stones n'annoncent pas nettement l'air psychédélique à l'exception du sublime 45 tours "Have you seen your mother, baby, standing in the shadow?" / "Who's driving your plane?"
Il y a bien Paint it black qui est quelque peu précurseur et qui rappelle que Yardbirds et Rolling stones ont tâté du sitar avant les Beatles. Sur Aftermath, il y a bien un blues allongé sur 11 minutes, ce qui n'est pas étranger à l'évolution psychédélique, il y a aussi sans doute le superbe Mother's little helper.

1967.

Les Rolling stones donnent deux albums psychédéliques Between the buttons et Their Satanic Majesties Request, plus la compilation Flowers. Les Beatles donnent deux albums psychédéliques: Sergeant Pepper's et Magical Mystery Tour.
La plupart de l'album Sgt Pepper's est à peine psychédélique me semble-t-il. Mc Cartney privilégie des mélodies dans le style années 20: Lovely Rita, When I'm sixty-four. Ses autres ballades Getting better, With a little help from my friends (pour Ringo Star), son rock Sgt Pepper's et sa création incluse dans le A day in the life de Lennon n'ont rien de psychédélique. She's leaving home et Fixin' a hole sont des cas limites de création psychédélique.
Seul Lennon produit véritablement des titres psychédéliques: Lucy, Mr. Kite, A day in the life, Good morning good morning. On peut y ajouter la chanson indienne Within you without you de Harrison, mais elle est psychédélique par un recours à une instrumentation traditionnelle exotique simplement connotée psychédélique. D'ailleurs, Harrison plie assez nettement la musique indienne à la structure d'une chanson rock, d'une mélodie rock même.
Il y aura bien des bandes à l'envers, des instrumentations indiennes ou autres, mais seule une minorité de titres sont psychédéliques en soi. Qui plus est, ces arrangements ne sont pas ceux des Beatles eux-mêmes et c'est pour cela qu'il est nécessaire de débusquer le psyché dans la composition. Seul Lennon joue le jeu, il est d'ailleurs sur son terrain, celui de la création d'atmosphères par la musique. Il compose tout de même peu pour cet album: quatre titres sur treize, voire trois titres trois quarts. A day in the life est une réussite.

Magical mystery tour et les 45 tours de l'année 67 confirment que la composition psychédélique est essentiellement l'affaire de Lennon : Strawberryfields forever, I am the Walrus, All you need is love. Les compositions de Mc Cartney peuvent être superbes, elles ne sont pas très accentuées au plan psychédélique: The Fool on the hill, Hello, goodbye, Penny Lane, voire des titres plus anecdotiques: Your mother should know et Baby you're a rich man. Même le titre particulier Magical Mystery Tour n'impose pas l'appellation.

En revanche, les stones produisent du psychédélique en abondance:

Let's spend the night together, rock qui a pour particularité de se fonder sur un riff brusque au piano, mais qui prépare la voie à une tension psychédélique. Sa structure avec arrêt et relance au milieu reprend en partie de celle de Have you seen your mother... Ruby Tuesday est quelque peu teinté de psychédélisme. L'ensemble de l'album Between the buttons en additionnant les titres de l'édition anglaise à ceux distincts de l'édition américaine offre un climat psychédélique dans la lignée de Lennon de Revolver, mais plus accentué.
Les perles s'accumulent: Yesterday's papers, Connection, Complicated, Who's been sleeping here, jusqu'à la superbe ballade dylanienne finale Something happened to me yesterday. On retiendra le Diddley sound transformé en chuintements électroniques dans Please go home, le rock stéréo Miss Amanda Jones, les changements de rythme sur Cool, calm and collected et la présence d'un accordéon sur la ballade rock acidulée Back street girl. Les ambiances psyché sont aussi l'évidence sur She smiled sweetly, All sold out et My obsession.
Et la compilation d'inédits Metamorphosis en 75 révèlera cette époustouflante chute de studio pour l'album Between the buttons: If you let me. Jamais je n'ai entendu parler de tels joyaux dans les chutes de studio des Beatles, alors que ce n'est qu'un parmi les laissés-pour-compte des Stones.

Suit alors l'album Their Satanic Majesties Request auquel il faut adjoindre le 45 tours contemporain We love you / Dandelion.
Il était convenu entre Stones et Beatles que les albums ne se fassent pas de concurrence et les déboires judiciaires des stones ne permettaient pas d'imaginer de leur part une course contre la montre. L'important, c'est que j'ai montré les points suivants: la dimension psyché de Sgt Pepper's est largement exagérée, Between the buttons est pratiquement aussi psyché que Sgt Pepper's, il n'a pas encore été question des autres artistes impliqués dans l'évolution psyché, ensuite l'essentiel des innovations de Sgt Pepper's ne sont pas le fait des Beatles, mais de leur maison de disques! On peut même fortement douter de ce que ce soit l'un des deux Beatles qui ait eu l'idée de passer des bandes à l'envers. On va le croire... C'est une idée de quidam, pas une idée spécialement d'un grand compositeur. Un peu de bon sens...
Pour juger de la valeur psyché des Beatles, il faut juger des compositions et du caractère viscéral de l'interprétation. Tout génie qu'il est, Mc Cartney n'est pas un maître du psyché. Comme attendu, c'est Lennon, créateur évident d'atmosphères en chansons et musicien plus conceptuel, qui est à l'aise en la matière. Mais, il n'a pas composé abondamment cette année-là.
En fait, c'est l'image, les clips vidéos de Beatles dans des dessins animés à abondance de couleurs qui créent l'impression que les Beatles sont psychédéliques. Musicalement, pour l'oreille, c'est bien moins évident.
Or, l'album Satanic Majesties est lui authentiquement composé dans un esprit jouant la carte du psyché. Sa réputation de passe-après Sgt Pepper's en moins bien est donc déjà largement infondée.
Les chansons de Sgt Pepper's sont de traditionnelles ballades refrains-couplets saupoudrées d'effets psyché pour la quasi totalité.
Les avis mitigés sur l'album Satanic Majesties portent quasi exclusivement sur deux titres The Lantern / Gomper, deux titres pourtant parus en 45 tours et qui assumaient le statut psyché en étant des sortes de bains sonores.
Ceux qui décrient Satanic Majesties sont dès lors incapables de minimiser un autre titre de l'album. Ils ont essayé pour les deux parties de Sing this all together, ce qui est proprement ridicule. Ces deux parties sont une réussite incontestable.
Personne n'a jamais critiqué la très belle ballade 2000 Man qui a d'ailleurs fait l'objet de reprises, ni le titre final atmosphérique On with the show.
Plus fort encore, les autres titres sont encensés. Le titre In another land de Bill Wyman a un succès d'estime. Citadel marque le passage de Keith Richards à une nouvelle façon d'accorder sa guitare, l'open de sol, et le morceau est admiré, tout en étant annonciateur d'un retour au rock tel quel.
Enfin, pour deux titres, il est carrément question dans la presse de plus belle chanson pop de tous les temps pour She's a rainbow (ce genre de formule peut servir à remplir du papier, mais le fait de le dire est déjà bien significatif de l'importance du morceau) et d'invention phénoménale pour 2000 light years from home, titre notamment admiré par Jefferson Airplane et titre qui a connu des essais de transposition instrumentale grandiloquente.
Ajoutons à cela le 45 tours We love you / Dandelion. La chanson Dandelion, composition qui avait un peu attendu, inspirera un titre des derniers Yardbirds avec Jimmy Page (album Little games) et la chanson We love you est sublime en se fondant sur un riff de piano électrique joué par Nicky Hopkins et en privilégiant ce finale de culbute autodestructrice.
Les trois plus grands titres psychédéliques de l'année 1967 furent le fait des Rolling stones et de personne d'autre!

She's a rainbow
We love you
2000 light years from home

Défiant toutes les lois de la rationalité, Bill Wyman qui n'a jamais été un génie de la composition dans sa carrière solo ultérieure, mais qui a composé deux très bons titres avec les stones In another land et Downtown Suzie (inédit sur Metamorphosis) compose deux titres psychédéliques meilleurs que tout ce qu'il a jamais su faire même pour les stones mais pour un groupe dérisoire The End. L'un des plus grands titres psychédéliques de l'époque est alors indirectement stonien, le divin Shades of orange, dont jamais les Beatles en psyché n'auront donné un quelconque équivalent.
La supériorité psyché des stones sur les Beatles relève donc bien désormais de l'évidence.

The End - The Shades of orange

En 68, les Rolling stones se sont accordé un titre de transition du psyché au retour au rock avec la face B de l'éternel Jumpin' Jack Flash, à savoir Child of the moon. La teinture psyché modérée des Beatles va sans doute demeurer un peu plus longtemps. Mais il reste que les stones sont allés plus loin dans le psychédélique et qu'ils furent bien plus créatifs et meilleurs.

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